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Il y a bien trop de bleu dans cette pièce. Le papier peint du mur d'en face, le fauteuil, les coussins du canapé... tout cela dans le même camaïeu. C'est déprimant. Il me semble pourtant que je viens ici pour ne plus déprimer. Je devrais peut-être arrêter alors, mais ma sœur m'a gentiment forcé à prendre rendez-vous. C'est la troisième fois que je suis là pour ne rien dire au final. La psy me regarde dans le blanc des yeux, me pose des questions que j'ignore et note pourtant des trucs sur ses feuilles volantes blanches. Je lui fais assurément perdre son temps. Mais je suis quand même là. Je me demande combien de temps va durer ce petit manège. Je ne suis pas forcément mécontent d'être présent, dans cette pièce bien trop bleue. Je pense au moins à autre chose. À autre chose qu'à toi. Je devrais peut-être en parler. Le silence est parfois assourdissant, mais il fait taire ce cri constant en moi. Mes lèvres refusent de se desceller. Je suis condamné au mutisme face à cette femme née il y a probablement 2 siècle. Je pense qu'on pourrait presque repasser sa peau avec la vapeur d'un fer chaud. À quoi est-ce que je viens de penser là ? Je viens vraiment de dire ça ? Je dois vraiment être entrain de perdre la raison, j'ai besoin d'aide.
Je crois qu'elle est entrain de me parler. J'ai les yeux dans le vide, allongé sur ce canapé, je manque de m'endormir. Cela fait combien de jours que je n'ai pas sommeillé ? Je ne sais plus. Trois jours, peut-être ? Bientôt j'aurais des hallucinations, qui sait. Peut-être que je te reverrais ? Je devrais vraiment essayer de dormir pour que cela n'arrive pas. Mais il y a aussi le risque de rêver. De rêver de ce jour-là. C'est l'enfer, je ne sais plus quoi penser ou que faire de ma tête. J'ai envie de m'exploser le crâne contre la fenêtre de la baie vitré. J'imagine les projections de sang partout dans la pièce. Ça recouvrerait au moins un peu de bleu. Je trouve cette idée hilarante. Cela n'a aucun sens.
« Avez-vous déjà voyagé ? »
Je tourne la tête pour la regarder. Oui, je voyageais avec toi à chaque printemps, souvent aux frais de papa et maman je l'avoue. Mon bilan carbone doit être alarmant. Je suis un humain de piètres mœurs. Tout cela est lointain à présent. Que je sois un homme bon ou non n'a plus aucune importance. J'accepte simplement d'être égoïste avec un petit sourire. On meurt tous un jour de toute manière. Que l'on soit la mère Thérèsa ou Poutine, on est tous égaux face à la mort. C'est la vie qui m'a appris ça. C'est toi qui m'a appris ça.
Tu me manques tellement. Je rêve souvent que tu viennes sonner à ma porte en riant, dire que tu m'as bien eu, que tu as détesté ce temps passé loin de moi. J'aimerais t'entendre dire que tu m'aimes et que tu ne me laisseras plus jamais. J'aimerais que tu prennes ma main dans la tienne, que tu la poses sur ton cœur palpitant de vie et que tu me dises que tu vas bien. Que tout va bien. Que tout rentrera dans l'ordre. J'aimerais m'excuser de ne pas avoir compris, de ne pas avoir vus les signes, d'être aussi stupide. J'aimerais me faire pardonner de n'avoir vu que trop tard le fil rouge qui nous unissait.
