Chapitre 26

Depuis le début
                                    

— Du coup, commença Augustin, Fly, je te présente Ingrid, ma compagne.

L'intéressée esquissa un sourire timide. Augustin se tourna vers elle.

— Fly est mon ami d'enfance, on était tous les deux à l'orphelinat, je t'en ai peut-être déjà parlé.

— C'est possible, répondit-elle, ce nom me dit quelque chose.

— Miss Lalie est très heureuse de vous rencontrer ! embraya la jeune femme sans attendre qu'on la présente.

Augustin et Ingrid semblaient un peu surpris, mais Fly était au moins soulagé qu'elle s'annonce elle-même. Elle montrait son plus beau sourire à ses deux nouvelles connaissances.

— Lalie est mon amie à Hydran, précisa Fly. C'est la première que j'ai rencontrée là-bas, alors je tenais à lui faire visiter Toritoshi un jour ou l'autre.

— C'est une très bonne idée, répondit Augustin. La ville est très belle, je crois que les touristes l'aiment beaucoup. Cela dit, j'aimerais beaucoup aller à Hydran moi aussi.

— Oui, la ville est sublime ! s'emballa Fly. Quand on arrive en avion, on voit tout de suite les grandes tours au milieu de l'océan, elle sont énormes ! Avec les pontons autour !

Il faisait de grands gestes pour accompagner ses propos, et un grand sourire, destiné à cet homme qu'il était si heureux de revoir. La discussion s'était détendue. C'était comme avant, comme les souvenirs qu'il gardait de leur amitié. Il sentait de l'intérieur sa propre ferveur : après tout, parler de la beauté d'une ville comme Hydran n'était pas très compliqué, ni même de quelque ville que ce soit, elles étaient toutes belles.

Miss Lalie attendait sagement à côté, non sans sourire, et le jeune couple écoutait attentivement, intéressés par cet extérieur qu'ils ne connaissaient pas.

— Miss Lalie est très contente de venir à Toritoshi ! sourit-elle.

— La ville te plaît ? demanda Augustin.

— Oui ! Il y a plein de fleurs partout, et Miss Lalie aime les fleurs !

Son interlocuteur parut étonné.

— Ce n'est pourtant pas ce qui distingue Toritoshi, en général, répondit-il.

— A Hydran, il n'y a pas de fleurs. Il n'y a que de l'eau. Il y a des fleurs à la serre mais nulle part ailleurs. Ici il y a des fleurs partout. Il y a des fleurs dans votre jardin ?

— Euh... oui, sûrement...

La jeune femme se leva sans attendre et marcha jusqu'à la sortie. On la vit bientôt passer derrière les fenêtres, scrutant l'herbe à ses pieds.

Augustin et Ingrid la regardaient, visiblement un peu mal à l'aise. Fly ne savait pas vraiment quoi leur dire à son sujet, aussi choisit-il de se taire. Sa gêne était un peu revenue, mais il sentait maintenant que leur complicité était rétablie, et qu'il pouvait lui parler comme à un ami.

— Je... je suis content de te voir, lâcha-t-il dans un sourire timide.

Augustin mit quelques secondes à réaliser, puis commença à sourire, lui aussi. Il avait l'air ému. Même Ingrid semblait touchée.

Fly s'attendait à ce qu'Augustin réponde. Un « moi aussi », peut-être ? Ou bien en profiter pour embrayer sur une conversation intéressante. Mais à la place, le jeune homme se leva.

Un peu hésitant, il attendit quelques instants debout, pendant lesquels Fly se leva à son tour, par mimétisme. Augustin s'approcha alors en soupirant un sourire et le prit dans ses bras.

Le cœur de Fly battait la chamade. Il ne s'y attendait pas, et les émotions surgissaient sans prévenir. Qu'Augustin manifeste autant d'amour le touchait profondément. Il ne se rendait pas vraiment compte à quel point son ami lui avait manqué, mais maintenant qu'ils s'étaient retrouvés, il constatait à quel point leur amitié comptait pour lui. Fly était à deux doigts d'en pleurer.

