Épilogue

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Je me souviens de ce jour où tout a basculé. Oui, je m'en souviens parfaitement, de A à Z, bien que cela date d'il y a plus de cent ans.

Je ne me souviens pas de ma vie d'avant, mais de ce jour-là, oui, je me souviendrai jusqu'à ce que je ne sois plus capable de penser.

Je n'étais qu'un adolescent de quatorze ans, je n'avais pas encore vécu ma puberté, mais ce jour-là, j'étais devenu un adulte, bien trop tôt. J'ai quitté l'enfance, on m'y a forcé, et je m'en souviens très bien.

Je me souviens de ses mains, de ses lèvres, de ses doigts, de ses longs cheveux qui me chatouillaient, de sa poitrine, de sa langue... Je me souviens de tout. Comment pourrais-je l'oublier ? Je n'étais qu'un gosse.

Je me souviens d'elle, de ses yeux verts et pervers, de ses cheveux roux, et de son grand sourire. Mais ce dont je me souviens aussi, c'est de son air blessé, malheureux, et victime. De ses fausses larmes, et de son doigt accusateur.

Je me souviens de tous ses gens, tous ses gens qui ne me croyaient pas, moi un gamin, et qui la croyait tous, elle, la pauvre jeune fille de dix-sept ans, abusée sexuellement par un adolescent de quatorze ans, par ce gamin pervers. Mais comme ils le disaient si bien, je n'étais qu'un gamin, moi, le gamin qui n'avait toujours pas sa puberté.

Je me souviens qu'elle était douée, douée pour mentir, pour retourner tout le monde contre moi. Et puis, sérieusement, qui allait croire que moi, un garçon, je m'étais fait violer par une pauvre jeune fille fragile ? Personne, soyons sérieux.

Je me souviens de toutes ces critiques, tous ces regards méprisants et dégoûtés. De ce procès déjà perdu d'avance et de ce jour où j'ai été mis à mort.

Je me souviens de ce bourreau, le dernier qui m'a vu respirer, qui a vu mon regard désespéré, et peut-être le seul qui me croyait, lorsque je disais que j'étais innocent. Ironique.

Je me souviens de tout. Je me souviens avoir atteint le ciel, je me souviens de maître Hadès qui m'a pris sous son aile, qui m'a donné ce nom, ce titre, ces missions. Je me souviens du jour où je suis devenu un simple spectateur de ma vie, du jour où je suis devenu une marionnette, du jour où je suis devenu sa marionnette.

Je m'appelle Léviathan, je suis l'un des démons des sept péchés capitaux, je suis le démon de l'envie, et je n'y suis pour rien.

Maintenant que vous l'avez compris, je vous en pris, haïssez-moi, considérez-moi comme fautif. Ne me prenez pas en pitié, cela ne sera pour moi qu'un moyen d'expier mes fautes. Et je ne veux surtout pas de votre pitié, car je le sais, vous n'en avez pas pour moi, ce pauvre gosse qui n'avait que quatorze ans, ce gamin pervers et violeur. Personne n'en a eu pour moi dans le passé, alors cela ne changera pas aujourd'hui.

Ainsi, oui, je suis l'auteur du meurtre de Michel, Valentine, Christelle, Marguerite, Charles, Jean, Rose, Etienne, Jeanne, Ludovic, Romain, Hector, Bernard, Éliane, Mary, Marie, Lucas, René, Jade, Olivier, Mireille, Hervé, Zoé, et j'en passe mais surtout de Charlotte, cette pauvre petite fille.

Retenez une dernière fois, rien est de ma faute, tout est de la faute de mon maître, ou bien de vous, Humains, qui n'avez pas su écouter un adolescent innocent. Toutes ces personnes étaient innocentes, mais moi aussi, je l'étais.

Je m'appelle Léviathan, je n'y suis pour rien, je suis innocent, je l'ai toujours été, sachez le, c'est important.

Mais ne vous inquiétez pas, haïssez-moi, considérez-moi comme fautif, si cela peut vous apaiser.

Quant à moi, cela ne me fera rien de plus que la première fois où j'ai endossé ce rôle, car on ne meurt qu'une fois...

Brille, brille petite étoile...ou meursWhere stories live. Discover now