56. Face à la Reine

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— Mais Fred m'a dit...

— Quoi ? Il a dit EXPLICITEMENT que je lui avais ordonné de t'embrasser ? Ou bien avait-il seulement honte de m'avoir embrassé et il ne l'assumait pas ?

Ma mémoire fait un rapide retour en arrière : Fred n'a rien dit clairement... Je me suis énervée et je suis partie en courant. Pourtant, il a été odieux par la suite. Il a rompu de la pire des manières... Mais, ça, ça n'a rien à voir avec Laurine.

— Et le fait de t'être attribué mon travail, tu vas me dire que tu n'y es pour rien ?

— Je ne pensais pas qu'on me recruterait pour ton apport à mes réseaux sociaux ! J'ai envoyé un dossier complet sans penser un instant que c'était tes talents de graphistes et de monteuse qui compteraient. Alors oui, j'ai utilisé tes données, mais je pensais que c'était légitime : cela fait partie intégrante de mon site. Toutefois, jamais je n'ai prétendu en être l'autrice exclusive avant qu'on me fasse comprendre que c'était ce qui m'avait distingué au milieu des centaines d'influenceuses. J'ai saisi l'opportunité, c'est tout.

— C'est tout ? Tout ce que tu as à dire est que ce n'était pas ta faute ? Que c'était simplement une occasion à saisir.

— Oh, ça va ! ce n'est pas si grave. Tu aurais fait pareil.

— Non... Jamais ! Jamais et c'est la différence entre nous.

— Celle qui a du succès sur internet, c'est moi, Blanche. Peut-être que tes petits montages ont fait la différence mais sans mon visage et mon activité sur les réseaux, ton travail serait invisible. Je ne vais pas refuser une telle opportunité pour le centième que tu apportes à mon activité globale. Planquée au fin fond de ta chambre ou de la bibliothèque, tu crois que tu vas réussir ? C'est grace à moi, qu'on a remarqué ton petit travail. Sans moi, tu es... inexistante.

— Inexistante ?

— Je t'ai accueillie dans mon groupe d'amis, je t'ai laissé être à mes côtés, travaillé sur mes comptes internet. Tu devrais m'en être reconnaissante. Je t'ai même laissé sortir avec Fred qui n'avait en réalité d'yeux que pour moi à la base. Quand je lui ai annoncé la nouvelle de ma réussite, j'étais si excitée qu'on s'est pris dans les bras, un baiser en a découlé mais c'est tout ! Cela ne voulait rien dire pour moi. Tu es juste arrivé au mauvais moment. Mais ne t'inquiète pas : reprends ta vie où tu l'as laissée. Sors avec Fred, si ça t'amuse. Tu peux même dire que les montages ou les fonds sonores sont de toi, je m'en moque : j'ai déjà le poste. De toute façon, sans moi, sans ma popularité, tu ne vaux rien dans ce milieu. Ne te crois pas meilleure que moi. Ne crois pas que je te doive quoi que ce soit.

Elle... elle n'a aucun remord. Elle ne s'excusera de rien. C'est pire que ce que je croyais.

— Tu me dégoûtes... Je te faisais confiance, je murmure.

— Oh, arrête ! Tu ne supportais peut-être pas d'être dans mon ombre, mais tu profitais de mon aura. C'était donnant-donnant.

— Non... Tu te trompes. Moi, je t'aimais réellement. Je croyais qu'on était amies.

— Tu étais si timide, si renfermée. Dans ta vie, il n'y avait que tes études et puis moi quand tu avais le temps, ainsi que Fred à la marge. Travailler avec moi, c'est ce qui a tissé nos liens, mais je ne t'ai jamais considéré comme mon égale. J'ai essayé mais non, tu étais pathétique avec tes ambitions d'illustratrice pour enfants, tes petits dessins de gamine. Et les professeurs, pourtant t'adoraient et vantaient ton talent et ton imagination, mais regarde....

Elle fait un large mouvement circulaire du bras sur les jardins :

— C'est moi qui travaille avec pomme-d'amour.com. Tu as beau porter cette robe incroyable, demain tu ne seras plus personne et il n'y a que toi qui se leurres en pensant autrement.

— Je n'ai jamais cru être mieux que toi, je n'ai jamais...

Je ravale mes larmes, c'est dur de l'entendre jeter ce que je croyais être notre amitié aux orties. Elle s'est servie de moi jusqu'au bout.

— J'étais presque jalouse de toi, de ta relation avec Fred, de la façon dont tu es retombée sur tes pieds après t'être enfuit de chez nous. Comment as-tu réussi ton coup ? Chez qui es-tu allé pleurer pour obtenir cette robe et ton entrée ici ?

Jalouse ? Elle est jalouse... de moi ? C'est le monde à l'envers. L'image qu'elle a de moi me dégoûte. Je serre le poing sans répondre. Je ne veux plus la côtoyer. Je ne peux pas lui pardonner.

Mais entretenir ma rage, c'est la mettre au cœur de mes préoccupations. Je ne veux pas. Je ne veux plus rien avoir à faire avec elle pour le moment. Je dois me recentrer sur mon cœur et sur ce que je veux faire de ma vie.

Et ce que je veux, c'est qu'on m'estime. Je veux croire en moi et en mes capacités. Je veux avoir des ami.e.s dignes de moi et de ma confiance.

— Dénonce-toi, dis-je. Donne-moi le crédit de mon travail au lieu de ruiner notre relation.

— Personne ne te croiras et je n'ai rien à y gagner. Au mieux, je dirai que tu étais une collaboratrice, enfin... si l'occasion se présente.

Elle est horrible. Et méprisante.

Je lève les yeux vers le ciel et les arbres. Quelque chose brille et attire mon attention. Je sais...

— Donc si l'occasion se présentait, tu avouerais que les montages de tes vidéos, la fons sonores, les avatars et les filtres de tes réseaux sociaux sont mon œuvre à part entière.

— Pfff, elle porte la main devant sa bouche et couvre son rire. Bien sûr, Blanche : j'avouerai au monde entier qu'à part montrer mon visage et être une influenceuse reconnue avec un vrai contenu, des idées novatrices et des milliers d'abonné.e.s, tout le travail d'arrière-plan est le tien. Il faut bien des petites mains pour gérer mon royaume, non ? Je sais parfaitement déléguer les tâches essentielles à une amie telle que toi.

Je fixe toujours l'arbre à proximité.

— Je reconnais ton talent, Laurine. J'avais juste besoin que tu reconnaisses le mien, je te remercie.

Et sur ces mots, je fais demi-tour sans même la saluer.

— C'est tout ? ricane-t-elle.

— Pour le moment, je réponds calmement.

— Pauvre Blanche, tu seras toujours si pathétique.

Mais elle ne sait pas, ce que j'ai vu dans les arbres. Et maintenant, j'ai besoin de voir Matthias...

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