MOUVEMENT N°13

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GERMAIN

Bien qu'il soit tôt dans la journée, le néon du cinéma est allumé. En dessous, m'attend Thaïs, toujours accompagnée de son pull fétiche. Moche, au passage. Elle en a acheté trois identiques, ce qui me met à chaque fois en colère. Je ne comprends pas comment elle peut avoir aussi mauvais gout. Encore, le fait qu'elle ait trois pulls totalement les mêmes, ne me gêne pas, mais qu'il y ait écrit en gros LA VIE EST BELLE, un peu plus. 

On sait tous les deux qu'elle ne l'est pas. 

Elle est même la première à me le dire, que cette vie qui lui a été donné, ne lui correspond pas et qu'elle serait prête à donner tous ses organes pour la changer. Alors pourquoi ? Pourquoi se faire du mal, comme ça ? En quoi cela va-t-elle l'aider ?

Cette fois, je ne lui dis rien, bien que ça me démange fortement. Nous nous embrassons avant qu'elle ne me prenne le bras pour se faufiler parmi les nombreuses personnes qui attendent aussi. Tous les deux, nous n'aimons pas attendre. Nous avons hérité ceci de notre mère. J'aime tout ce qu'elle nous a donné, mais pas ça. 

J'aimerais tellement être patient, pouvoir faire des Puzzle sans avoir envie de tout casser en dix minutes ou accepter que je ne puisse pas apprendre des pas de danse en trente secondes. Cette dernière chose serait mon plus grand vœu, même si je n'apprécie rien plus qu'apprendre à danser. Ce n'est pas ma passion pour rien. 

Sentir son cœur qui bat à l'unisson avec les mélodies, chaque battement qui se fond avec ses sentiments. Voir le sourire de ceux qui dansent avec toi ou de ceux qui te regardent, l'admiration dans leurs yeux qui germe à chaque mouvement que tu produis. C'est magique, rien de plus magique qu'atteindre notre propre perfection. Celle qu'on ne croyait pas capable mais qui veut être nôtre avant même qu'on ne puisse y penser. Elle nous prend d'un coup, comme les vagues. Ce sont des vagues de talent et de bonheur. 

Autour de nous, il y a trop de bruit. Trop de gens qui parlent et trop d'enfants qui ouvrent leur bouche pour rien. Thaïs voit que ceci commence à m'angoisser, alors elle colle son front sur mon torse, précisément sur mon cœur et je ferme les yeux. Mes bras passent autour d'elle. Nous restons quelques secondes comme ça, avant qu'on homme derrière nous nous crie de se bouger. 

Elle rigole, ce qui me fait sourire. 

— Comment vont ton cœur et ton genou ? s'inquiète-t-elle. 

Je n'accepte pas qu'on se préoccupe autant que ça de moi. Il y a six mois, jamais elle ne me l'aurait demandé. Et savoir ça me met en colère. Qu'est-ce qui a changé depuis ? 

Alors, je l'envoie balader. 

— Je ne comprends pas votre manie à tous me demander comment ils vont. S'ils sont toujours avec moi, c'est que tout est OK, merde. 

— Ne t'énerve pas, s'il te plait. 

— Je ne suis pas énervé, je fais juste des constatations. C'est tout. 

— Alors pourquoi tu es tout rouge et prêt à exploser ? rigole-t-elle. 

Elle ne prend pas mal le fait que je vienne de mal lui parler. Constatant cela, je me ressaisi. Ce n'est pas de sa faute, elle veut juste savoir si je vais bien. Mais à entendre ces mêmes questions tous les jours, il fallait qu'un jour j'explose. Et c'est tombé sur elle, sur une pauvre innocente. 

— Je suis désolé.

— Je sais, je sais tout ça. 

Je lui prends la main, sentant que je peux tout lui dire. 

— Ça peut aller, même si de temps en temps je souhaiterais que tout s'arrête. 

Le regard que ma sœur me donne me fend le cœur. C'est pourtant vrai, j'aimerais tellement que ce cycle infernal dans lequel je suis emprisonné depuis quelques années dépérisse, avant moi. 

À l'unissonOnde histórias criam vida. Descubra agora