Elle pénètre dans la maison à sa suite. Elle n'aime pas vraiment cuisiner. Mais elle apprécie les efforts que le pilote fait pour rester à ses côtés. Ça la conforte un peu dans l'idée qu'elle est appréciée.

Ils consultent la recette de gaufres dans un épais carnet à l'écriture fine et soignée. Les pages sont cornées et tachées. Autant de signes qui montrent bien que quelqu'un dans ce foyer se plaît à l'exercice. Ils se répartissent les consignes pour aller plus vite. Leurs ventres crient famine.

La jeune femme n'arrête pas de lui jeter des coups d'œil discrets. Elle contemple l'air concentré qu'il arbore, penché sur le plan de travail, les sourcils froncés. Il ne sait pas faire les choses à moitié. Il est toujours question de donner le meilleur de lui même, dès qu'il entreprend une activité.

Elle se contente de lancer la discussion sur des banalités. Les sports qu'ils aiment pratiquer. Les pays qu'ils ont visités. Cléo a terriblement envie de lui parler de la nuit dernière. Celle lors de laquelle il l'a repoussée. Elle aimerait comprendre. Mais elle ne sait pas comment aborder le sujet.

Alors qu'ils s'attablent tous les deux, elle fixe son regard bleu océan. Il est fuyant.

« Y'a un problème ? demande-t-elle. »

Elle n'arrive pas à formuler ses pensées. Alors elle préfère se concentrer sur celles du pilote et le pousser à s'exprimer. Il souffle en repoussant son assiette sur le plan de travail. Elle vient de lui couper l'appétit. Mais il ne peut pas lui en vouloir. Il se doit de lui dire.

« Je vais devoir rentrer plus tôt que prévu, lâche-t-il en baissant les yeux.

- Oh. »

Cléo pince les lèvres. Elle est surprise. Elle est contrariée. Elle retient sa respiration et tente d'empêcher ses lèvres de trembler. Voilà sa plus grande peur qui revient la hanter.

« C'est pour l'écurie... Ils m'ont rappelé en urgence. On doit arranger quelques petits problèmes. »

Elle se contente de hocher la tête alors que Pierre n'a pas le courage de lui dire la vérité. Il ne supporterait surtout pas de l'entendre à haute voix. Il n'a pas envie d'affronter cette nouvelle réalité. Alors il laisse ce doute planer. Et la jeune femme découvrira dans quelques jours dans les médias que le petit problème en question n'est rien d'autre que sa rétrogradation. Mais il ne sera déjà plus là lorsqu'elle l'apprendra.

« Je comprends, dit-elle simplement. Est-ce... Elle hésite. Mais il l'encourage de son regard apaisant. Est-ce qu'on se reverra ? »

Ça semble lui tenir à cœur. Le pilote ne sait pas que la brune s'attache rapidement à tous ceux qui lui ont témoigné un semblant d'intérêt. Elle ne sait pas rester seule. Après tout, bien qu'elle ne s'entende plus vraiment avec sa sœur, cette dernière a toujours été présente à ses côtés. Cléo est toujours dans l'excès. Et ce trait de sa personnalité a ses bons côtés, comme il a également ses mauvais.

Le châtain s'est promis de ne pas jouer avec ses sentiments. C'est pour cela qui l'a repoussée. Mais il n'a pas le courage de lui briser le cœur. Alors il répond simplement :

« Oui, je reviendrai. Quand j'aurai le temps, ou au pire, à la fin de la saison. »

Il sait qu'il ne devrait pas faire de promesse qu'il n'est pas sûr de pouvoir tenir. Ça ne fait que mal finir. Il se détend lorsqu'il voit ses lèvres s'étirer en un sourire léger. Et puis, il regrette soudain. Il ne veut rien lui faire espérer. Il repense à ce baiser qu'elle lui a volé. Le doute vient, dans son esprit, s'insinuer.

« Tu sais... Par rapport à la soirée sur la plage... »

Il commence sans trop savoir quelle direction prendre. Mais il voit bien qu'il a piqué la curiosité de la jeune femme. Elle lève son regard vers lui. Il a réussi à aborder ce qu'elle cherchait à mettre sur le tapis. Il ouvre la porte et c'est à elle de s'y engouffrer.

« Je suis désolée de t'avoir embrassée, dit-elle simplement alors qu'elle rêve simplement d'avoir l'opportunité de recommencer.

- Ce n'est pas grave, la rassure-t-il. C'était juste un baiser, pas vrai ? »

Elle encaisse le coup. Cléo plonge son nez dans son verre pour avaler quelques gorgées et masquer son désespoir. Elle a besoin de savoir. Elle pensait qu'il l'appréciait. Elle s'est encore une fois emballée. Elle tente de rester détachée mais elle ne veut pas être celle qui reste une nouvelle fois sur le côté.

« Ça aurait été différent si je n'avais pas été bourrée ? Ou si tu restais encore un peu ? »

Le cœur de Pierre se serre. Son ton est presque suppliant. Il comprend que, sans le vouloir, il l'a blessée, elle qui paraissait à la fois si intouchable et tellement sûre d'elle.

« Je crains que non... »

Il lui doit la vérité. Pour ne pas la laisser espérer ce qui n'arrivera probablement jamais.

« Je vois... Elle soupire.

- C'est pas...

- Moi ? Elle le coupe. Il hoche la tête. C'est ce qu'on dit toujours.

- C'est juste que ma vie est compliquée. Et ça ne va pas s'améliorer... »

Pierre ne sait pas vraiment ce qui l'attend. Son avenir lui semble compromis. Alors, il a besoin de reprendre pied et de réfléchir à la façon dont il va réussir à s'en sortir. Parce que il a l'impression de dire adieu à son rêve de gosse. Il ne pensait pas pouvoir davantage sombrer.

« Tu n'as pas à te justifier. Je suis un problème ambulant. Je suis habituée.

- Ne crois pas ça s'il-te-plaît. Il soupire. J'ai vraiment apprécié ces moments passés avec toi. Le surf. Le saut à l'élastique. La plage...

- Mais rien de plus ?

- Rien de plus, affirme-t-il tout en étant désolé d'avoir pu lui faire croire qu'il désirait plus. »

Cléo n'a rien à ajouter. Il a été clair. Et elle n'ose pas lui proposer de continuer à entretenir un début d'amitié ou quoique ce soit qu'ils pourraient partager. Elle se demande si l'avis du pilote peut venir à changer lorsque les choses, pour lui, se seront un peu arrangées. Est-ce qu'elle doit s'accrocher ?

Une sonnerie de téléphone vient interrompre sa rêverie. La jeune femme regarde l'écran. Ce sont ses parents. C'est sûrement important. Elle s'excuse auprès de Pierre et sort sur la terrasse pour prendre son appel. Le voilà mal à l'aise. Il entreprend alors de débarrasser la table et de faire la vaisselle. C'est le moins qu'il puisse faire en attendant de dire au revoir à la brune. Les lèvres pincées, il sifflote en se rendant utile. Et la mélodie qui franchit la frontière de ses lèvres vient se mêler à de douces notes qui lui parviennent.

Il est intrigué. Le son qui emplit les pièces de la maison est agréable. Et, comme envouté, il se permet de quitter la cuisine pour en découvrir son origine.

...

REMÈDE - PIERRE GASLYWhere stories live. Discover now