À l'unisson

MOUVEMENT N°15

— Comment va ton genou ?

— Il est toujours là, ironisais-je.

Faire rire, est la seule chose que je peux faire aujourd'hui.

— Alors, c'est le principal. Je suis venu pour te donner de nouvelles restrictions pour quand tu sortiras.

— Justement, quand ça ? le questionne ma mère.

— D'ici un ou deux jours, je pense. Nous avons encore quelques choses à vous faire faire, jeune homme. Ne vous inquiétez, bientôt, vous retrouverez votre maison.

Je souris. Il a raison, ma maison me manque. Mon père et ma sœur me manquent. Et pourtant, ça ne fait que deux jours que je les ai quittés. Thaïs est venue hier, déjà pour me réprimander puis ensuite pour me demander comment je vais et prendre soin de son petit frère. Et puis, aujourd'hui, mon père avait du travail, il passe tout de même tous les soirs en en rentrant, pour savoir où nous en sommes, moi et mon genou. J'ai une famille aimante, jamais je ne dirais le contraire. Je suis vraiment quelqu'un de chanceux de ce côté-là.

— Je vais vous prescrire des exercices de rééducation ainsi qu'un traitement de renforcement musculaire en kinésithérapie, ajoute-t-il en écrivant quelque chose sur son petit carnet. Le syndrome fémoro-patellaire n'est pas quelque chose à prendre à la légère. Vous allez devoir rester immobiliser pendant, au moins six mois.

Six mois ? C'est énorme ! Et tout ça, pour une petite blessure de rien du tout.

— Oui, je vous comprends, me rassure Monsieur Roussel. Mais plus vous prenez soin de votre genou, plus vite vous allez pouvoir retourner sur la piste.

Puis il lève la tête et regarde directement ma mère, le visage sombre.

— Puis-je vous voir seule à seul ?

Ceci m'inquiète, comment se fait-il que je ne puisse pas être au courant de ce qui me concerne ? C'est pourtant ça le plus important, non ? 

Mais quand je les vois dépasser la porte, je prends cette occasion comme une bonne raison de penser à ce que je vais gâcher durant ces six mois et aux opportunités que je vais perdre. Je danse depuis que je suis petit, jamais rien n'a réussi à me séparer de ceci, pourquoi a-t-il fallu que cette chute arrive maintenant ? La question la plus récurrente est, pourquoi a-t-il fallu que ça m'arrive à moi ? J'ai passé des heures entières à travailler cette figure, je la connaissais par cœur, on ne faisait plus qu'un. Mais il a fallu que je me loupe et que je sabote mon futur. 

Bien sûr que je vais pouvoir redanser. Mais dans six mois, n'est-ce pas trop ? Ma plus grande peur est que ce laps de temps me fasse détester la danse, que je la renie au point de ne plus réussir à faire un seul pas. Je suis bien conscient que de nombreux traumatismes et blocages peuvent accompagner ce genre de chute, et j'ai bien peur que ça me tombe dessus. Si je devais un jour ressentir cela, mon plus grand souhait serait qu'on me force. Qu'on me cloue à un siège et qu'on me fasse visionner des centaines de vidéos de danse. Je veux retrouver cette passion. De n'importe quelle manière. 

Heureusement, à cette heure-là, le hip-hop coule encore dans les veines. Je le vois, il a cette couleur particulière, si différente du sang. Alors que ce rouge peut dégouter certaines personnes, le jaune, associé principalement au bonheur, donne une petite touche de gaité. Mon bonheur à moi, c'est danser. Quoi qu'il m'arrive, quoi que je sois obligé de faire. Personne ne pourra me l'enlever, pas même ces docteurs. 

Ma mère revient quelques minutes après, le visage pale, mon dossier d'imageries médicales contre elle. Je me redresse sur mon lit, attendant d'en savoir plus. Voyant qu'elle ne veut rien lâcher, je lui demande directement et clairement que c'est mon droit d'être au courant de mon état de santé, si ça a un rapport avec moi, bien entendu.

— Ça concerne ton cœur, Germain.

— Mon cœur, comme ça mon cœur ? Il va très bien.

— Pas si bien que ça.

Ce qu'elle me dit me donne, pour la première fois, vraiment mal au cœur.

ce chapitre est vraiment très court, mais j'aime bien ce petit flashback...