Mais son regard bleuté désemparé hante ses pensées. Elle comprend qu'aujourd'hui, le normand a trébuché. Une petite chute de laquelle il va devoir se relever. Elle comprend que l'ascension n'est pas seulement constituée de victoires et d'avancées. Mais bien de nombreux obstacles surmontés. Il faut simplement être capable de l'accepter. Et de se relever. Pour faire une nouvelle fois face à ses échecs et les affronter.

La brune admire Pierre qui a réussi à franchir un cap de plus en montant sur cette deuxième marche après avoir dégringolé en bas de la colline à la fin de l'été. Elle se demande simplement à combien de reprise, il trouvera le courage de recommencer à grimper.

Pourtant, elle est loin de se rendre compte que les revers n'ont pas tous la même portée. Ils nous ébranlent mais ne sont pas systématiquement synonyme d'un retour à la case départ tant redoutée. Au même titre que les étapes à surmonter ne sont pas toutes si compliquées. Asha n'a pas cette notion de priorité. Elle a l'impression que chacune de ses paniques la renvoie à sa zone de confort qu'elle ne peut quitter.

Une larme unique roule sur sa joue.

Elle sent la crise d'angoisse arriver sans savoir ce qui l'a réellement contrariée. Chaque bouffée d'air respirée devient rapidement un supplice lui brûlant les poumons et la trachée.

Comme à son habitude, elle frôle de son pouce la pulpe de ses doigts et se met à compter. A chaque fois qu'elle recommence à zéro, elle se force à prolonger ses inspirations. Le but est simplement d'aller un peu plus loin. De tenir un peu plus longtemps. Et de repousser cette frayeur qui prend le contrôle sur son esprit.

Asha réalise que c'est son plus grand défi.
Et qu'elle a déjà tant accompli.

Elle continue d'énoncer les chiffres à haute voix. Mais cet ancrage ne suffit pas. Il ne suffit plus. Elle ferme les yeux en essayant de se concentrer sur un endroit où elle se sent détendue et rassurée. Et contre toute attente, ce n'est pas le tableau habituel qui se dessine.

Elle n'est pas assise sur son tabouret, à se laisser porter par le son des cordes vibrant à l'unisson.
Elle n'est pas en sécurité dans sa pièce préférée.

Non.

Ses cheveux flottent au vent.
Sa peau rougie de peur, de fraîcheur, de bonheur.
Ses poumons s'emplissent pleinement du grand air marin. C'est une renaissance, comme si elle n'avait jamais vraiment su respirer correctement auparavant.
Elle se tient du haut de cette falaise qui surplombe l'eau salée.
Et l'envie de crier lui brûle les lèvres. Elle veut hurler au monde cette joie qui s'empare d'elle et se répand dans chacune de ses veines. Ce bien-être de se sentir enfin libérée.

Le bleu si clair du ciel tranquille.
Le bleu si enluminé de l'océan qui oscille.
Le bleu si profond de ses yeux fragiles.
Et le bleu si transparents de ses pupilles.

Et c'est cette couleur nuancée qui s'infiltre sous ses paupières pour devenir un nouvel ancrage lui permettant de se calmer.

Et alors que son pouls retrouve un rythme apaisé, la brune se lève, déterminée. Elle passe dans sa chambre se couvrir et descend pour se retrouver face à cette baie vitrée.

Le salon est désert. Elle est soulagée. Plus personne ne se dresse entre elle et sa liberté. Elle franchit cette frontière qu'elle a tant redoutée, parce qu'elle l'a décidé. Sans y être forcée. Sans personne pour l'aider.

La brune se dirige dans le garage attenant et trouve rapidement ce qu'elle est venue y chercher. A cet instant, elle est heureuse d'être le portrait craché de Cléo pour pouvoir lui emprunter. Elle lève les yeux sur une étagère et attrape l'objet sans lequel elle ne pourra pas se lancer. Sa main caresse le casque pour le dépoussiérer et elle vient le placer sur sa tête. Elle a besoin d'être un minimum rassurée.

REMÈDE - PIERRE GASLYWhere stories live. Discover now