Chapitre 10

619 92 32
                                    


 Dans ce coin si tranquille et isolé, les lézardes bleu électrique qui lacèrent les arbres auraient de quoi étonner les passants. Faute d'ambulance disponible à proximité, le médecin du village a pris sa propre voiture. Il prend garde de ne pas tomber sur le sentier escarpé. Les gendarmes sont déjà là.

Après quelques minutes d'observation, il leur partage ce qu'ils ont déjà constaté :

‒ C'est très certainement une crise cardiaque.

Tous les trois observent le randonneur, allongé sur la terre chaude.

‒ P'tain... Fauché dans la fleur de l'âge. Un sportif, en plus ! La vie est dégueulasse !

Son coéquipier demande :

‒ L'autopsie pourra le confirmer ?

‒ Je ne pense pas qu'il y aura d'autopsie. Aucune marque suspecte, pas un signe de lutte... On va déjà contacter la famille.

‒ J'ai toujours dit que c'était dangereux de faire de la randonnée ! tente le gendarme, espérant détendre l'atmosphère.

Personne ne rit.

– Je préviens monsieur le maire.

Les formalités et la logistique réglées, le médecin reprend sa voiture et se rend à l'office de tourisme :

– Miriam, je peux te parler ? C'est urgent !

La directrice de l'office interrompt immédiatement le rangement de son armoire.

***

Liesse et Sasha marchent sur la voie principale du village. Sur leur passage, le boulanger, le boucher et l'épicier le saluent d'un signe de tête.

– T'es connu comme le loup blanc, constate Liesse.

– J'ai grandi ici. Par chez nous, tout le monde se connaît. Puis, avec le travail de ma tante, je suis amené à les croiser souvent.

– Ça fait rêver... ironise Liesse.

Sasha s'en étonne.

– Quoi ? C'est plutôt sympa, au contraire.

– Ah, moi je ne pourrais pas ! Non ! Je suis une vraie citadine. J'aime être noyée dans la masse. J'aurais l'impression d'être surveillée sinon. Les gens mettent les autres dans des cases, non merci. Si c'est en plus pour être l'objet de racontars. En plus, y'a des jours où je n'ai clairement pas envie de parler quand je sors dans les rues.

– On n'est pas obligé de parler quand on se croise, la preuve.

– Oui, en même temps, tu as l'air d'apprécier le silence.

– Tu vas me piquer comme ça longtemps ?

– Peut-être.

Sasha s'arrête devant la porte d'un bar, sans prévenir. Liesse continue de marcher.

– C'est là ! explique Sasha.

Elle se retourne et revient sur ses pas. Un jeune homme ouvre et reste tout sourire devant Sasha.

– Hey, ma gueule ! Qu'est-ce qui t'amène ?

– Salut, Xav.

Le dit Xav s'apprête à lui faire la bise avec une accolade amicale, mais il se fige à la vue de Liesse.

– Ah, bonjour. T'es qui ?

– Liesse. Salut !

Ses yeux vont et viennent entre l'un et l'autre.

Le cœur en LiesseWhere stories live. Discover now