/💞/ Le pouvoir de l'amitié (ou une connerie dans le genre)

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Le plan est simple : retourner vers Oddly Bay, acheter le plus de provisions possible et passer la nuit à l'usine de contreplaqué pour repartir demain matin sans risquer de rater le convoi. Une fois rassasié, on a alors repris la route. Et quand je dis on, c'est surtout William, notre conducteur attitré. Derrière, mes trois comparses ont du mal à garder les yeux ouverts après la bombe calorique qu'ils se sont enfilée. June est au milieu, séparant Adam et Yéléna qui regardent le paysage défilé. Ils essayent de capturer un maximum d'images de ce monde extérieur, le plus de souvenirs pour ensuite les ramener avec eux dans leur village natal. Peut-être espèrent-ils ainsi continuer de voyager, ne serait-ce que dans leurs têtes.

Ils ont bien raison.

Mon esprit, lui, est déjà retourné dans la ville. Il crée des scénarios fictifs pour me préparer à toutes les situations possibles et imaginables. Les prochaines 24 heures tournent en boucle dans ma tête avec mille et une péripéties, mais seulement deux fins possibles : une bonne et une mauvaise. Encore une fois, je récapitule ce qui nous attend.

On va devoir traverser la forêt dans l'autre sens alors qu'on a failli y rester ce matin.

Puis il va falloir trouver le diable.

Ensuite, on va devoir le battre.

Tout ça avant qu'il ne nous réduise en charpie. Pour ce que l'on en sait, le village est peut-être déjà tombé sous les attaques des Ohanzees...

Je chasse cette idée de ma tête en la secouant violemment, spasme incontrôlable face à la possibilité que Charly soit en danger.

« On va y arriver Emily. »

Je tourne ma tête vers le capitaine qui ne quitte pas la route des yeux. Malgré la météo capricieuse de l'Oregon, il garde ses lunettes de soleil sur le nez. C'est peut-être qu'un accessoire qui lui permet de bluffer, de cacher ses réelles émotions. Moi en tout cas, depuis mon siège, je les vois ses yeux. Je vois de larges cernes, mais aussi du doute.

Cela ne l'empêche pas de sourire pour autant.

« On n'a pas vraiment le choix, pas vrai ? »

J'acquiesce en silence.

On n'a pas le choix. C'est vrai.

Il met le clignotant puis se rabat vers une petite station-service incrustée dans la forêt au bord de la route. Tout le monde descend et s'étire, imitant au passage les immenses sapins qui essayent de caresser le ciel.

La station est toute petite. Deux pompes, quelques places de parking et une échoppe où se dirige le capitaine, porte-monnaie à la main. Il n'y a que deux autres voitures avec nous, garées en retrait. On se met à discuter de tout et de rien tandis que mes amis sirotent leurs imposants sodas qu'ils n'ont pas réussi à finir au fast-food. Ils ont tous les trois l'air décontractés à première vue, mais quand je les analyse avec insistance, certains signes les trahissent. Un bras qui gratte, des yeux pointés vers le sol, un pied qui tape frénétiquement le bitume. Plus nous nous rapprochons d'Oddly Bay, plus nous sommes ramenés à notre réalité.

On s'est un peu éloigné de la voiture en discutant. J'entends tout de même le capot de notre véhicule s'ouvrir. Le capitaine doit vérifier l'huile ou un truc dans le genre. En faisant le tour de la petite aire, on s'est rapproché de l'une des deux voitures. Une sportive bleue électrique sur laquelle bave discrètement Adam. L'autre, garée un peu plus loin, est un énorme pick-up rouge sur lequel j'aperçois des stickers de Trump et du drapeau confédéré. Autant dire que ce genre d'énergumène ne m'avait pas particulièrement manqué.

Là où se terre le diableWhere stories live. Discover now