Chapitre 19 - Des plans sur la comète

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— As-tu des sœurs ? demandé-je, intriguée par le sort réservé à mes homologues selcynes.

— Le Grand Consul n'aurait jamais toléré d'engendrer une femelle, me répond K. Les femmes sont dévouées à des tâches peu mises en valeur, bien que nécessaires. L'entretien des bases, la maturation des jeunes et leur sécurité physique et affective, la conception de vêtements et bien sûr, pour celles dont le dossier a été retenu, le don de gamètes.

— OK, je vois, soupiré-je. Finalement, vous faites subir aux terriennes ce que vos propres femelles enduraient. La façon dont vous les traitiez est terrible. Je n'arrive pas à croire qu'une race se disant « avancée » souffre d'un tel sexisme, que femmes et hommes soient à ce point cloisonnés.

— Les liens intersexes sont source de conflits et de décadence.

— C'est quoi ces inepties ? m'insurgé-je. Tu récites la leçon de ton crétin de Consul ! Tu veux un bon point ?

— Je ne sais pas ce que ça veut dire. Mais tu comprends à présent que pour notre dirigeant et pour nous, le projet couveuse n'a rien de malsain. De plus, c'est une question de survie et il compte sur ses Temens pour le mener à bien. Peu importe mon patrimoine génétique, il n'aura aucune pitié pour moi si je le trahis.

— En refusant de perpétuer les horreurs faites aux femmes sur cette planète, tu veux dire ?

— Je ne sais pas quoi te dire, Chaton.

Mon ventre se tord, j'ai l'impression que la situation est inextricable, et je ressens un profond malaise.

— Jafro m'a fait comprendre que vous seriez vite remplacés si vous n'obtempériez pas, soufflé-je après un silence. Et sûrement tués.

— Très certainement, en effet. Les ordres du Grand Consul ont valeur de lois. Et nul ne peut nier que notre race est en danger. Les humaines sont bien traitées grâce aux discussions que certains selcyns ont réussi à engager avec le Grand Consul, et dont je fais partie. Mais je vois bien qu'il ne s'agit pas de ça. Je commence à comprendre ce qui te pose problème. Nous n'avons pas la même façon d'appréhender le monde ni la même notion du bien et du mal.

— C'est évident, approuvé-je. On n'a clairement pas élevé les cochons ensemble.

— Les cochons... oh. Je vois, Chaton. C'est à se taper la tête contre les murs.

— Kalen... soupiré-je. Essaye de mettre un peu de nuances dans ta voix quand tu sors ce genre de truc. Parce que prononcé sur un ton aussi plat... ça fait juste psychopathe !

— Ah, j'y penserai, répond-il en fronçant les sourcils.

— Bref ! reprends-je en mettant une main devant ma bouche pour cacher mon début de sourire. Et comment procédez-vous pour récolter les gamètes mâles ?

— Comme je te l'ai dit, seuls les corps des femelles supportent mal les glissements. Vous êtes tellement plus faibles et plus...

— Oui, oui, j'ai compris ! Abrège !

— Les corps mâles restent tout à fait fertiles. Nous procédons donc manuellement, en pratiquant la masturbation. Bien que nos volontaires aient eu beaucoup de mal à aller jusqu'au bout, au début, ils ont fini par prendre le coup et nous possédons une première réserve suffisante pour lancer l'expérimentation.

Je reste coi. J'essaye d'imaginer Kalen... aller jusqu'au bout.

— Tu fais partie des volontaires ?

C'est vraiment moi qui viens de poser cette question débile ? Kalen ne semble pas déstabilisé par mon audace.

— Non, mais je sens bien qu'il faudra que j'y passe un jour ou l'autre. En tant que chef de la première division, je dois montrer l'exemple.

Corps étrangers [TERMINÉ] Where stories live. Discover now