18. Réessayer.

Depuis le début
                                    

Et il voit ce drapeau à damier. Hamilton ne fait qu'essayer de se rapprocher. Au loin, Verstappen s'est envolé. Il mène un autre combat et c'est bien lui qui finit par franchir la ligne d'arrivée en seconde position.

Le podium qu'il attendait. Celui qu'il croyait possible en intégrant RedBull au début de la saison mais qu'il a finalement obtenu avec une écurie qui l'a écouté. Et qui a su le mettre dans les meilleures dispositions pour atteindre cet instant de liesse.

Le moment est magique. C'est loin d'être une simple revanche. C'est un accomplissement.

Il a réussi à surmonter les doutes qui s'insinuaient en lui. La preuve qu'il ne faut jamais abandonner. Qu'il faut toujours remonter en selle. Et persévérer. Le bonheur qui attend à la clé, n'en est que plus apprécié.

Il s'extrait de sa monoplace et se jette contre son équipe dont chacun des membres veut toucher ce casque qui, aujourd'hui, a filé tout droit vers la deuxième place, qui pour eux, a un goût de victoire. Pierre garde sa visière baissée. Il veut savourer cette émotion qui prend le contrôle de son corps. Il vient de le faire. Cette course symbolise tout son travail acharné depuis des années. Les sacrifices de sa famille enfin récompensés.

Et puis, une combinaison rouge se détache de la foule. Il ôte son casque pour prendre son meilleur ami dans ses bras. La déception présente dans les yeux des Charles suite à son abandon disparaît bien vite pour féliciter le pilote français. Il le mérite.

« Bravo calamar, murmure-t-il à son oreille.

- C'était pour lui, souffle discrètement Pierre pour qu'aucune caméra ne puisse lire sur ses lèvres.

- Je suis certain qu'il est fier de toi. »

Le châtain déglutit difficilement. Il espère avoir réussi à porter ce rêve qui les faisait tous les deux vibrer. Il ressert un peu plus son étreinte pour le remercier. Ce sont les mots qu'il devait entendre pour se sentir apaisé.

...

Le ciel s'est assombri. Les nuages noirs sont de sortie. Menaçants, ils créent un contraste saisissant avec l'océan. Ce tableau ramène Pierre à la réalité. Il est venu ici avec un objectif bien précis. Une promesse qu'il a formulée et qu'il se doit de respecter.

Il se redresse et prend le temps d'enlever le sable qui s'est infiltré dans les plis de ses vêtements. Il longe le littoral à pied, comme pour repousser le moment où il atteindra ce qu'il est venu chercher. Peut-être qu'il a encore besoin d'y réfléchir. Après tout, il n'a rien préparé. C'était juste une évidence de revenir là où tout avait commencé. De retrouver le point de départ où il a commencé à se chercher. Il y est parvenu. Mais sûrement pas tout seul. Le normand mesure la chance qu'il a d'être à ce point entouré. Sinon, il en est persuadé, il se serait laissé sombrer. Et ça ne peut pas lui arriver.

Il s'avance dans le jardin après avoir passé le portail qu'il connaît bien. Il hésite à toquer. Mais ce n'est pas ce à quoi il a été habitué. Il contourne la bâtisse et lève les yeux en faisant un pas vers cette baie vitrée.

Pendant un instant, il croit voir un mirage. Un reflet déformé par la frontière de verre. La silhouette d'une jeune fille brune se dresse derrière la fenêtre, sans qu'elle ne bouge d'un millimètre. Son visage est dénué de toute expression. Son regard est vide, perdu à l'horizon. Ses bras sont croisés sur sa poitrine et il la trouve encore plus fragile que dans ses souvenirs.

Seule cette porte les sépare. Lui l'a déjà franchi. Plusieurs fois. Elle, lui a fait confiance une seule fois.

Asha ne bouge toujours pas. Elle fronce légèrement les sourcils pour se demander quel tour son esprit est en train de lui jouer. Le jeune homme ne sait comment réagir. Il ne s'attendait pas à une effusion de joie alors qu'il l'avait repoussée la dernière fois qu'ils avaient échangé.

Mais elle semble prôner une indifférence qui lui fait plus mal qu'il n'aurait pu l'imaginer. Il se demande comment agir. Peut-être qu'il doit partir. Peut-être qu'il doit fuir, et ne plus jamais revenir.

Et c'est finalement son coeur qui fait taire sa raison. Pierre s'avance encore un peu tandis que la brune recule simultanément. Il pose sa main sur la poignée et fait coulisser cette baie vitrée.

La frontière est tombée.

Elle ouvre la bouche pour parler. Aucun son n'en sort. Elle est terrorisée. Parce que toutes les émotions qu'elle a refoulées refont surface, sans qu'elle ne se sache les analyser et les traiter.

« Ça fait plus de trois mois que je me demande si tout ça en vaut la peine, commence-t-il sans qu'elle ne comprenne ni de quoi il parle, ni où il souhaite en venir. Prendre autant de risques, précise-t-il en lisant l'incompréhension dans ses yeux bleus. À quoi bon ! Ça peut paraître stupide. Et pourtant, je miserai la même chose, et même cent fois plus s'il le fallait, pour ressentir toutes les émotions qui m'ont habitées pendant que j'étais perché sur ce podium. »

La jeune fille baisse les yeux. Elle se mord la lèvre. Pourquoi est-il venu jusqu'ici pour lui tenir un discours qui est éloigné de sa vie ? Elle n'y connaît rien, il l'a lui même avoué. Jamais elle ne pourra se mettre à sa place. Jamais elle ne pourra intégrer ce qu'il ressent. Leurs priorités sont différentes, tout comme leurs destinées. Il faut juste l'accepter.

Elle commence alors à lui tourner le dos. Elle veut juste s'enfermer. Lui faire comprendre qu'il n'est pas le bienvenu dans la bulle qu'elle s'efforce de ne pas faire exploser s'il était trop confrontée à ce monde extérieur qui lui fait toujours peur. Mais Pierre réagit enfin. Il saisit son poignet. Celui-là même qu'il a blessé puis soigné. Qu'il a tenté de réparer. Elle se refuse à regarder ses iris océans qui lui rappellent cet élément qu'elle ne peut contempler.

« Je suis venu te dire qu'il ne fallait pas abandonner. J'ai été mis à terre. Je me suis relevé, j'ai réessayé et regarde, ça a marché. »

Asha trouve le courage de hausser la tête et de croiser son regard dont elle a tenté d'oublier l'intensité.

« C'est bien pour toi, elle admet. Tu as retrouvé ta liberté et le plaisir que ton sport risqué te procure. Ce n'est pas fait pour moi. J'ai goûté. Et je ne peux pas recommencer. Je ne veux pas réessayer. »

...

Alors, qu'est-ce qu'on pense de ces retrouvailles ?

REMÈDE - PIERRE GASLYOù les histoires vivent. Découvrez maintenant