La Fin

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Le vent soufflait fort sur les plaines enneigés, l'hiver était très froid, et les maigres bout de tissus et de toiles servants de tentes ne protégeaient que très peu ces hommes qui parcourent terre, ciel et mer, accompagnés de leur troupeaux, des vaches, des moutons, des chèvres et des chevaux. Ces animaux qui broutaient tranquillement le foin entreposé dans leurs mangeoires, attendant que le printemps arrive et que l'herbe qu'ils piétinaient dégèle. Ces nomades, vivaient simplement, en mangeant le fruit de leur travail, et en traversant le monde. Ainsi, à chaque été, ils partaient vers l'Ouest afin d'échapper à la sécheresse, puis à chaque hiver, pour éviter le blizzard et les tempêtes de neiges, ils retournaient à l'Est. Mais, cette fois-ci, l'hiver les avait rattrapés, même à l'Est du continent. Le gel avait glacé toutes les rivières, et il avait même gelé l'océan, ce bras d'eau qui paraissait auparavant infranchissable. Heureusement, l'hiver devait bientôt se finir, et les températures devaient repartir à la hausse avec l'arrivée du printemps. En attendant cela, Aristée et sa sœur Damaris, étaient partis chercher du bois dans les grandes forêts noires de pins qui entouraient les plaines où se trouvaient leur campement et le troupeau de leurs parents. Aristée et Damaris appartenaient au clan Kvasir, leur père, Epikrates, s'était imposé comme le chef du clan depuis plusieurs années, lorsqu'il avait affronté Ideus, l'ancien chef, dans un duel à mort. Ideus souhaitait obtenir la main de Damaris, et Epikrates, malgré l'autorité de ce dernier, la lui avait refusé. Damaris était très séduisante, de nombreux mâles la convoitaient, tout en faisant attention à garder leurs têtes sur leurs épaules, malgré leur désir, ils ne referaient pas la même erreur qu'Ideus. Ainsi Aristée ne quittait jamais sa sœur, respectant les ordres de son père, qui lui avait demandé de veiller sur elle chaque fois que lui ne le pourrait pas. Damaris, ramassait innocemment les brindilles et le petit bois, pendant que son frère se coltinait un chariot rempli de grosses branches et de troncs.

- Heureusement que l'hiver se finit bientôt, car à ce rythme là, la vallée serait bientôt déboisée, pensait Aristée à haute voix

Damaris fit mine de l'ignorer, elle préférait rêvasser, chanter, danser et sautiller un peu partout. Il faut dire que Aristée et Damaris avait une sacrée différence d'âge aussi. Aristée était l'aîné, il atteignait bientôt sa majorité, il avait fini de grandir depuis un certains temps, alors que Damaris elle, était en pleine croissance, même si selon les dires des hommes du clan, elle paraissait beaucoup plus mature, elle attirait tous les regards, lorsqu'en déambulant entre les huttes, elle faisait valser son fessier rebondi de gauche à droite. Et à travers les différentes fourrures qu'elle portait, s'échappaient parfois, sous les regards pervers, sa voluptueuse poitrine, qui ne cessait de se développer, la rendant toujours plus difficile à cacher. Aristée veillait donc prudemment sur elle.
Damaris et Aristée se dirigeaient donc vers le campement afin d'amener la récolte de bois de chauffe, de nombreux visages souriants les accueillirent, tous allaient pouvoir profiter d'une belle nuit, au chaud, au bord du feu de camp central, écoutant les histoires de chacun, mais aussi les prédictions et les annonces de la Vöspa, la doyenne du village. La Vöspa était comme la grand mère de tout le monde, elle connaissait chaque membre du clan, elle semblait être là depuis toujours, personne n'aurait pu deviner son âge, et personne ne l'avait jamais vu jeune, elle avait toujours été une petite vieille se reposant la plupart du temps sur sa chaise, regardant le bétail, et racontant des histoires aux petits enfants. Mais chaque soir, autour du feu, elle s'aspergeait de sang d'animaux et dansait autour du feu, après de multiples cris et hurlements macabres, elle s'arrêtait, et fixait chaque individu, l'un après l'autre, comme si elle pouvait lire en lui, et après ce rituel, elle se mettait enfin à entrevoir le futur pour délivrer aux Kvasir ce qui arriverait durant les saisons prochaines. Et donc comme chaque soir, Damaris et Aristée s'asseyaient près de leurs parents, et attendaient que la Vöspa vocifère ses prédictions. Mais ce soir-là, alors que la Vöspa finissait de s'asperger et de chanter, le feu jaunit soudainement avant de laisser s'envoler quelques étincelles et flammèches bleues. Alors, elle s'arrêta net, ne fixa que Epikrates, les yeux plongés dans celui du chef de clan. Vöspa se mit à trembler, puis elle s'effondra, poussant un cri effroyable, qui résonne encore à travers toutes les plaines et forêts de Borée.

On dit que parfois, alors que le soleil se couche, un cri humain se perd dans l'infini et l'immensité de la galaxie, surprenant tous ceux qui sont encore dehors lors de la tombée de la nuit.

