Chapitre 5 - Les seize dragons

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La forêt qui couvrait la majeure partie de la nation rouge avait toujours été peuplée de bien des créatures létales : Dégueulithorax, d'immenses monstres à six pattes aux immenses gueules serties de dents, Ignobleuh une créature décorée d'un long bec mais dont les griffes étaient bien plus à craindre que ce dit bec qui se nourrissait pourtant de chair humaine, et Zygo qui malgré son apparence bien mignonne, était capable de produire un son paralysant ou rendant fou quiconque l'entendrait, avant de débiter sa victime avec ses meurtrières pattes avant. Mais en dehors de cette petite ménagerie des horreurs, il y avait bien plus menaçant et dangereux : des dragons.

Il n'y avait jamais vraiment eu de dragons sur Prymaris, ces bêtes se trouvaient plus souvent sur Saïcunda et dans les Ters'Iles, tout en restant tout de même particulièrement rares. Ils étaient arrivés des fragments du Pont Céleste emprunté par Bunt pour descendre sur Muirotamerc pour son combat contre Xiutepann. Les dragons vivaient entre eux, pacifiquement, ne se souciant pas vraiment des humains. Mais ces créatures rarissimes attirèrent la convoitise des hommes qui les chassèrent pour tenter de les dompter, sans succès. Menacés, les dragons attaquèrent, se défendirent, et une énième guerre déchira Muirotamerc jusqu'à ce que les hommes sortent vainqueurs de ces batailles, tuant les derniers spécimens de ces créatures magiques.

Il n'aurait jamais dû y avoir de dragons sur Prymaris, ni ailleurs depuis cette tragédie. Toutefois un jour, une ombre menaçante traversa le ciel de Rubaï-Kon avant de s'écraser sur le bâtiment principal de la capitale, et de se mettre à tout détruire, aveuglée par une folie furieuse. Même si les soldats étaient intervenus malgré la stupeur de revoir un dragon, et étaient sortis victorieux de cette attaque, elles reprirent de plus belle et de plus en plus de tarasques envahirent les cieux de la nation Rouge afin de réduire en poussière tout ce qui s'y trouvait.

Personne ne savait vraiment d'où ni comment ils étaient revenus, pourquoi ils s'en prenaient ainsi aux ShinBbal mais une chose était sûre, ils n'étaient pas venus pacifiquement et chaque fois qu'une ombre approchait, l'alarme retentissait pour prévenir les habitants qui fonçaient dans la bataille ou se réfugier.

C'est justement lors d'une de ces premières attaques, il y a de cela onze ans, alors qu'Aipluć était en train de terminer ses classes, qu'il brilla par son courage et ses techniques de combat hors du commun, accompagné de Lex avant que ce dernier ne prenne la tête de la nation. Comme chez les humains, les dragons, bien que majoritairement solitaires, avaient une hiérarchie, et parmi eux certains dragons, avaient des noms, symboles de leur grandeur et de la crainte qu'ils aspiraient. Ils étaient une fratrie de seize tarasques légendaires, plus célèbres et redoutés que tous les autres, et comme les champions de la glorieuse époque de Bunt, ils avaient des pouvoirs qu'ils avaient transmis de façons diverses et variées à leurs congénères.

L'ainé était Aahnkyane, le dragon capable de figer le temps, le plus grand de l'espèce, moitié noir moitié or avec une crinière d'argent, le tout décoré de fins arabesque sur ses épaisses écailles. Suivaient les jumelles Panggonan, une magnifique dragonne blanche et or tout de plumes recouverte et Spaziu, entièrement noire si ce n'était les reflets d'aurores australes sur ses écailles qui, en plus de leur capacité de voler, pouvaient disparaitre et réapparaitre ailleurs à volonté ; longtemps on avait cru qu'elles étaient capables de se rendre invisibles mais elles possédaient en vérité la capacité de se téléporter. Puis, le frère Inikibikabē, un dragon sans écailles, entièrement lisse, mais qui possédait une fière ramure et qui resplendissait de chatoyantes nuances de vert. Lui pouvait soigner toutes les créatures qu'il désirait mais qui gardait jalousement sa magie pour les siens, voire même les ramener à la vie d'après la légende. Venaient ensuite les triplés des tempêtes, deux mâles et une femelle, Flits, Mibereki et Qixuqixu. Les trois se ressemblaient à s'y méprendre, toujours nimbés de nuages noirs, seuls leurs écailles dorsales et thoraciques luisantes, si ce n'est que Flits avait trois cornes et une queue, Mibereki deux de chaque, et Qixuqixu une corne et trois queues. Le huitième dragon était baptisé Oogŭn, celui du feu et de la lave dont les brulantes couleurs courraient sur tous le corps, à l'exception de ses ailes qui arrivaient à le porter bien qu'elles soient couvertes de trous, de quelques minutes l'ainé d'Uraqi et Harkaïtza, tarasques de la terre et de la roche. Eux seuls ne possédaient pas d'ailes mais Uraqi pouvait compter sur ses robustes six pattes pour faire de spectaculaires bonds alors que Harkaïtza préférait se déplacer sous terre. Leur onzième sœur était la créature des plantes, Yvyra, une merveilleuse dragonne sculptée dans un bois pur et dense aux ailes semblables à des feuilles, suivie de Xeo, Madzi et Tioata, respectivement de la glace, de l'eau et des cristaux. Madzi était un dragon ayant uniquement deux pattes avant, celles de l'arrière ayant été remplacées par des nageoires, Xeo complètement recouvert de fourrure et Tioata était la seule de toute la fratrie à avoir trois yeux. Enfin les deux dernières nées, deux dragonnes de fer et d'acier, Celiku la dragonne aux douze ailes, et Zeloÿster dont seul le squelette d'acier était visible.

