La Tour d'Ivoire - Tome 4

La flamme blanche - Partie II

            Elina entra sous l'auvent suivi de Lorenzo. Il ne semblait y avoir aucun client, la jeune fille en profita pour laisser son regard errer sur ces pièces dignes des plus belles collections royales. Elle laissa ses doigts glisser le long d'étoffe de toutes les couleurs, de tissus venant des quatre coins du monde. Son intérêt fut piqué par un vêtement mêlant la douceur d'une robe et le tranchant d'une armure de métal.

            -Cuir et cotryne, fit une voix douce. Un tissu très résistant, inventé par Apollina Razane en personne.

            Elina sursauta et lâcha le tissu comme s'il l'avait brûlé.

            Une femme venait d'apparaitre à quelques pas de là. La jeune fille ne l'avait même pas vue arriver, et si elle en jugeait par le regard perçant de Lorenzo, lui aussi s'était fait surprendre.

            Intéressant.

            -Certains disent même qu'il est fait d'écaille de dragon, ajouta la vendeuse.

            Elle avait l'air plutôt âgée avec sa peau brune et tannée, ses cheveux d'un blanc de neige et ses yeux aveugles. Vêtue d'une robe à la coupe simple, mais au bleu clair éclatant, elle semblait fine et fragile, mais c'était sans compter les restes de muscles qu'Elina voyait s'esquisser sur ses jambes et sur ses bras. Cette femme n'avait pas créé des armures pour rien, jadis, elle avait certainement dû tenir une épée dans sa main. Elina se demanda si Lorenzo avait observé la même chose qu'elle.

            -Les dragons n'existent pas, finit par répondre Elina.         

            -Les princesses qui s'associent à des voleurs non plus, contra la femme.

            Comment pouvait-elle...elle ne voyait rien, elle ne les connaissait pas...

            -Nous ne sommes pas associés, cingla Elina.

            La femme sourit. Elle sourit comme si elle savait quelque chose qu'Elina ignorait, cela énerva tout de suite la jeune fille.

            -Dans ce cas, que venez-vous faire ici, mes seigneurs ?

            -Comme vous l'avez si bien dit, je suis un voleur et non un seigneur, fit Lorenzo d'un ton poli.

            La femme lui lança un long regard, auquel il répondit avec la même intensité.

            Elina ne savait pas ce qui les unissait, mais une chose était certaine, ils se connaissaient, et très bien même.

            -Suivez-moi, nous serons plus tranquilles dans la réserve, dit-elle soudain sans pour autant quitter Lorenzo des yeux.

            Elle les invita d'un geste à la suivre dans une sorte d'arrière-boutique séparée de la pièce principale par un fin voilage au jaune passé.

            À peine eurent-ils franchi le seuil, qu'Elina attaqua. Elle ne voulait pas passer par quatre chemins, le temps était compté, d'autant que la femme l'a mettait mal à l'aise.

            -Il y a quelques mois de cela, vous avez offert une armure hors de prix à une jeune femme, n'est-ce pas ?

            -En effet, dit-il d'un ton posé.

            Elle posa ses yeux aveugles sur la jeune fille. Elina frissonna. Elle avait la désagréable impression qu'elle pouvait la voir. Pas avec ses yeux. Mais autrement. Plus précisément, plus profondément.

            - Une femme ... différente, ajouta Elina.

            La femme sourit.

            -Est-elle vraiment si différente de vous et moi, au bout du compte ?