Chapitre 5

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Spectre d'Étoile revint à elle. À la seconde où elle reprit ses esprits, elle ressentit une migraine forte et lancinante. En chancelant, elle se remit sur ses pattes et regarda autour d'elle. La femelle était entourée d'herbe haute. Elle se trouvait dans une lande assez vaste, sur laquelle se tenait une multitude de chats à l'air misérable. 

Un vieux matou tigré plein de puces ronflait bruyamment, la respiration sifflante. Il semblait malade, mais personne ne tentait de le guérir. Une chatte dorée, qui était sûrement très jolie sous les longues griffures qui parcouraient ses flancs, tentait de créer une attelle avec quelques brins d'herbe et une brindille qui trainait. Celle-ci était destinée à un mâle brun tacheté qui ne tenait pas en place, grognant à chaque fois que quelque chose touchait sa patte bien enflée. 

Plus loin, une reine au ventre rond et au pelage clair essayait de consoler une petite chatte, à peine plus âgée qu'un chaton, qui gémissait, marchant avec difficulté à cause de sa patte arrière droite, beaucoup plus courte que les autres, du à une malformation.

- Petit Papillon, reste tranquille !

Il s'agissait sûrement de la petite qui avait été abandonnée par sa mère, partie sans elle car elle ne pouvait pas l'emmener. Celle qui ne pourrait jamais devenir guerrière, ce qui avait entraîné la mort de Petit Pollen et de sa mère, Aube Claire. 

Spectre d'Étoile s'avança sous le ciel sombre, uniquement éclairé par des champignons lumineux étranges. Elle se trouvait dans la Lande des Soumis, là où était sa place, désormais. Soudain, elle perçut une voix qui lui était désagréablement familière. Elle prit soudain peur. Il est déjà de retour ! Il est revenu me faire du mal ! 

S'avançant prudemment vers la source de cette voix pour en avoir le cœur net, la chatte gris perle atteignit la frontière entre la Lande des Soumis et la Forêt du Sommeil. Là, elle aperçut deux silhouettes dorées d'une ressemblance frappante. Elle se tapit alors derrière un arbre pour les épier, la curiosité prenant alors le dessus sur l'effroi.

- ... affreux ! miaulait Noirceur de la Vipère, car c'était lui, les yeux humides. Je ne voulais pas faire ça ! Je ne voulais pas la faire souffrir ! Mais, qu'aurais-je pu faire d'autre, Poil de Fougère ? C'était ça ou l'un de nous mourrait ! Dans les deux cas, je ne l'aurais pas supporté !

Pleurer ne lui ressemblait pas. On aurait plutôt dit le chaton apeuré que sa camarade avait cru déceler au fond de lui. Mais elle s'était bien trompée. Le dénommé Poil de Fougère s'avança à la lumière d'un champignon, et sa camarade le reconnut aussitôt : c'était le soumis qui avait hurlé pour donner le signal de sa cérémonie d'apprentie et, maintenant elle en était sûre, qui avait aussi poussé un cri de détresse lorsqu'elle avait tué Patte Brûlante. Ce félin fait-il partie de ses proches... ? Se pourrait-il que... ?

Viens-là fiston, dit le plus âgé, avant que celui qui était manifestement son enfant ne se précipite tout contre lui. Ce n'est pas de ta faute, je sais bien qu'elle compte beaucoup pour toi et que tu ne voulais surtout pas la tuer. Tu as tout fait pour éviter qu'elle ne meure, à l'image de ce que ta mère à fait pour nous. Elle serait très fière de toi.

Ébahie, Spectre d'Étoile recula d'un pas. Le père du matou était un soumis, il était toujours vivant ! Mais, ce qui la perturbait le plus, c'était qu'elle ne comprenait pas leur sujet de conversation. Parlaient-ils de moi ? Impossible, Noirceur de la Vipère me déteste ! Elle voulait fuir le plus vite possible, et continua à reculer lentement. 

Une branche craqua.

- Qui est là ? rugit le chat aux yeux verts d'une voix qu'il voulait menaçante, mais qui tremblotait.

Dis papa ?Where stories live. Discover now