Chapitre 1 : Le commencement

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31 Août 2020

Le champagne coulait à flot dans les verres, tout le monde était là.
Sarah derrière la table de maître où Éric pouvait croiser son doux regard, au détour de la nappe blanche nacrée étincelante sous le chandelier Louis XVIe. Quant à Guillaume et Marion ils se pavanaient à travers toute la pièce, saluant les badauds s'étant rassemblés pour crier joyeux anniversaire au grand écrivain, au grand homme, au grand philosophe.

Éric se tenait là, tenant le dossier de sa chaise et profitant du spectacle, tous ses amis, sa famille, son ex-femme le cageot, et même des sympathisants de son parti étaient présents pour lui. Sa fête. Son moment. Son heure.

À travers la fenêtre près de la table de maître on pouvait apercevoir le jardin bien entretenu, les fameux jardins du château qu'il possédait dans l'Indre-et-Loire. La pièce bien éclairée reflétait la richesse de son propriétaire, aussi bien intellectuellement que matérialiste.
Les nombreuses tables de la grande pièce possédaient chacune une petite nappe rouge, ornées d'un drapeau français ainsi que d'un symbole un peu plus mystique, ressemblant aux symboles des temples bouddhiques au Japon évoquant l'amour et la compassion.
Étaient disposés ici et là de nombreuses boissons accessibles à toutes et tous, des petits fours -avec du porc- et des tranches de jambon étaient distribuées aux convives, la pièce était agencé de sorte que seule la table du maître soit proche des magnifiques fenêtres aux bordures dorées.

Sans surprise, de nombreux cadeaux étaient distribués pour fêter les 62 ans du maître, on avait amené autant de victuailles de bonne qualité que de babioles cocasses et gondolantes. Le tout était disposé dans un coin de la pièce sur une table dédiée, là où les invités pouvaient les observer, rire, sourire ou encore déposer un présent.

Il était à présent 19h39 et la plupart des personnes présentes étaient un peu éméchées, le soleil commençait doucement sa danse finale pour laisser place à un crépuscule annonciateur de festivités. Le maître tapa deux fois de suite dans ses mains.

Mes amis ! Je vous invite à finir vos verres ou.. les remplir à nouveau!

Un rire collectif se fit entendre dans la salle.

Nous allons descendre dans les jardins pour continuer cette douce soirée et pour que je vous remercie comme il se doit, allons-y mes compatriotes!

Soucieux de faire plaisir aux convives, le maître avait tout prévu : Lumières fastueuses, table d'apéritif, vins de différentes régions, mets exquis etc. La soirée allait s'annoncer pleine de magie pour les chouchous du grand homme. Il jeta un oeil à son amante avant d'enlever la main du dossier de chaise et de boire d'une dernière lapée son verre de champagne.

Sarah remit ses cheveux derrière son oreille et caressa son ventre, abritant la vie d'un petit être déjà aimé par ses deux géniteurs. Elle posa son verre de Wati-Bulles et lui chuchota du bout des lèvres:

Veux-tu prétexter une miction pressante avant d'aller dehors rejoindre les invités ? Ma bouche meurt de te murmurer des délices..

Éric sourit et fit un clin d'oeil à la belle brune, l'alcool avait déjà commencé à monter dans son corps frêle et il n'attendait qu'une seule chose à présent : Que la bouche de la demoiselle ne lui serve pas qu'à chuchoter des belles paroles, mais aussi de faire un joli collier autour de son pinceau. Il attendit que tous les convives quittent la pièce et glissa dans l'oreille de son vice-président Gilbert:

Mon bon ami, je vais m'absenter quelques minutes avant de démarrer les festivités en bas, n'hésite pas à mettre l'orchestre en marche et ne m'attendez pas pour commencer à déguster.

Gilbert, sensiblement éméché lui aussi lui montra son pouce en l'air et ferma la marche derrière les invités.

La jolie brune quant à elle était descendue tout de go après sa maigre discussion avec le maître, sans l'attendre.

Le beau poivre et sel se retourna une dernière fois dans la pièce pour admirer la décoration et descendit aux latrines, le sang lui montant non plus à la tête à cause de l'alcool, mais bien plus bas dans son maigre corps.

