20- adieu mon amour

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La pièce était recouverte d'un épais voile de silence, un silence impénétrable où seul moi et le pâle reflet de l'homme que je pensais aimer, se trouvaient au centre de l'espace. Nous étions les seuls responsables de cette ambiance froide qui c'était abattue sur la salle de bal, autrefois un lieu chaleureux.
Mais ce soir, il reflétait les conséquences de notre rapprochement inapproprié.
Jamais je n'aurai dû le laisser entrer dans mon cœur et jamais je n'aurai dû le considérer autrement que mon bienfaiteur...

À cet instant, dans cet espace devenu lugubre, j'assistais à la déchéance de nos sentiments.
Son regard était devenu agressif mais, de temps en temps, y passait une lueur. Un reste de connexion entre nous me permettait de saisir le message : cette lueur révélait sa douleur, son regard me hurlait de le pardonner et ses yeux brillaient de désespoir.
Mais aucun mot n'était prononcé, ce silence était réciproque à l'inverse de nos émotions. Lui semblait triste et en colère, Moi je bouillonnais de rage et de peur face à cet être que je ne reconnaissais plus.
Même son apparence avait changé, son teint c'était dégradé, passant d'un ton chaud à un ton plus froid, ses yeux étaient toujours encerclés de ces petites veines noires presque imperceptibles et je sentais qu'il émanait de lui quelque chose de différent, de plus sombre et de plus enivrant.

Je me rapprochai de cet homme et glissai ma main dans la sienne, qu'il releva jusqu'au niveau de son épaule.
Mon regard suivi son mouvement jusqu'à ce qu'il dévie de sa main pour se plonger dans son regard sombre.
Tandis qu'un léger sourire prenait possession de ses lèvres, je m'efforçai de contenir ma haine. Seul mon regard, figé sur ce visage que je ne pouvais plus supporter, devait laisser transparaître mes émotions.
Mon autre main se glissa sur son épaule en un geste fluide et délicat qui sonnait comme une promesse de vengeance, dans ce cas : une promesse de mort, mes doigts s'enfoncèrent dans les muscles de son épaule tel un serpent qui étreignait sa proie avec douceur jusqu'à lui voler son dernier souffle.
Chacun de mes gestes était calculé.
Si il disait la vérité, la lame de mon couteau ne ferait que me donner un léger avantage et assez de temps pour m'enfuir mais si il mentait, il serait le premier homme à mourir de ma main...
Sa main droite glissa dans le bas de mon dos et serra mon corps contre le sien en un geste possessif et autoritaire.
Je sentis mon bas ventre se coller à son bassin, chacun de ses mouvements lents me parvenaient et m'entraînaient dans la valse comme si nous n'étions qu'un seul corps qui se mouvait dans l'espace sombre en tranchant l'air de ses gestes avisés.
Au bout de plusieurs dizaines de secondes, je sentis son corps se pencher en avant, m'entraînant dans sa chute maîtrisait.
Tandis que nos deux corps basculaient, il lâcha ma main droite et glissa sa main gauche dans le bas de mon dos, pour éviter que je ne lui échappe.
Nos regards ne se lâchaient plus, à défaut d'être capable de communiquer avec des mots, nous communiquions par les yeux, lisant l'âme de l'autre à travers ces fenêtres qui donnent sur notre intériorité.
Ascian, saisi l'occasion pour glisser sa main gauche le long de ma hanche puis de ma cuisse.
Je n'eu à peine le temps de réagir à son geste, qu'il me redressa brusquement, nous retrouvant à nouveau dans notre position précédente.
À la seconde où j'avais compris son intention je voulu m'éloigner de lui, mais encore une fois il avait été plus rapide.
Je reculai précipitamment, laissant un mètre de distance entre cet être venu tout droit des enfers et moi.
Lui se contenta de jouer à son jeu préféré, la provocation. Il recula lui aussi, en levant ses deux mains à la hauteur de son visage comme le ferait un voleur pris par la police en flagrant délit et d'un air innocent il sourit.
Mon regard se porta automatiquement sur ma lame qu'il tenait dans l'une de ses mains, posait bien en évidence au creux de sa paume.
Il agita sa main pour me narguer et releva ses sourcils d'un air provocateur, fier de son petit tour de magie.
Mon sang ne fit qu'un tour et je fonça sur lui tandis qu'il se précipita pour glisser ses deux mains dans son dos pour éviter que je ne m'empare de mon couteau.

