La Tour d'Ivoire - Tome 4

Terre natale - Partie II

Je lui avais expliqué sur la route ce que Varok m'avait annoncé, il avait encaissé la nouvelle sans broncher. Puis il m'avait souri et avait dit :

-Reine. Princesse. Ce titre semble te poursuivre où que tu ailles.

Il n'avait pas ajouté la suite, mais je savais qu'il le pensait :

-Il serait temps que tu l'acceptes enfin.

Je baissai les yeux, Hélios me regardait aussi. Ses grands yeux argentés, d'un calme étonnant pour un enfant de cet âge, me fixaient avec douceur.

Il ne me jugeait pas, ni lui ni Seth.

L'amour que je lus dans leurs yeux me redonna courage.

***

      De loin, j'avais eu un aperçu minime de la ville, l'argent m'avait trop ébloui pour que j'en voie plus. C'était surtout sa configuration, nichée contre la montagne qui m'avait marqué. À présent que je déambulais dans ces rues, je ne savais plus quoi dire.

La ville n'était que verre et argent. Les maisons semblaient taillées dans la glace, je voyais mon reflet partout.

-Comment avez-vous pu... demandai-je à Varok.

-La Tour. Les richesses qu'elle nous offrait sont tout autour de vous, Princesse.

Vesta ne ressemblait en rien aux autres capitales, elle était hors du temps, on aurait pu la considérer comme futuriste comparé aux autres Nations. La Nation d'Argent était devenue la petite sœur de la Tour d'Ivoire.

Curieux, les habitants commençaient peu à peu à envahir les rues.

Avec Varok et Seth à mes côtés, nous étions en tête de cortège, soumis aux regards insistants de la foule.

Le choc de l'apparence de la ville fut presque aussi vif que celle de ses habitants. S'ils nous ressemblaient au niveau de la physionomie, cela s'arrêtait là. Hommes comme femmes, leurs joues étaient poudrées de paillettes argentées, et leurs yeux, soulignés de khôl, allant du noir profond au blanc aveuglant. Leurs lèvres étaient peintes en noir et leurs cheveux coiffés avec soin en toute sorte de coupes complexes.

On aurait dit des Ivoiriens extravagants. Le maquillage était monnaie courante dans la Tour, autant pour les hommes que pour les femmes, mais pas comme ici. Les Argents semblaient en faire un art. Je vis une femme aux cheveux blancs comme neige, dont le visage était recouvert d'arabesque peinte à l'encre argentée. Ils semblaient tous en bonne santé.

Leur regard rendu encore plus intense par le maquillage ne nous quittait pas, Seth et moi. Je vis le choc se peindre sur leur visage quand ils me virent, certains reculaient, apeurés, d'autres mettaient un genou à terre. Certains encore touchaient leur gemme à leur oreille en signe de protection.

Un murmure grandit dans la foule.

-Je vous avais bien dit que la Princesse perdue de la Nation d'Argent était un mythe pour notre peuple, me dit Varok avec un regard amusé.

Perturbée par tous ces regards inquisiteurs tournés vers moi, je dardai mon regard droit devant moi.

La suite se déroule comme dans un rêve, je ne pus dire exactement avec certitude ce qui arriva.

Seth me racontera qu'arriver devant le Palais d'Argent, mon regard s'était voilé, que j'avais contemplé en silence cet édifice impressionnant, que j'avais hésité à poser pied à terre. Il me conta aussi que devant ma fébrilité, Anna avait surgi, qu'elle m'avait prise par la main, qu'elle m'avait soufflé quelques mots, que je l'avais regardé, à demi présente, que j'avais finis par hocher la tête et que j'avais fini par monter les immenses marches plaquées d'argent qui menaient à l'entrée du Palais.