Dis, Lem

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    Cequ'il fait chaud ! J'ai beau aimer marcher ça commence àfaire... Le désert s'étend à n'en plus finir, quand verrai-je denouveau la civilisation ? Dire que je n'ai pas la moindre idéede pourquoi je me suis réveillé au milieu de nulle part. Ce dont jeme souviens, c'est d'être allé au bar avec les copains, et d'avoirbien entamé la journée. Heureusement, mon père veille sur moi, delà-haut. Il s'appelait Lemmy, je ne l'ai appris qu'en lisant lesécriteaux sur sa tombe. Les autres et moi-même l'appelions Lem.Je regarde le ciel, essaie de trouver des oiseaux ou un signe venantde sa part pour me repérer, mais rien, pas un nuage. C'est lui quime traitait de feignasse quand je me remettais d'une cuitel'après-midi, les rôles se sont intervertis. Aie, une crampe àl'orteil, rien de pire pour l'honneur, mais rien de plus fatal. Je mepose par terre, engourdi par la chaleur environnante. Ma têtetourne, aucune idée de si c'est l'alcool ou le soleil. Je devraisêtre habitué à l'alcool pourtant, depuis les années qu'on secôtoie lui et moi.


    Jetombe. Trou noir.


    J'aimal au crâne. Derrière mes paupières, je distingue deux hommes.J'essaie de regarder sans me faire repérer. Les parties deloups-garous, un jeu qu'on a inventé avec les copains, ne m'ontjamais autant servi, je ne critiquerai plus le rôle de la petitefille. Je manque de m'esclaffer, un cow-boy et un Indien, je doisavoir des restes du bar. Même des doses de cheval doivent êtrepetites à côté de ce que j'ai dû prendre ce matin. Ces deuxgugusses-là n'ont rien à faire ensemble, comme les diluants dansl'alcool. Ils repèrent mon mouvement, bien que minime. L'un d'entreeux me tapote l'épaule. C'est le grand jour, j'ai l'impressiond'être un nouveau-né vulnérable devant des infirmiers dotés d'unpouvoir absolu. Impossible d'articuler, j'ai la bouche trop sèche.Je tâche de leur faire comprendre que j'ai besoin d'eau avec monpouce vers le bas, contre mes lèvres. Ça fait étrange de réclamerautre chose que de l'alcool.

    Lesdeux me tendent leur flasque. Un être lambda se serait jeté sur lapremière venue, surtout après un long moment solitaire. Je ne suispas un sauvage et comprends bien le message caché derrière cessoi-disant flasques, et comme disait mon père, je suis « unpersonnage sagace que rien n'agace », je reste impassible quoiqu'il arrive. Que faire ? Je ne suis pas né de la dernièrecuvée, il y a de fortes chances que de la drogue ou un quelconquepoison soit dilué dans ce contenant. Le Cow-boy a dû voir monportrait placardé dans sa ville, j'ai un peu marché mais ne suispas fou, avec ma piètre allure, je n'ai pas fait bien deskilomètres. Il veut la récompense sur ma tête,j'en mettrais une bouteille à couper. Quant à l'Indien, ilne m'inspire pas confiance. J'ai déjà eu affaire à eux, mon plusmarquant souvenir s'est passé avec les copains. On voulait attaquerune caravane, jusque-là rien d'étrange, sauf que v'là-t'y pas queces Indiens ont eu la même idée que nous. Ce n'est pas de pot, il yen a d'autres des caravanes quand même. Aucun de nous ne voulait leslâcher, trop précieuses. Une bataille ensanglantée a eu lieu, sije mangeais de l'Indien, j'en aurais eu pour un bout de temps dans laréserve. Vous allez me dire que cet Indien n'avait aucune chance deme reconnaître parce que pendant cette bataille, je m'étais cachéderrière un rocher de peur de me blesser... Ça aurait été le cassi je n'avais pas insisté pour capturer un des leurs avec l'aide demes compagnons, et de lui tatouer ma tête sur lui, pour rigoler,l'alcool aidant. On l'a laissépartir pour qu'il transmette notre nom, accompagné d'un filet deterreur.

    Bref,les deux ont peut-être ma tête primée. Dilemme, quelle mortchoisir ? Cow-boy ou Indien ? Persécuté devant lescopains qui se moqueront de moi, ou... je ne sais pas ce que font lesIndiens contre ceux qu'ils méprisent, mais l'idée ne m'enchanteguère plus.

    Jeme rends, lève les mains au ciel, vers Lem. Qu'aurait-il fait ?Il était bavard comme une pie, mais depuis sa mort, je ne l'entendsplus jacasser, comme quoi il n'y a pas que les bonnes choses qui ontune fin. Comment vais-je me dépatouiller ? Ils ont gagné, maisquitte à mourir, je préfère prendre une autre voie que celles quel'on me propose. Je vais mourir déshydraté, ça ne saurait tarder !Ils l'auront mauvaise.

    L'Indiens'approche puis me fouille. À deux doigts de lui dire que j'ai déjàvu meilleur pickpocket mais je me retiens. Il se recule, avec dans lamain mes seuls acolytes qui ne me quittent jamais. Attends quoi ?Oh la triple buse que je suis ! Je me fou une baffe. Ils doiventme prendre pour un âne bâté aussi. Pourquoi n'y ai-je pas penséplus tôt, ils n'avaient pas l'air méfiants ! Avec ça, ni uneni deux, j'étais parti et eux par terre. Au lieu de ça mes osseront bientôt nus. Mes pistolets...

Dis, LemWo Geschichten leben. Entdecke jetzt