Chapitre 4

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Les dialogues soulignés seront dans la langue natale de Toru et les mots de gras sont ceux qu'elle ne comprend pas.


"Toru..."

— Fran !

La jeune fille se réveilla en sursaut. À côté d'elle, recroquevillé en position fœutale contre elle, dormait un petit garçon.

« Où suis-je ? »

Elle promena son regard dans la pièce. Dans deux autres lits en bois brut collés l'un à l'autre, dormaient un couple d'âge mûr dans l'un et deux adolescents dans l'autre.

« C'est vrai... »

Elle n'était plus dans la résidence du seigneur, ni chez elle - le comté de Hagakure.

La jeune fille essaya de se relever mais suspendit son geste.

Ses sauveurs risquaient gros à la cacher, non ?

Elle s'extirpa du lit et traversa la chambre sur la pointe des pieds.

Baissant les yeux, elle remarqua que des vêtements plus confortables lui avaient été enfilés.

La maison était étroite, mais plus grande que le grenier où elle avait été élevée. Plus accueillante, aussi.

— Toru ?

Le blond souriant qui l'avait retrouvée la veille s'était réveillé.

Bonjour... fit-elle avant de s'incliner.

Elle voyait l'air surpris de son sauveur.

— Mercihh pour tourne, dit-elle dans un otéran approximatif.

— Ah... Ce n'est rien, fit-il avec un sourire.

Il jeta un regard à l'épaule de la jeune fille avant de se reprendre.

Est-ce que tu vas bien ?

« "Que", question. » analysa-t-elle.

—Oui, répondit-elle. Mercihh.

Il sourit à nouveau.

— Tu as faim ?

Elle secoua la tête. 

Possédant les attributs du lapin, elle n'avait pas grand appétit. Et elle ne voulait pas déranger son sauveur.

Elle leva la main gauche et traça un cercle sur sa poitrine, avant de montrer le blond.

Comment vous appelez-vous ? signifiait son geste.

Elle n'était pas sûre qu'il sache ce que ça signifiait vu que ce n'était utilisé que par les messagers muets des nobles, mais elle se devait d'essayer.

— Tu as encore mal ? demanda le jeune homme.

Elle se mordilla la lèvre et essaya de se rappeler la formulation otérane de ses gestes.

— Comment appelle-vous ? demanda-t-elle, hésitante.

Il réfléchit un instant avant de comprendre.

Il lui tendit une main, son sourire radieux encore accroché aux lèvres. Toru n'avait encore jamais vu personne sourire autant... pas de là d'où elle venait.

— Je m'appelle Mashirao, dit-il. Enchanté.

— Mashirao, répéta-t-elle, osant esquisser un timide sourire.

Il parcourut l'étroite cuisine du regard et lui désigna une chaise.

— Assieds-toi.

La jeune fille mit quelques secondes à comprendre.

S'installant sur le siège de bois brut, elle le regarda allumer un feu dans la cheminée et couper des racines violettes.

Au bout d'un moment, une fille, qui devait avoir environ treize ans, sortit de la chambre en se frottant les yeux.

— Pourquoi toujours des racines feuillues le matin ? semblait-elle se plaindre.

— Pourquoi toujours des potages au déjeuner ? répondit Mashirao d'un ton taquin.

La jeune fille se renfrogna et s'assit en face de Toru avant de sursauter en remarquant l'ancienne noble.

— Toru, voici ma sœur, Saeko, fit le blond sans se détourner de ses tubercules.

Bonjour, fit Toru avec un signe de tête respectueux.

La dénommée Saeko lui jetait des regards noirs qui lui firent baisser les yeux.

Bonjour tout le monde !

Le petit garçon qui avait dormi avec Toru s'était réveillé. Sa grande sœur essayait en vain de lui arranger ses cheveux en bataille.

— Tiens-toi tranquille, pesta-t-elle.

Toru vit les parents de la joyeuse fratrie venir dans la cuisine. La mère avait un ventre rond, qui montrait qu'elle attendait un heureux évènement.

— Tu es réveillée, fit-elle avec un sourire en voyant l'étrangère assise à table.

La jeune fille se leva et s'inclina profondément devant la mère de son sauveur en la remerciant en otéran. 

Elle avait appris à son arrivée ici que, dans ce royaume, s'incliner ainsi devant autre qu'un haut noble était une offense aux dieux, mais elle avait pris l'habitude de s'excuser ainsi.

L'air étonné de la femme enceinte la fit relever la tête.

— Ce n'était rien, assura-t-elle. Est-ce que tu vas bien ?

Toru acquiesça.

— Tant mieux.

Le sourire rassurant, l'expression maternelle de Maki fit gonfler le cœur de Toru d'une émotion inconnue.

Personne n'avait jamais eu l'air si heureux de voir qu'elle allait bien.

— Saeko, tu pourrais emmener Toru-san chez Mina aujourd'hui ? Tes vêtements sont trop courts pour elle.

— J'irai, fit Mashirao en posant des bols de lait à table. Je dois faire réparer mon arc.

—Tu pourrais aussi demander de nouvelles aiguilles à Eijiro ?

L'aîné acquiesça en déposant les racines bouillies sur la table avant de s'asseoir.

En voyant cette famille désordonnée, joyeuse, Toru se surprit à songer à ce qu'aurait été sa vie si elle avait grandi dans ce pays.

Une Belle Proie - Mashirao x ToruWhere stories live. Discover now