Après ce hurlement, Vöspa s'effondra de tout son long au pied du feu, puis elle se mit à genoux et murmura quelques sermons, et enfin elle se tourna vers les autres membres du clan, pour leur délivrer une prophétie qui rentra dans l'histoire pour toujours. L'hiver allait bientôt se finir, mais il laisserait place à un terrible été, il n'y aurait même pas de printemps, la température montant infiniment, la chaleur deviendrait très vite étouffant, et les incendies se propageraient à tout vitesse, emmené par un vent fou, un ouragan, un cyclone et une multitude de tempêtes, de tornades et de tourbillons, déclenchés par un certain Zaachar, un esprit maléfique, venu de très loin, un endroit qui serait au delà des continents connus, peut-être mêmes un endroit qui serait caché derrière les astres qui peuple le ciel nocturne. A peine, Vöspa avait-elle fini son histoire, que le vent se leva, alors le feu s'emplit grandement, et la panique gagna le clan, tout le monde se mit à s'affairer pour s'en aller, mais tout cela dans un grand désordre. Puis Epikrates se leva, plus grand que tous, il regarda ses sujets du haut de ses deux mètres quatre-vingt quinze, et son visage parsemé de tâches noires se réveilla pour, sans même crier, haussant à peine la voix, s'élancer dans un discours, et rassura tout le monde, donnant la marche à suivre, et les ordres que chacun devait suivre. Alors, tout le monde fit ce qu'il avait à faire, et après quelques heures, bien qu'ils étaient tous très fatigués et qu'ils n'avaient même pas dormis, les membres du clan partirent, suivant leur chef, qui ouvrait la marche vers l'ouest, fuyant la chaleur venant de l'Est. Tous marchaient d'un bon pas, guidant leurs troupeaux, suivant la course du soleil, avalant les kilomètres. Après quelques bonnes heures de marche intensive, alors que le vent semblait être bien loin, pensant avoir échappé au danger, le clan Kvasir s'installa, érigeant le camp près d'un petit lac à moitié gelé. Avec autant de neige sur le sol, le dégel ne semblait pas prévu pour tout de suite, Epikrates se disait qu'ils avaient encore quelques semaines avant de devoir à nouveau lever le camp. Les animaux furent nourris, mais à peine tout le monde se posait, que la neige se mit à fondre et le lac à dégeler. Epikrates attendit quelque temps, que les plus faibles se reposent suffisamment, puis tout le monde leva le camp et repartit à l'assaut de la côte Ouest, fuyant à nouveau l'été et sa forte chaleur. Les paysages défilaient les uns après les autres, le clan forçait la marche, avançant de plus en plus vite. Il n'était pas question de faire une seule halte, car, un vent très très chaud semblait les suivre. Les moutons qui se traînaient crevaient de chaleur, handicapés par leur trop grosse laine. La sueur perlait sur les fronts des plus lents, hommes comme animaux. Les pertes seraient nombreuses pour le clan. Epikrates de son côté, essayait de trouver le chemin le plus adéquate et le plus rapide, mais aussi un endroit suffisamment froid et accueillant pour à nouveau monter son camp et que tout le monde se repose un peu, fasse quelques provisions de plus, car le chemin serait long, et l'été allait être vraiment très rude, la prédiction de Vöspa était en train de se réaliser, et le pire était à venir. Mais le vent était trop fort, il était impossible de s'arrêter pour l'instant. Et tout le monde commençait à fatiguer, toutes ces heures de marches forcées étaient en train de saper le moral de chacun des membres du clan. Même les plus braves, les plus forts, et les plus endurants des bergers et des guerriers sentaient leurs jambes devenir lourdes et s'engourdir. De plus, l'alternance entre le grand froid et la forte chaleur n'aidait pas certains membres. Alors, après presque une dizaine d'heure de marche, les pertes apparurent, les bergers tombaient comme des mouches, les uns après les autres. Et dans la panique la plus totale, la peur de tout perdre, Epikrates prit sous ses bras sa fille et son fils, Damaris et Aristée se retrouvait emportés par leur paternel, dans une course folle, traversant deux fois plus vite que tout les autres les pleines enneigés et forêt de connifères. Mais, même Epikrates commençait à fatiguer, et chacun de ses pas devenait de plus en plus lourd, il était ruisselant de sueur, comme si on l'avait aspergé d'eau à grand coup de seau. Plusieurs fois, la vue troublée par la fatigue, il manqua de trébucher avant de réellement s'effondrer, entraînant ses enfants et plusieurs guerriers dans sa chute. Et soudainement ils roulèrent sur la neige glissante, dévalant une immense pente, prenant toujours plus de vitesse, leurs corps brinquebalants étaient lacérés et maltraités par les pierres et la dureté du sol. Ils finirent leur courses en rencontrant un grand chêne qui trônait fièrement, large et épais comme un roc, il arrêta net, sans même osciller, Epikrates, ses enfants, quelques guerriers Kvasir, et, étonnamment, une petite vieille qu'on appelait Vöspa. Voilà ce qu'il restait du clan, tous les autres avaient disparus, morts ? perdus ? cachés ? emportés ? qui sait, mais certainement trop éloignés de leurs confrères.

De l'Aube au CrépusculeWhere stories live. Discover now