3. Terrain de jeu

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Le jeu commence, Jérémy vient de souffler très fort dans son sifflet.

Mal-à-l'aise, je ne parviens pas à rester en place. Eva m'examine du regard, un rictus au coin des lèvres.

— Tu es prête ? demande-t-elle.

Du revers de la main, je me frotte le nez.

— Oui, vas-y.

— Tu veux servir ?

Eva désigne le volant. Je rigole.

— Non, non. Je t'en prie.

La badiste sourit. Se moquerait-elle ?

D'un geste sûr, elle fait valser le volant de mon côté. Par chance, je parviens à le réceptionner. C'était un coup facile, elle me teste, j'en suis sûre. Si ce n'est pas le cas, la blonde est d'une gentillesse absurde.

— J'ai eu de la chance, je bafouille.

— Tu n'es pas si nulle. Crois-moi que tu n'aurais pas su me renvoyer la passe si c'était le cas.

À notre gauche, un autre duo s'active entre les lignes blanches du terrain. La fille, agile, réagit à la seconde.

— Tu n'as pas besoin de te comparer, remarque Eva.

Je hausse les épaules et me remet en place.

Le projectile est de mon côté, c'est à mon tour de servir. Les yeux bruns de mon adversaire semblent m'analyser. Qu'attend-elle de moi ?

Mes doigts jouent avec les plumes du volant. Je place ma raquette, peu certaine de mon geste. D'un coup sec, j'envoie valser le volant qui, rapidement, vient s'écraser dans le filet. Je regarde Eva d'un air désolé. Elle sourit, et me rassure d'un geste de la main.

C'est débile, elle aurait sans doute préféré jouer vraiment, avec quelqu'un qui sait le faire.

— Tu veux que je te montre ? propose-t-elle.

— Désolée, je te fais perdre ton temps.

— Non, c'est rien. Parfois, il suffit seulement de quelques ajustements.

Elle passe sous le filet, et se dirige vers moi avec un sourire. Je ne sais pas comment elle fait, qui l'a envoyée, mais purée ce que ça fait du bien de rencontrer quelqu'un comme elle. J'espère que nous deviendrons amies.

— ­C'est gentil, je murmure.

J'ai l'impression d'avoir cinq ans, et qu'on est sur le point de m'apprendre à tenir sur un vélo.

Eva se met à côté de moi, puis attache ses cheveux d'un geste éclair. Trop courts, certains échappent à l'élastique.

Ses yeux suivent chacun de mes gestes ; je ne sais plus où me mettre. Son regard est pourtant rassurant. Je parviens à m'y accrocher.

— Pour aujourd'hui, on va partir du principe que tu n'as pas envie de m'attaquer, suggère-t-elle. T'es d'accord avec ça, j'espère ?

Je m'esclaffe.

— Oui.

— Merci Lou. Alors, viens te positionner au milieu du terrain.

Je fais un pas vers elle.

— ­Voilà, maintenant essaie de rester perpendiculaire au filet et de garder tes bras légèrement ouverts.

Au fil de ses explications, Eva me montre avec son propre corps la position à adopter. Je l'imite sans broncher.

— Super, alors tu peux mettre ta raquette en arrière et ton volant dans l'autre main, m'explique-t-elle. Il faut juste faire bien attention à frapper dans la partie en mousse.

Six plumes à nos ailesWhere stories live. Discover now