Chapitre 1

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« DHUMPUS ». Une autre de ces colonies de peuplement faméliques disséminées dans les collines de Shamutanti. Un peu moins misérable, peut-être, que celles que j'avais croisées sur ma route depuis mon départ de l'avant-poste, trois jours plus tôt. Ma carte, aussi sommaire soit-elle, préconisait de passer par Dhumpus. Le sergent à l'Œil de Lynx, lorsque nous avions tous deux récapitulé, une ultime fois, la première et seule partie à peu près inventoriée de la longue expédition qui m'attendait, m'avait recommandé de passer par Dhumpus. Du peu d'information que j'avais réussi à obtenir la veille des ivrognes à demi dégénérés qui composaient la maigre population du hameau de Kristatanti, s'il ressortait une idée exprimée de façon semi intelligible, c'était que je devais passer par Dhumpus.

Pourquoi alors me retrouvais-je à hésiter devant le poteau indicateur apparu si inopinément dans cette étrange clairière ?

Cela faisait déjà plusieurs heures que je m'étais remis en marche avec le lever du jour. La route, qui continuait à s'élever vers les hautes terres, n'avait pas été des plus plaisantes. Après avoir longtemps progressé sur des pentes rocailleuses jalonnées d'éboulis, j'avais fini par atteindre un plateau, et l'herbe rase avait à nouveau cédé la place à une épaisse forêt d'arbres tordus que je n'étais pas parvenu à reconnaître. Depuis lors, le chemin avait été continuellement plongé dans la pénombre, jusqu'à ce que j'arrive à une clairière dont la forme parfaitement circulaire laissait penser qu'elle était issue d'une coupe délibérée.

Surplombant un piquet planté exactement au centre de la clairière, une planche grossière couverte de mousse m'informait, d'un côté, que le chemin que je suivais provenait de Kristatanti et, de l'autre, qu'en poursuivant ma route, je finirais par atteindre Dhumpus. Pratiquement à angle droit, un panonceau de plus petite taille semblait avoir été ajouté plus récemment. Davantage de soin avait manifestement été apporté à son élaboration : les caractères allongés étaient mieux dessinés que ceux du panneau principal, et le bois en avait été découpé pour se terminer en forme de doigt effilé. Le doigt désignait la direction empruntée par un étroit sentier qui quittait la piste principale sur ma gauche. Les caractères allongés fournissaient cette seule information : « ALIANNA ».

A partir de la bifurcation, la clairière disparaissait au bout d'une dizaine de mètres et chaque chemin s'enfonçait dans la forêt qui reprenait ses droits. Vers le nord, donc, Dhumpus. Vers l'ouest, pour autant que je puisse en juger, Alianna.

Echaudé par les divagations des résidents de Kristatanti, j'avais préféré éviter la masure qui y tenait lieu d'auberge et établir mon campement un peu à l'extérieur du village. Aucun incident n'avait troublé mon sommeil, mais je comptais bien passer la prochaine nuit avec un toit au-dessus de ma tête si les circonstances se révélaient plus hospitalières. J'ignorais cependant combien d'heures de marche il me restait avant de rejoindre Dhumpus. J'avais donc tout intérêt à hâter le pas, en remerciant par ailleurs ma bonne étoile de n'avoir jusqu'alors fait aucune mauvaise rencontre.

Je restais face au poteau indicateur. « DHUMPUS ». « ALIANNA ».

Le nom « Alianna » éveillait un souvenir de mon semblant de conversation avec les villageois, mais je n'avais pas réussi à comprendre sur le moment s'il désignait un endroit, une personne, une créature ou tout autre chose encore. Que m'importait, après tout ?

Droit devant, Dhumpus. Sur la gauche, Alianna.

Je ne crois pas au destin. Je ne crois pas que nos histoires soient déjà écrites. Mais je sais que chaque choix que nous faisons, chaque décision que nous prenons, consciemment ou non, influe de manière irréversible sur nos existences - et ce processus, comme le forgeron qui, dans son ouvrage, abandonne à l'état de scories les résidus de métal pur qui auraient pu être une arme, réduit inexorablement l'étendue de nos devenirs possibles. Il arrive que cela ne tienne qu'à un rien, une impulsion inexpliquée, une certaine orientation de la lumière dans une clairière ou l'injonction muette d'un panneau de bois taillé en forme de doigt effilé.

« DHUMPUS ». « ALIANNA ». Ma carte, le sergent à l'Œil de Lynx, les habitants de Kristatanti... Je quittai le chemin principal pour obliquer vers l'ouest.

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⏰ Last updated: Jul 01, 2023 ⏰

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Fragments d'Alianna - Première rencontreWhere stories live. Discover now