Chapitre 3

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 Après plusieurs minutes, Liesse aperçoit enfin sa mère, lisant à l'ombre d'un saule.

‒ Fallait me dire que tu partais en randonnée !

‒ Très drôle... Fais-moi une place, je veux pas mettre ma serviette sur la terre !

Alors qu'elle s'assoie, sa mère attrape sa main.

‒ Je vois que tu m'as écoutée. Oh, ça va ? Ta main tremble.

‒ Ah bon ? Bizarre, ça va.

Elle se retient de mentionner sa peur plus tôt dans le bois.

‒ T'as couru ?

‒ Vite fait. En sandales, c'est plutôt un coup à m'étaler.

‒ Ce ne serait pas une première. J'ai toujours des pansements sur moi.

Depuis toute petite, Liesse ne compte plus les chutes qu'elle a faites. Maladresse chronique. Inattention chronique. Un été sur deux, elle décore ses genoux ou ses coudes avec du rouge.

‒ Mademoiselle de La Gamelle, on va conjurer le sort cette année, hein !

D'un mouvement, elle soulève ses mèches brunes par-dessus son épaule en réponse.

‒ Tu lis quoi ?

‒ Un article hautement instructif sur les amours et les emmerdes des influenceurs. J'aurais pu faire ça, quand j'avais ton âge, tu ne crois pas ? Avec ma collection de crèmes de beauté.

‒ Hum...

‒ Je m'abstiens de ton avis, Lili !

Dans le sac de sa mère, estampillé à son prénom « Agatha », les vibrations résonnent. Agatha ôte ses lunettes de soleil et déchiffre l'appelant.

‒ C'est ton père.

Elle décroche.

‒ Oui ? ... Maintenant ? Attends, disons dans une demi-heure ?... Parfait. Bisous, mon Indiana des montagnes.

Elle remet le smartphone dans son cabas.

‒ Indiana ? Je n'imagine pas papa avec une veste en cuir. Encore moins avec un lasso.

‒ C'est que tu ne l'as pas connu à vingt ans.

‒ Hum... Il voulait quoi ?

‒ Il veut qu'on le rejoigne.

‒ Mais, je viens d'arriver !

‒ Tu aimes cet endroit, maintenant ?

‒ Je veux juste me poser au soleil, et ne rien faire...

‒ Oui, la vie est horrible...

Agatha se retourne, pour bronzer son dos, et ferme les yeux. Liesse soupire et lance un caillou dans la rivière qui s'écoule. Elle ouvre sa messagerie instantanée et écrit un message pour Jézabel :

L'année prochaine, on se tire ensemble en vacances ! La tristesse ici. Bon... c'est toujours mieux que d'être restée pour les dernières semaines de cours. J't'aime Jéz !

Jézabel apparaît en ligne et lui répond en un rien de temps :

Crois-moi, t'es mieux là-bas ! Pourri aussi de mon côté, sans ma meilleure amie... Heureusement, Nolan fait plusieurs soirées chez lui. J't'enverrai des messages ! Love

Liesse s'allonge et ferme à son tour les yeux, surprise de revoir le visage de l'homme qu'elle vient juste de croiser.

Le cœur en LiesseWhere stories live. Discover now