Ils n'avaient qu'une seule chose en commun, leurs perçants yeux bruns, couleur qui se retrouvait dans tous les dragons issus de cette fratrie légendaire, plus communs, plus petits, mais toujours particulièrement féroce. C'était d'ailleurs souvent les dragons sans noms qui s'attaquaient aux villes Karmiriennes, mais parfois les légendaires les accompagnaient, sans aucun doute en manque de stimulation.

Aipluć et Lex avaient décidé, après quelques attaques bien importantes qui avaient causé de graves dégâts aussi bien matériels qu'humains, de couper une des têtes de l'hydre, l'une des deux seules qui permettait d'empêcher les autres de repousser. A quoi servait de tuer les tarasques si leur frère les ramenait à la vie à peine assassinés ? Ils devaient donc tuer Inikibikabē. L'autre choix était de tuer Aahnkyane, mais celui-ci ne s'était jamais montré et d'aucun ne savait où il pouvait se cacher. Leur choix s'était donc reporté sur celui qu'ils présumaient être la meilleure cible. Le problème était que ce dragon restait toujours en seconde ligne et ne se montait jamais, n'étant pas vraiment féru de batailles contrairement au reste de sa fratrie légendaire. Il fallait donc le déloger, l'attirer pour venir en aide à l'un de siens, mais la tâche n'était pas aisée. C'était Celiku qui s'était aventurée au-dessus d'Andézine ce jour-là, entièrement recouverte de fer, fonçant dans tous les bâtiments et se jetant sur les soldats qu'elle écrasait sous son poids. Elle était insensible à leurs attaques alors il ne serait pas aisé de la blesser pour qu'Inikibikabē intervienne. Pourtant, le duo avait un atout non négligeable dans leur manche : Lex avait le pouvoir d'annuler la magie et son pouvoir fonctionnait sur les dragons comme sur les Muirotamerquiens. Il attendait donc, visible, entouré de torches de flammes, hurlant à la dragonne de venir l'affronter jusqu'à ce que cette dernière daigne se présenter. Dès qu'il fut dans son champ de vision, Celiku se jeta sur lui, toujours couverte d'acier, jusqu'à ce que sa magie se dissipe sous l'action de Lex. Aipluć quant à lui était perché encore plus haut et attendit que la créature soit à portée avant de se jeter sur elle, utilisant sa magie pour créer un filet de chaines. La créature se retrouva clouée au sol et les deux guerriers se mirent à la rouer de coups de lames pour la faire souffrir et que ses rugissements de souffrance fassent réagir Inikibikabē. Au bout de plusieurs minutes à se tordre de douleur, Celiku commença à cesser de se débattre s'étant presque entièrement vidé de son sang, bien que les soldats essayassent de la maintenir en vie, sans que son frère n'intervienne. Pourtant, quand finalement le dernier souffle de vie quitta la gueule de Celiku, Inikibikabē apparut dans le ciel, sa couleur verte flashant dans la nuit tombante. Mais ce que ni Lex ni Aipluć n'avaient prévu, était que Qixuqixu, la dragonne des éclairs, accompagnait son frère pour le défendre. Un flash aveuglant traversa le ciel et s'écrasa sur Lex alors qu'une mâchoire se refermait sur Aipluć. Il l'évita de justesse mais se coupa tout de même tout le flanc gauche sur les crocs de la créature qui lui envoya un autre éclair en pleine poire. Au même moment, Inikibikabē venait de se poser aux côtés de son congénère et avait posé une patte sur sa tête pour lui envoyer sa magie et le réanimer. L'instant était venu !

Malgré leur faiblesse à cause des nombreux coups qu'ils avaient pu prendre, Lex et Aipluć se ruèrent sur Inikibikabē alors que leurs renforts se chargeaient de Qixuqixu. Lex entoura la gorge de la bête de ses boulets, affectueusement nommés Rou et Bignolles, avant de tirer de toutes ses forces pour coucher la bête et Aipluć invoqua une immense hache qu'il éclata sur la nuque du dragon des soins. Cette attaque devint sur l'instant légendaire et la signature du duo. Le sang se mit aussitôt à jaillir et la créature périt dans un déchirant cri d'agonie. Seul le tonnerre et un éclair plus puissant encore couvrit ce cri venu des enfers avant que la tête de Inikibikabē ne roule au sol, sous les yeux horrifiés de Celiku ramenée à la vie et Qixuqixu, en mauvaise posture. Dès que leur frère fut décapité, la dragonne se dépêtra de son filet et prit son vol, suivie de près par sa sœur qui utilisait les dernières étincelles de magie en elle pour faire frire tout ce qui se trouvait à sa portée avant de fuir. Le combat était gagné, le dragon des soins était mort et aucun de ses frères ou sœurs ne pourraient revenir à la vie maintenant, s'ils étaient vaincus sur le champ de bataille.

Hiyu-Jy, la furie rouge.Dove le storie prendono vita. Scoprilo ora