CHAPITRE 2: Alena

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Lorsque je me remémore les événements de mon enfance, je réalise à quel point mon grand-père avait une confiance inébranlable en moi

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Lorsque je me remémore les événements de mon enfance, je réalise à quel point mon grand-père avait une confiance inébranlable en moi. Bien que ma décision d'étudier l'architecture était une évidence, on peut dire qu'il a forcé le destin à sa manière. Tous les mois, de nouveaux crayons et matériaux en tout genre arrivaient dans la boîte aux lettres. Il m'appelait pendant des heures pour me raconter ses futurs projets. Je prenais tout en notes et j'essayais de reproduire ses idées en maquettes pour l'impressionner. Même si c'était parfois chaotique, il avait toujours des mots encourageants. Lorsqu'il était en France, il m'emmenait visiter ses bâtiments préférés en m'expliquant les étapes de leur construction. Il me suffisait de lui dire qu'il me manquait pour qu'il soit dans le premier avion en direction de Paris. À son décès, mon monde s'est écroulé. J'ai absolument tout perdu, d'abord lui, mon modèle absolu, la seule personne qui me comprenait et qui m'écoutait. Par la suite, mon père a dû partir à New York pour gérer l'entreprise temporairement et trouver un successeur à mon grand-père.

Malheureusement, il n'a jamais trouvé quelqu'un à la hauteur de cet empire et n'est jamais revenu en France. Je n'avais même plus d'appels ni de nouvelles. Je n'ai jamais eu de modèle parental solide. Mes parents se disputaient énormément, j'avais l'impression qu'ils ne s'entendaient sur rien. Cependant, ils s'aimaient, et son abandon sans explications, je ne pourrais jamais le lui pardonner.

Dix ans plus tard, je me retrouve dans son bureau luxueux, pleine de rancœur. Ce qui me retient de partir c'est que mon grand-père m'en voudrait de réagir ainsi. Il me faisait confiance pour que j'intègre son équipe. Je ne peux pas trahir cette confiance. « J'ai déjà reçu mon héritage, et rien n'impliquait quelque chose de ce genre », soutenais-je en m'asseyant à nouveau. « J'avais la responsabilité de cet appartement en attendant que tu finisses tes études et que tu viennes faire ta part du contrat en travaillant ici. Cependant, je n'en ai pas besoin. J'ai assez d'appartements à gérer. Si tu ne veux pas honorer le souhait de ton grand-père, je te cède cet appartement quand même », répliqua-t-il. Il est fort, il sait qu'il m'a convaincu de rester en appuyant sur ma corde sensible. Pour ne pas décevoir la personne la plus chère à mon cœur, je suis prête à tout, même à accepter son offre. « En quoi consiste le travail ? », finissais-je par céder.

Un sourire se dessine sur les lèvres de mon père. « Je suis heureux que tu aies pris la bonne décision. C'est à ce moment qu'intervient Elliott. » Il fait signe à l'homme de l'ascenseur, Elliott, d'entrer. Je prends un moment pour l'analyser. Il est effectivement très grand, aux alentours du mètre quatre-vingt-dix selon mes estimations. Ses cheveux en bataille retombant sur son front cassent son look irréprochable. Sa mâchoire carrée détonne avec ses traits angéliques. Il est parfaitement énervant. Arrivant à ma hauteur, il me tend la main. « Elliott Grayson, enchanté. »

Je lui serre la main doucement et il effectue une légère pression. Puis il s'assoit en déboutonnant sa veste de costume. Mon père reprend la parole. « Elliott est un de mes meilleurs éléments et je pense que vos deux visions seront parfaites pour l'un des contrats les plus importants d'Hilton Housing. J'ai suivi tes projets en ligne et la fougue que ton grand-père t'as transmise ira à merveille avec le pragmatisme d'Elliott. » Pragmatique ? Sans blague, je l'aurais pas deviné tiens. « Je pense que ce projet te tiendra à cœur et t'intéressera. Je te laisse étudier tout ça au calme quand tu auras la tête plus reposée. » Il me tend le grand dossier du projet que je range dans mon sac, puis il reprend. « Si tu n'as pas de question, il y a un dernier point non négligeable que nous devons aborder ensemble. » Atteste-t-il.