Le temps passait bien trop lentement à son avis, et il lui tardait de retrouver sa dulcinée dans un chiottard du château, il se mit même à courir vers la fin du couloir pour arriver plus vite, la braguette déjà baissée.

En arrivant dans les WC, quelle ne fut pas sa surprise quand il entendit un gloussement. Un sourire énorme se déposa sur son visage fripé et il s'avança doucement, tel le prédateur ayant entendu sa proie quand tout à coup son sang se glaça.

Nan mais regarde ça Megane..

La voix d'un homme. Un gloussement d'un être masculin venait de se faire entendre dans les mêmes toilettes. Éric devint rouge tomate et commença à s'énerver, le rouge lui monta au nez.
Il se mit à marcher bruyamment, furieux de ne pas entendre sa compagne et rentra dans les toilettes où il découvrit deux jeunes gens, manifestement présentant un trouble mental.

M..Maître ?!

Le jeune homme de couleur non-blanche semblait ranger quelque chose dans sa main très vite en voyant la figure du grand homme, la jeune femme près de lui manifestement handicapée physiquement elle fut trop surprise pour réagir.

Qui êtes-vous et où est Sarah ?!

Le juif berbère cria d'un ton sec, menaçant voir presque violent! Mais son regard fut bien trop vite détourné par le fondement des jeunes gens: Leurs pieds, presque resplendissants, vint troubler la vue du soixantenaire.

D.. Désolé.. Désolé !! On ne faisait que rigoler..

La jeune blonde en face de lui se mit à baver et on pu entendre un pet mal lancé. Le grand homme n'arrivait plus à se concentrer et regardait ces deux paires de pieds d'un oeil presque excité..

*Mais que m'arrive t-il ? Ressaisis-toi Éric bon sang! Tu n'es pas comme tous ces dégénérés de gauche, merde !* pensa t-il fort dans son crâne dégarni.

Toi la française hors de ma vue! Et toi le.. le..

Les deux gros pieds métisses du jeune homme en face de lui émanaient une énergie si puissante, si radiante qu'il oublia son racisme décomplexé le temps d'un instant.. Il déglutit et le bruit de sa respiration essoufflée commença à résonner dans cette pièce blanche immaculée, le carrelage blanc marbre reflétant encore mieux la couleur des deux membres du jeune homme.

*Ça doit être l'alcool Éric arrête toi, tu deviens fou!*

Il se recula, heurtant les magnifiques lavabos en marbre et leva les yeux vers le plafond, où se tenait immobile un autre chandelier, bien plus stable que l'état mental de notre beau juif berbère. Il s'accrocha au lavabo et baissa la tête vers la vasque.

Allez.. allez vous en.. que je ne vous revois plus !!

La voix du maître transperça le calme et le silence qui venait de s'imposer entre nos trois personnages. Il ferma les yeux et attendit que les deux jeunes gens partent, non sans se mordre la lèvre en écoutant secrètement le bruit des pieds des jeunes gens se collant par la sueur contre le carrelage.
Quand il n'entendit plus un bruit, il se retourna et des larmes commencèrent à couler. Il n'avait pas ressenti ce genre de sensations fortes depuis son mariage avec son ex le cageot. Il s'affaissa au sol et d'un geste héroïque il regarda le chandelier et se demanda si tout était vrai. Alors qu'est-ce que c'était que ça ? Était-ce un signe de Dieu ? Les larmes chaudes ruisselaient sur son visage et venaient se taper comme des vagues dans la mer de Normandie dans sa belle bouche.. Il n'entendit même pas la voix de Sarah qui venait de rentrer dans les latrines.

Tout va bien ?

Il ne lui répondit pas. Trop absorbé par cette sensation dans son coeur comme une rage intense, une passion éternelle, un amour enveloppant. Il regarda Sarah et comprit que son coeur avait divagué du droit chemin, il lui sourit mais se jura de retrouver ces deux paires de pieds pour briser le maléfice qu'il venait de subir.

Les Grandes Aventures du MaîtreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant