Lola Jordan et le réveillon de Noël improvisé, seconde partie

5 1 0
                                    

Se retournant sous ses couvertures de manière incessante, Lola peinait à trouver le sommeil en cette nuit du réveillon. Dans son monde, il s'agissait du moins de la veille de Noël ; à Gwaohar, les 24 et 25 décembre demeuraient des jours comme les autres, sans festivité particulière liée à la fin de l'année. Ses amis et elles avaient malgré tout organisé une soirée pour l'occasion, expliquant à leurs camarades de classe peu familiers des coutumes de l'autre monde en quoi consistait cette célébration. Si elle était honnête, elle était certaine d'avoir convaincu la plupart d'entre eux aux mots « soirée clandestines » et non avec ses discours sur l'importance d'être réunis, mais le résultat avait été le même, au fond.

Un soupir silencieux s'échappa des lèvres de la jeune fille qui, au-delà de son insomnie passagère, craignait de réveiller Raven qui dormait dans le lit surplombant le sien. Elle était consciente de la chance qu'elle avait d'avoir rencontré sa camarade de dortoir, ainsi que Kwal. Alors qu'elle nageait dans la confusion la plus profonde, ils l'avaient aidée à rejoindre la surface et l'avaient soutenue lorsqu'ils lui apprenaient à voguer sur les flots tumultueux du raz-de-marée qui avait bouleversé sa vie. Un filet tissé d'or et d'acier s'était refermé sur eux dès leur rencontre, les enveloppant dans une relation aussi instantanée que ferme. Évidente et stable. Étincelante comme le soleil dans le ciel bleu, solide comme les falaises bravant la mer corrosive. Une amitié immédiate et pourtant infinie.

Malgré leur présence aussi réconfortante que nécessaire, malgré les rencontres magnifiques qu'elle avait déjà faites dans ce monde nouveau, Lola ressentait un gouffre dans son cœur, un vide qu'elle ne parvenait pas à combler dans cette Académie de magie. Sa famille lui manquait terriblement, et si elle essayait au quotidien de surmonter cette absence avec sourires et courage, cette période de Noël lui compliquait singulièrement la tâche. La belle soirée qu'elle avait passée avec ses amis et leurs invités n'avait apparemment pas suffi à balayer le souvenir des fêtes qu'elle aurait dû passer avec ses parents et son petit frère. Une tradition rassurante sertie d'un dôme d'amour et de bonheur.

Lasse de gigoter en tous sens, l'adolescente s'extirpa de son édredon et réprima un frisson induit par l'ambiance hivernale régnant dans le dortoir. Déposant ses pieds sur le plancher, elle remercia silencieusement Maëve de lui avoir offert des chaussettes en laine. Tricotées par le jeune homme lui-même, il les avait assorties au pyjama favori de Lola, constellé de petits moutons sur un fond gris clair. À peu près certaine qu'il ne dévoilait pas facilement sa passion pour la création de vêtements, elle avait été tout particulièrement touchée de cette attention qui lui permettait de se réchauffer pendant les nuits d'hiver.

Se glissant silencieusement hors de la chambre, elle grimaça lorsque la porte grinça sur ses gonds, mais un coup d'œil vers le lit en hauteur lui assura que le sommeil de Raven n'était pas si facilement perturbé. Après avoir refermé le panneau de bois avec délicatesse, la jeune fille marcha lentement dans le couloir des dortoirs et rejoignit l'alcôve aux fauteuils et canapés moelleux, à l'âtre accueillant et à l'avalanche de coussins et de plaids. Probablement un de ses endroits préférés de l'Académie. Confortable et accueillant. Chaleureux et douillet. Un véritable cocon pour s'évader de la vie, oublier le temps qui s'écoulait et se perdre dans une bulle d'insouciance et d'apaisement.

Dans la pénombre oppressante, Lola se repérait grâce à la lueur émanant des guirlandes lumineuses du sapin, électrisées par Zyria, et aux braises encore rougeoyantes dans le foyer de la cheminée, vestiges des flammes apaisantes invoquées par Raven. Frissonnant dans son pyjama, elle se frictionna les bras pour créer un semblant de chaleur et s'arrêta finalement devant l'arbre qu'elle avait elle-même fait pousser. Le souvenir de ses amis l'aidant à le redresser par la simple force de leur volonté s'immisça en elle et lui tira un sourire authentique, qui s'effaça pourtant sous les fragments des Noël passés qui s'assemblaient dans son esprit, tels les décombres d'une vie fanée, les reliques d'un monde qu'elle ne pouvait plus atteindre. Les échos perdus dans le vent d'une existence à laquelle elle avait été arrachée.

Âme à la dérive sur les flots de l'imaginationKde žijí příběhy. Začni objevovat