Hiyu-Jy, la furie rouge.

Chapitre 6 - Les rubis de Karmir

Les quinze ans des recrues étaient sur le point d'arriver et tous se préparaient pour l'évènement le plus important de leurs jeunes vies : la récolte de leurs cristaux. Bien que trop jeunes pour développer leurs pouvoirs pour le moment, les jeunes de Karmir attendaient avec impatience d'être lâchés sur les montagnes de Vohon, Tulekahju ou sur le pic solitaire de Vatra pour aller y arracher un rubis qu'ils porteraient autour de leurs cous pour le restant de leur vie. Ils devraient s'habituer au poids de ce lourd tribut, s'habituer à se battre et protéger ce trésor qui serait le réservoir de leur magie une fois qu'elle se serait dévoilée.

Tous les enfants, maintenant devenu adolescents s'étaient entrainés durement pendant leur séjour à Háizi et avaient déjà passé un an au camp Kiśōra sous les ordres d'Aipluć Legg-Hum qui les avait formés à ce jour si particulier.

Le jour d'Andézine arriva et apporta avec lui l'épreuve tant attendue et redoutée tant par les apprentis que par leurs maitres. Si les recrues étaient nombreuses avant ce jour, chaque compagnie perdait presque un quart de ses membres à chaque fois, périssant dans les montagnes traitresses de Karmir, sous les avalanches, sous le froid mordant auquel aucun d'entre eux n'était habitué. Mais ils n'avaient pas le choix que d'affronter cette dangereuse épopée car seuls les monts enneigés gardaient jalousement les rubis, signature de la nation rouge. La réunion matinale venait de se terminer et après les derniers conseils de leurs gradés, tous les jeunes des camps des deux villes et des trois villages de Karmir se mirent en route pour partir à l'assaut des montagnes. Bien qu'ils aient toujours appris à travailler en unités soudées, ils étaient maintenant seuls pour la journée entière. C'était là le temps qui leur était imparti. Ils pouvaient certes mettre plus de temps qu'une journée pour récupérer leur cristal mais la nuit était encore plus dangereuse dans les sommets et s'ils n'étaient pas revenus, ils étaient considérés mort. Et la plupart du temps ils l'étaient. Parfois deux ou trois recrues revenaient plusieurs heures voire jours après, mais en général, s'ils étaient absents, c'est qu'ils étaient décédés.

Hiyu-Jy était sur le départ, sur la limite autorisée devant le pic solitaire attendant le feu vert pour se lancer en direction du plus haut sommet. Plus ils étaient hauts, plus des rubis étaient purs et évidemment, elle voulait ramener le plus magnifique d'entre tous, quitte à mettre sa vie en péril. Elle se remémora la conversation qu'elle avait eu avec son père la veille.

- Alors, quel est ton plan pour demain ?

- Aller le plus haut possible, sur le pic de Vatra, au-delà des nuages. Là je serai sûre de récupérer le plus beau cristal.

- Encore ces envies démesurées d'être la meilleure ? Avait-il dit avec un fin sourire, cachant son inquiétude.

- Oui, je veux être la meilleure, indispensable à la nation ! Je... Je ne veux pas qu'on m'abandonne encore.

- Hiyu-Jy... On ne t'abandonnera pas voyons.

- Mais pourquoi m'a-t-on abandonnée la première fois alors ?

- Personne ne le sait. Personne ne sait même qui t'a amenée jusqu'ici. Était-ce ton père, ta mère, un frère, une sœur, un cousin, un voisin, un ami, un ennemi, un dieu ? Personne ne sait et personne ne le saura jamais. Cesse de te tourmenter avec le passé et tourne-toi vers le futur.

- C'est ce que je fais. En étant la meilleure, la fierté de la nation rouge.

- Écoute, si tu veux être la meilleure, fais-le pour toi, pas pour prouver quoique ce soit à qui que ce soit. Si tu veux être la meilleure, je t'en prie, mais ne le fais pas pour améliorer l'avis que les autres ont de toi, tu t'en moques ! Tu es la meilleure, et cette cérémonie n'est qu'une bagatelle. Tu vas ramener ton cristal, et ce sera le plus beau qu'on ait jamais vu.