Vibrating (1)

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On a passé la première partie de la soirée à transformer le château en salle d'opération.

Vers minuit, alors que Raven venait d'euthanasier Oliver dans le château – il l'a littéralement placé sous perfusion d'un truc rose bonbon qui s'appelle « T61 » et qu'on utilise pour euthanasier les chevaux, je vous jure... –, le téléphone a sonné. C'était encore Ove qui appelait, cette fois avec la bénédiction de ce cher Sawyer – lui, il va entendre parler du pays quand il reviendra, je vous le dis. Saburo a décroché :

— Ah, bonsoir Ove, tu appelles tard ! Tout le monde va bien ? Oui ? Ah, oui tu veux parler à... Oui, la petite conne ?

Merci, Ove...

— Elle est là, elle lit. Oui, comme d'habitude. Je te la passe ?

Silencieusement, j'ai dit que « Non » et que ce crétin pouvait « Aller mourir ». Sérieusement, je suis en colère après lui : il m'a caché plein de choses alors que j'étais directement concernée et que je lui fais confiance ! Et puis il sait très bien que Sawyer a manigancé un truc pas net pour pouvoir manipuler les autres Oncles et mes propres parents, donc le Suédois aurait dû me dire la vérité !

— Euh, a fait le Japonais, gêné. Elle lit, en fait, là. Qu'elle bouge son ? Comment ça ? Cul ? Ah, oui, qu'elle se lève ! Petite strip-teaseuse, tu dois te lever et lui répondre. Il s'inquiète beaucoup pour toi, ça doit être à cause de la migraine que tu as eue, non ?

Ce type est le roi des débiles. Ou le roi des fouteurs de merde. Ça, un tueur à gages ? Laissez-moi rire. J'ai dû me lever. À son ton, j'ai compris que le Suédois n'était pas du tout content. Tiens, d'ailleurs, moi non plus ! Ça allait chauffer.

— Dis-donc, ça t'ferait mal d'te l'ver pour m'répondre ?

— Je suis occupée, j'ai pas forcément tout le temps besoin de te répondre comme un bon chien-chien, Ove !

— Tu m'les brises ! Ça fait trois jours que j'dors pas pour essayer d'protéger ta putain d'famille et toi tu lèves pas tes fesses quand j't'appelle parce que j'm'inquiète ! T'es vraiment qu'une saleté de...

— Mais on n'est pas mariés, que je sache !

— Encore heureux ! Ça m'f'rait mal !

— Tu fais chier, Ove ! Tu fais vraiment super méga chier !

— ET TOI AUSSI TU FAIS CHIER, BORDEL DE PUTAIN DE MERDE ! J'AI DOUILLÉ TOUTE LA JOURNÉE À CAUSE DE TOI ET TU TROUVES ENCORE LE MOYEN DE M'EMMERDER AVEC TON CARACTÈRE À LA CON ! MAIS PUTAIN JE SAIS PAS POURQUOI T'ES VENUE AU MONDE ! JEG (...)

Là, je coupe le passage où je me fais pulvériser en Suédois, parce que oui, il a continué à me hurler dessus en Suédois. L'entendre exploser comme ça m'a pétrifiée, tétanisée. Je crois que j'aurais encore préféré dîner en tête-à-tête avec Scarsi. Saburo avait à nouveau écarquillé les yeux et s'était rapproché. Je me suis mise à trembler et aussi à me mordre les lèvres très, très fort, pour ne pas pleurer, parce que ça aurait rendu Ove encore plus furieux. Il a déchargé sa colère le plus qu'il a pu avant de se taire pour reprendre sa respiration. J'ai entendu un long silence et j'ai murmuré :

— O... O... Ove ? Tu... tu es toujours là ?

Un profond soupir a émané du combiné, et je sentais des larmes couler sur mes joues.

— Ouais, a marmonné le Scandinave. Je t'ai fait chialer, j'parie...

— N... non... ai-je menti en tentant d'affermir ma voix.

— C'est ça... Mon tatouage chauffe, j'le sais quand tu mens.

Crotte.

Nouveau soupir :

— Tu comprends l'Suédois ou pas ?

— N... non, pourquoi ?

— Bon, ben tant mieux, j't'ai dit des horreurs. Écoute, j'suis désolé, j'te d'mande pardon, j'aurais jamais dû m'emporter – non, non, Boyd, ça va ma vieille, tout va bien. J'suis con, voilà. Mais qu'est-ce que t'as eu aujourd'hui ? Ma marque a pas arrêté d'me faire mal...

— R... rien... enfin...

J'ai supplié Saburo du regard. Je savais que j'allais devoir mentir et je voulais que Saburo m'assure de son soutien. Je n'avais juste pas pensé que Ove avait un détecteur de mensonges intégré.

— Un... il y a eu un problème à la piscine, ce matin. Euh... tu vas rire, vraiment, mais...

— Je suis pas sûr que j'vais rire, non. Y'avait quoi à la piscine ce matin ?

— Un... un alligator...

— Quoi ?!

J'ai entendu la voix lointaine de Boyd :

— Quoi ? Quoi ? Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a, dis, dude ?

Je lui ai tout raconté, sauf que j'ai mis Saburo à la place de Oliver. Évidemment, je me suis fait cramer :

— ... et t'oublie pas un léger détail ? Le genre qui fait chauffer mon tatouage quand tu m'racontes tes gros bobards ?

— Non, non ! ai-je insisté avec la plus mauvaise foi du monde. Je dis la vérité !

— Passe-moi Saburo...

Heureusement, le Japonais sait mieux mentir que moi – malgré tout ce que j'ai pu en dire. Il a juste « avoué » que j'avais tenté d'attaquer moi-même l'alligator et qu'il était intervenu à temps. Ove a rigolé et m'a dit que ce n'était pas la peine de lui mentir pour si peu. On s'est encore un peu disputés parce que je lui ai dit qu'il n'était pas mon père, j'ai pu papoter avec Boyd – qui semblait aussi exténué que son ami – et j'ai raccroché. J'avais encore dans les oreilles l'explosion de colère du Suédois, pour être honnête.

La voix de Saburo m'a fait sursauter :

— Tu sais que tu devras lui dire la vérité, petite strip...

— Je sais. Tout comme il aurait dû me dire la vérité sur ces histoires d'Échange de Sang.

— Il a voulu te protéger. Tout comme tu veux le protéger. C'est ça, un couple.

— On n'est PAS en couple !

— Ah, les Françaises... a soupiré l'Asiatique d'un air moqueur. L'amour toujours !

— Vous faites chier, vous aussi, ai-je grogné, avant de me remettre à lire.

Je suis allée me coucher, Raven n'est pas encore revenu. Peut-être qu'il est mort : on n'a pas de nouvelles et il nous a interdit de monter au château sans un signe de sa part.

L'Escorte 4Where stories live. Discover now