Les deux hommes s'étreignirent un moment sous le regard tendre d'Ingrid, pendant que Lalie s'accroupissait dans le jardin à la recherche de ses précieuses fleurs.

Lorsqu'Augustin desserra enfin ses bras, ce fut pour dire :

— Je suis content de te revoir, petit frère.

Fly sourit. Ça faisait longtemps qu'il ne l'avait pas appelé ainsi. Ses souvenirs affluaient en masse dans sa pensée, et il avait l'impression de revivre toute son enfance, tous les moments qu'il avait passés avec lui.

— Eh, ne pleure pas ! rit tendrement son aîné devant sa mine émue. Sinon je vais finir par penser que je t'ai fait du mal !

Fly sécha délicatement les larmes naissantes au coin de ses paupières et se rassit, sans pouvoir se défaire de son sourire. Ingrid ne parlait toujours pas, mais on lisait sur son visage une empathie heureuse de leurs retrouvailles.

Augustin se rassit à son tour.

— Bon alors, tu as prévu de faire quoi à Toritoshi ? demanda-t-il gaiement.

— Je...

Fly jeta un regard vers la fenêtre, où l'on voyait Miss Lalie dans son élément. Il recentra son attention vers Augustin, un peu timide mais apaisé. Son stress avait disparu.

— A propos de ça, reprit-il, on aurait besoin d'un hébergement, le temps de notre séjour...

Les visages du couple devinrent un peu plus sérieux.

— Vous voulez dormir ici ? demanda Augustin.

— Il n'y a pas beaucoup de place, dit Ingrid.

— Ça serait pour combien de temps ?

— On ne sait pas vraiment, répondit Fly, quelques jours. On ne veut pas vous embêter, si vous ne pouvez pas, on peut aller voir d'autres gens, ou bien aller dans un hôtel...

Augustin et Ingrid se regardèrent. Ils avaient l'air de se poser la question, de discuter par expressions faciales. Muets, ils jaugeaient sans un mot à quel point l'autre était d'accord. Fly était touché par leur complicité, mais il n'en laissa rien paraître.

— On n'a pas de chambre d'ami, répondit finalement Augustin. On ne peut que vous proposer le canapé du salon. Une fois déplié, il a deux places, si ça ne vous dérange pas de dormir ensemble.

Le visage de Fly s'éclaira.

— Merci ! s'exclama-t-il. J'espère vraiment que ça ne vous embête pas mais...

Augustin l'arrêta d'un geste de la main.

— Ne t'inquiète pas, petit frère. Ça me fait plaisir de passer un peu de temps avec toi.

Fly ne pouvait pas s'empêcher de sourire. Il avait l'impression d'avoir retrouvé une partie de son âme. Ils s'étaient éloignés, avant qu'il ne parte. Juste parce qu'il n'y pensait pas, ou ne prenait pas le temps d'aller le voir. Maintenant, ils s'étaient retrouvés.

Il eut un pincement au cœur en pensant qu'il devrait retourner à Hydran sans lui, mais il gardait espoir : il pouvait lui envoyer des lettres, et il reviendrait en vacances à Toritoshi de temps à autres. Qui sait, Augustin viendrait peut-être visiter Hydran un jour ou l'autre ?

Les deux hommes discutèrent à table pendant plusieurs heures. Ingrid venait parfois les écouter, voire enrichir timidement la conversation, et vaquait le reste du temps à ses occupations, dont Fly n'avait pas idée. Lalie ne se montra pas pendant au moins une bonne heure, mais finit par rentrer, un immense sourire au lèvres. Elle s'installa un temps à leurs côtés, mais finit par partir, muette, pour s'installer plus confortablement dans un fauteuil et se reposer un peu.

Face à Augustin qui lui parlait avec passion, non loin de Lalie qui semblait paisiblement endormie, Fly était heureux. Il n'avait besoin de rien de plus, en fin de compte.

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