J'hoche la tête sans un mot. Je commence à perdre patience et à me sentir oppressée dans cet espace pourtant immense. Dans un calme olympien, mon père déclare : « Elliott a dû faire face à un dégât des eaux dans son immeuble. Je lui ai donc proposé d'habiter dans ton appartement en attendant que sa situation se régularise. Je ne pensais pas que tu accepterais de venir si vite lorsque je t'ai appelée et Elliott n'avait nulle part où dormir. Je le considère comme mon fils ici et je ne pouvais pas le laisser à la rue. » Je me tourne vers Elliott. « Surprise ! » dit-il d'un ton festif en remuant ses deux mains. S'en est trop, je me lève pour partir le plus vite possible. Avant de passer la porte, je déclare comme si c'était important. « Heureuse de savoir que tu as un instinct paternel après tout ! Tu auras ma réponse demain à propos du dossier. » Sans attendre sa réponse, je fais le chemin inverse jusqu'à l'ascenseur en ignorant les personnes autour de moi. Une fois dans l'ascenseur, je tente de reprendre mon souffle en vain.

De retour dans le hall, je me dirige vers la même femme qu'à mon arrivée. Je lui demande mes valises le plus gentiment possible, en essayant de ne pas laisser transparaître ma frustration mais aussi ma tristesse. J'ai besoin de sortir d'ici rapidement. Rien ne me fait penser à mon grand-père ici. Je pensais qu'être dans son endroit préféré me donnerait de la force, mais il n'en est rien. La secrétaire de mon père, Grace, comme elle m'implore de l'appeler, me prévient qu'un chauffeur chargé de mes valises m'attend devant le bâtiment. Avant que je ne parte, elle me glisse un badge d'appartement orné d'un porte-clés « Alena ». Je ne prends pas la peine de lui dire que je n'en aurai pas besoin. Je le glisse dans mon sac et pars en la remerciant. Son sourire ne faiblit pas d'un iota lorsqu'elle me salue de la main en me disant de l'appeler en cas de besoin.

Une fois dehors, effectivement un chauffeur m'attend au volant d'un SUV luxueux. Je rentre à l'arrière et le conducteur d'un certain âge se présente : « Bonjour madame Hilton, je m'appelle George et je suis le chauffeur de votre père, mais j'étais également celui de votre grand-père. Où souhaitez-vous que je vous conduise en cette journée ensoleillée ? » Avant que je ne puisse répondre à sa question pleine de bienveillance, Elliott ouvre la porte de la voiture et s'installe à côté de moi. « Salut George, ça roule ? On va au 1136 de la cinquième avenue s'il te plaît, tu connais le chemin. » Avant que je ne puisse contester, George sourit de toutes ses dents au voleur de voiture. Il démarre et une vitre se lève pour nous isoler de l'avant de la voiture. Un lourd silence pesant règne dans l'habitacle et nous avançons peu, tant le trafic est dense.

Il brise le silence en premier. « Sympa les Converses ! » Sympa les Converses ? C'est le premier truc qu'il trouve à dire dans cette situation invraisemblable ? Je lui réponds froidement : « Comme si tu portais ce genre de chaussures. » Il fait mine d'être offensé et me répond avec la plus grande assurance : « Ah oui ? Parce que tu veux me faire croire qu'Alena Hilton est une femme du peuple ? Bien tenté, mais on sait tous les deux que ce n'est pas le cas. » Il a raison, et ça m'énerve profondément. À la mort de mon grand-père, j'ai touché une somme tellement astronomique qu'il me faudrait dix vies pour tout dépenser. Pourtant, je suis incapable de dépenser un centime depuis que tout est arrivé sur mon compte à mes dix-huit ans.
« Ouvre la vitre et dis à ton copain George que je veux aller à mon hôtel », je lâche, désespérée et épuisée. « Malheureusement, je n'ai pas l'accès. C'est lui le chef, et tu sais, on peut essayer d'avoir son attention comme on veut, c'est isolé à la perfection. En plus, il a lancé sa playlist préférée d'Harry Styles. Il ne nous répondra pas », répond-t-il. Fantastique, ça commence bien.

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