Mais à la seconde où mon corps se retrouva à quelques centimètres du sien, sa main gauche, qui tenait précédemment mon couteau, glissa brusquement dans le creux de mon dos pour à nouveau me maintenir contre lui.
Je sentis alors la lame froide s'écraser contre ma cuisse gauche, pourtant je ne me risquai pas à baisser les yeux pour assouvir ma curiosité et le voir s'amuser à glisser dangereusement la lame le long de ma chaire, je me contentai de le fixer droit dans les yeux attendant le moment où il baisserait sa garde pour m'emparer de ce qui m'appartenait jusqu'à présent.
Tout ça l'amusait drôlement, il jouait de nouveau avec moi comme si je ne représentai absolument pas une menace à ses yeux.

Un bruit court mais fort d'une hache qui se plantait dans un rondin de bois se fît entendre dans la pièce. Je me retournai vers le sons et constatai mon couteau plantait très profondément dans la table basse en bois qui se tenait à l'entrée de la salle de bal.
Je venais de perdre ma seule chance de pouvoir le devancer de quelques mètres afin de pouvoir m'échapper.
Emplie d'une rage débordante je me retournais pour le fixer à nouveau mais cette fois ci mon dégoût pour lui devait s'échapper de chaque pors de ma peau et se lire sans difficulté sur les traits de mon visage.
Tout cela ne l'empêcha pas de revenir à la charge et de reprendre ma main gauche pour la déposer sur son épaule et s'emparer de ma main droite pour la tenir fermement dans la sienne, me guidant comme un pantin pour terminer cette valse dont j'étais pourtant l'instigatrice.
- Ne t'épuise pas pour rien Darling. Si ça peut te faire plaisir, ton couteau ne m'aurait jamais égratigné et encore moins tué.
Prononça-t'il d'un air amusé mais réellement soucieux de mes émotions.
- Je te déteste ! Je ne veux plus jamais avoir à te croiser dans cette maison ni dans n'importe quel lieu. Tu me dégoûtes, tu es un tueur en série à mes yeux ! Je m'en fous de savoir que tu tues pour le plaisir ou pour assouvir ta soif, c'est du pareil au même pour moi! Je préférais mourir que de continuer à être ta prisonnière tu entends !
Ma haine avait bien assez été retenue, maintenant je ne pouvais plus m'arrêter, les mots sortaient directement de ma bouche sans que je ne réfléchisse à leurs conséquences.
- Tes désirs sont des ordres Darling!
Ses yeux avaient viré au vert émeraude et les petites veines noires étaient revenues, encerclant ses yeux jusqu'à se propager vers ses pommettes.
Et là je les vis enfin, ses longues canines qui apparaissaient sous mes yeux. Il fit un grand sourire provocateur et passa le bout de sa langue sur sa dent pointue de gauche.
Après quelques secondes je me retrouvai plaquée contre le mur où se trouvait la table en chaîne.
Mon cœur battait si fort que mon corps me menaça à plusieurs reprises de me lâcher, mes jambes n'allaient pas tarder à céder sous le poids de ma tension qui ne faisait que grimper.
Ma tête tournait tant le sang y montait. Ma respiration, quand à elle, s'était arrêtée sans que je ne m'en rende compte, il fallut attendre que je n'ai plus d'air pour que je réalise que j'avais complétement arrêté d'inspirer.
À quoi étais-je sensé penser avant de mourir ?
À ses pupilles enivrantes qui me fixaient avec un désir foudroyant ou plutôt à ses lèvres qui se tenaient à quelques centimètres des miennes ? Non sûrement pas, pourtant c'est exactement à quoi je pensais puisque ça allait être ma dernière vision.
À ma grande surprise, il s'empara plutôt du couteau planté sur la table au lieu d'utiliser ses canines.
Mais l'issue allait être la même.

Mes lèvres laissèrent tout juste assez d'espace pour laisser passer la vie avant que mes yeux ne se ferment définitivement, tandis que je glissai le long du mur appuyant sur ma plaie, faisant pression autour de la lame qu'Ascian avait planté dans mon abdomen.
Le sang fuyait mon corps et ruisselait le long de mes doigts, il était si chaud, si doux.
Je ne ressentais plus rien, j'étais étrangement bien, en paix.
Un dernier regard,
un dernier geste, puis
un dernier souffle.

J'étais morte...

La Protégée du Vampire. Où les histoires vivent. Découvrez maintenant