L'Abyssal : au seuil de l'univers

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Journal de bord du Capitaine Cornelius Thornfield, l'Abyssal


08 mai 2484
Six mois se sont écoulés à bord de l'Abyssal depuis le départ de la station orbitale martienne. Notre mission, simple mais néanmoins ambitieuse : cartographier les recoins inexplorés de l'espace, et découvrir de nouveaux mondes habitables ou gorgés de ressources. Nous avançons à près de deux fois la vitesse de la lumière et désormais nos transmissions mettront plusieurs semaines à atteindre le centre de contrôle.

Les journées s'enchaînent et s'étirent les unes après les autres dans la routine des observations, et les nuits sont bercées par l'éclat de lointaines étoiles. Cependant, malgré cette monotonie quotidienne, une étrange et inexplicable curiosité s'éveille en moi, et je ressens aujourd'hui le besoin de coucher sur le papier les troublants événements que je sens poindre dans les jours à venir.

15 mai 2484
Il y a encore quelques jours, l'excitation était palpable parmi les membres de l'équipage. Mais malgré la prometteuse détection d'une exoplanète aux caractéristiques proches de la nôtre et fortement susceptible d'abriter la vie, une étrange appréhension s'est emparée de nous, comme si l'univers lui-même essayait de nous mettre en garde contre ce que nous sommes sur le point de découvrir. Je ne peux m'empêcher de m'interroger : quels secrets l'inconnu nous réserve-t-il ? Je m'attends à des révélations aussi fascinantes que bouleversantes dans l'immensité cosmique.

18 mai 2484
Mon inexplicable pressentiment d'une imminente découverte s'est avéré tout à fait correct. Nos capteurs ont révélé une mystérieuse anomalie sur notre trajet stellaire, une distorsion de l'espace-temps qui semble pour l'instant échapper à toute explication rationnelle. Invisible, elle ne se manifeste à nos regards par les gigantesques et sporadiques éclairs qu'elle émet et qui semblent déchirer l'espace. Je suis fasciné par ces ondes iridescentes qui se propagent sur la toile noire du cosmos comme des battements de cœur d'un autre monde.
J'ai toujours tendance à privilégier des faits tangibles et rationnels mais cette fois-ci mon instinct m'avertit : quelque chose se prépare, un mystère qui ne devrait probablement pas exister dans ce recoin oublié de l'espace. Pourquoi une présence que mes yeux ne peuvent observer et dont seuls nos appareils électroniques peuvent attester l'existence me dérange-t-elle tant ? L'infini me semble soudainement terrifiant dans le néant glacial et absolu de l'espace, et un incompréhensible sentiment d'insignifiance m'étreint.

Nous sommes à l'aube d'une découverte sans précédent, j'en suis certain et je ne peux plus désormais qu'observer et attendre, pris au piège de l'anticipation.

19 mai 2484
Ma décision de maintenir notre cap malgré l'anomalie n'a pas fait l'unanimité. Ce matin, alors que j'étais dans mes quartiers, Edmond Krampus, mon second ainsi que deux ingénieurs se sont présentés à moi les yeux emplis de doutes pour me faire part de leur appréhension. Leurs mains tremblaient, et dans leurs regards confus je pouvais lire une angoisse profonde qui s'installait.
La décision qui m'incombe m'est extrêmement difficile à prendre. Dois-je continuer ce pourquoi notre équipage a été missionné, ou bien me ranger aux côtés de mes hommes et changer notre direction quitte à ignorer ce qui pourrait constituer une découverte majeure pour l'humanité ? Mais ma propre curiosité l'emporte sur l'effroi : nous sommes des pionniers et malgré la peur de ce que nous pourrions trouver nous devons avancer. Et même si suis dans l'incapacité d'expliquer d'où me vient cette étrange fascination, je sens au plus profond de mon être que notre destin est tracé vers les étoiles, et que l'obscurité spatiale nous réserve d'innombrables secrets que je suis prêt à révéler même au prix de l'inconnu.

22 mai 2484
Je ne dors presque plus. L'intérêt que je portais à notre mission et l'émerveillement qui m'animaient jusqu'alors ont laissé place à une étrange forme d'anxiété. Ma dernière nuit a été ponctuée d'insidieuses visions dans lesquelles j'ai vu les étoiles elles-mêmes se consumer et des mondes perdus, engloutis dans les tréfonds du néant.

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