Chapitre 7 - Comme un cheveu sur la soupe

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20 février 2289 - Faraday-4

Quarante-huit heures après notre arrivée au camp d'Hanoï, un groupe d'une centaine de survivants est arrivé par le tunnel de la navette. Il s'agissait des résidents ayant trouvé refuge dans le bunker de repli, accompagnés des blessés légers qu'ils ont pu rassembler. Mais ils nous ont expliqué qu'il y avait des cas plus graves sur place ainsi que des accès bloqués. Et beaucoup de morts dans les niveaux -4 et -5. J'ai évidemment frémi en pensant à Saïd. Et à Gatien, bien sûr. Les enfoirés d'aliens, comme ils l'ont répété maintes fois, sont partis après une dizaine d'heures de carnage. Une poignée d'individus des niveaux supérieurs les ont rejoints en passant par les restes de plateformes élévatrices. Il n'y aurait que très peu de rescapés dans ces zones.

Après avoir entendu les récits des survivants, les volontaires pour la première mission de sauvetage ne se sont pas bousculés au portillon. Lee a accepté de m'y envoyer avec grand plaisir (je jurerais que ce type veut ma mort), mais a tenu à ce que Mei reste sur place. Un seul représentant du secteur médical par opération, je peux comprendre l'argument. En fait, non : trop de blessés pour un seul médecin, je n'y arriverai jamais. Me voilà donc avec six types : deux mécanos, un pilote et trois soldats ceinture rouge. Deux autres femmes complètent l'équipe : Adèle, également mécano, et... je ne sais plus son nom, juste que c'est une collègue de Gatien. Neuf volontaires pour venir en aide à potentiellement deux mille six cents personnes. Cherchez l'erreur.

Le plan de Lee est simple : on part avec la navette. Pendant que les trois mécanos essayent de remettre en fonctionnement la deuxième, je dois mettre la main sur tous les médicaments possibles avec la ceinture verte tandis que les quatre volontaires restants doivent rassembler les rescapés et une liste de matériel donnée par Lee. Médicaments et machines partent avec la première navette pendant que je rends transportables les blessés les plus graves. Dès que possible, on évacue tout ce beau monde avec une seconde navette à nouveau fonctionnelle. Personnellement, j'aurai donné priorité aux vivants, mais le général m'a bien fait comprendre que mon avis n'était pas demandé. Il m'a littéralement assassiné du regard. À tous les coups, il sait que j'ai parlé de notre prisonnier. Les rumeurs vont bon train à cause de cette idiote de Mei. Si je ne l'aimais pas tant, je l'aurais trucidée.

En tout cas, le beau plan de notre chef va être difficile à réaliser. Déjà, le tunnel s'est en partie effondré, la navette s'est stoppée à temps grâce à son système anticollision, mais nous avons dû parcourir les cinq derniers kilomètres à pied. Ensuite, nous avons eu la surprise de constater que le deuxième véhicule d'évacuation serait irréparable. En arrivant sur le quai, nous avons trouvé le géant de fer complètement éventré. Un éboulement aurait de toute façon coupé court à toute tentative de départ par ce tunnel-ci. Super, donc il faudra faire marcher les survivants pendant presque deux heures (compte tenu de leur probable vitesse de déplacement) pour rejoindre notre seule échappatoire ! Et avec des sacs remplis d'antibiotiques, morphines, antalgiques, radars portatifs et bien sûr quelques drones. Je sens que je vais bien dormir ce soir.

Première bonne nouvelle : une trentaine de personnes nous attend sur le quai d'évacuation du niveau -5 où nous arrivons. Mais le soulagement retombe comme un soufflé : ils sont effectivement dans des états déplorables ! Leurs mines hagardes, leurs lèvres desséchées et la saleté de leurs habits m'offrent une vision cauchemardesque. Beaucoup ont l'air plus morts que vivants. Certains ont d'ailleurs succombé récemment à leurs blessures et gisent au milieu de ceux qui respirent encore. Une odeur de cadavre émane de ce triste troupeau.

Je fais un tour rapide avec le peu de moyens que j'ai pu apporter (en cachette grâce à Mei et un complice du camp). Tous souffrent de déshydratation et nous n'avons pas apporté suffisamment d'eau. Le gros du stock est resté dans la navette. Hormis ce fléau, je relève quelques fractures, dont certaines vraiment vilaines, des blessures profondes, des garrots mal fait appelant à l'amputation, des personnes affaiblies par des pertes de sang trop importantes ou des blessures internes. Un homme a perdu un œil, et malgré mon expérience, j'ai bien cru défaillir en le voyant. Ma coéquipière a carrément vomi à un mètre de lui. Une ceinture verte habituée à scruter les radars de l'armée... la journée va être plus difficile pour elle que pour moi ! Du coup, changement de programme : les hommes se donnent pour mission de transporter le plus de personnes possible jusqu'à la navette. Adèle et un soldat partiront à la recherche du matériel de Lee, et enfin, ceinture verte et moi, on ira à la pêche aux médocs tout en cherchant d'autres âmes à sauver.

Corps étrangers [TERMINÉ] Where stories live. Discover now