Chapitre 2

53 21 40
                                    


Pierre Kowski marchait dans la rue, le visage tendu. Vêtu d'un manteau noir de laine finement tressée, de gants et de chaussures en cuir, d'un chapeau et d'un pantalon tout aussi noir, il tenait entre deux de ses doigts une cigarette. Elle était forte, à la hauteur de son exigence et de son ambition. Elle irritait fortement sa gorge et durcissait sa voix. La cendre du bout de sa cigarette était de la même couleur que sa barbe mal rasée, à la fois grise, blanche et noire.

Perdu dans les méandres de la ville, il marchait vite, regardant le sol, écoutant chaque pas résonner dans les rues vides de la nuit.

A cette heure, dans ce quartier de la capitale, personne ne mettait les pieds dehors. C'était un endroit malfamé, où trafic de drogue et prostitution étaient courants. Non surveillé par vidéo, la police venait parfois pour faire acte de présence. Mais elle intervenait rarement. C'était une quasi-zone de non droit, que le gouvernement délaissait. La population de ces murs, qui autrefois critiquait et s'opposait vivement aux autorités, a été ravagée par la drogue, du fait de l'absence volontaire de politique de lutte. Un cercle vicieux s'est installé : les gens de ce quartier de la Révolution sont devenus haineux envers le gouvernement et ont détesté le reste de la population le soutenant. Et inversement, le gouvernement et la population générale ont haï ces gens. Kowski appréciait ce quartier uniquement pour la discrétion qu'il apportait.

A un moment, il entendit des pas le suivre. A chaque fois que l'homme en noir tournait et changeait de rue, les pas tournaient et changeaient de rue. En plein milieu d'une allée étroite, il s'arrêta, tira sur sa cigarette, et se retourna. Il inspectait l'individu qui l'avait suivi, en expirant la fumée. Celui-ci lui dit, d'une voix rapide et claire :

— Donne-moi ta sacoche !

L'homme en noir le regardait d'un regard perdu, sans bouger.

— Oh ! Tu m'as entendu! continua l'autre d'un ton ferme.

Il sortit un couteau, et s'approcha. L'assurance de l'homme en noir, qui ne bougeait pas, qui ne manifestait aucune inquiétude, mit mal à l'aise l'agresseur. Ce dernier transpirait. Il le regardait avec des yeux méchants. Pierre Kowski dit enfin, d'une voix lente et posée :

— Pourquoi veux-tu cette sacoche ? Crois-tu que j'ai du temps à perdre avec toi ?

Il sortit une arme paralysante et tira sur les jambes de l'assaillant. Celui-ci s'écroula, se redressant avec ses bras.

— Crois-tu qu'une vermine comme toi mérite de vivre ? Combien de gens as-tu volés ?

Le malfrat était paniqué, se demandant ce qu'il lui arrivait. Il lui dit :

— Je vis dans la rue ! Je n'ai pas d'argent !

Kowski rétorqua :

— Alors pourquoi ne travailles-tu pas, comme tout le monde ici ?

— Je ne peux pas ! Personne ne veut de moi ! Les robots m'ont remplacé !

Kowski sortit une autre arme, très lentement. Le nuage de fumée qu'il produisit avec sa cigarette se dissipait dans l'obscurité grise. Il fixa un silencieux sur son arme à feu, la leva en direction de l'homme. C'est à cette instant que l'homme crut reconnaître le Ministre :

— Kowski ! Ce n'est pas possible, ce ne peut pas être vous... Le gouvernement croit en la Justice... lâcha-t-il, désespéré.

— Pauvre fou. Une vermine en moins.

Le Ministre appuya sur la détente, tuant l'homme sur le coup d'un geste méprisant. Il rangea son arme, sortit son téléphone et appela son adjoint : « Viens nettoyer, à l'angle de la rue Delcourt et Martini. »

Le voyage de LucieWaar verhalen tot leven komen. Ontdek het nu