2. Radiohead

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Quand j'étais en cure, on m'a dit que le LSD faisait ressortir les couleurs. De façon bien plus vives qu'on ne puisse jamais les voir dans la nature. On m'a aussi dit qu'une autre drogue donnait le même effet : l'amour.

C'est des conneries.

Tout d'abord, j'estime que l'amour c'est pas similaire à une drogue. C'est plutôt comme une plante. Faut l'entretenir, user de patience, ne pas en faire trop ni pas assez, être doux et méticuleux. Oui, ça se différencie vraiment de la drogue. Certes, il y a des points communs. Comme le fait que ça te fait autant de bien que de mal. C'est peut-être ça que j'ai du mal à comprendre...

— Ce soir je tente de faire le poulet de ta mère.

Tania m'annonce ça, la tête dans le frigo. Depuis le canapé, je me tourne vers son dos.

— Mais c'est à mon tour de faire la cuisine, ce soir.

Elle referme le frigidaire, un petit sourire aux lèvres.

— Je sais, mais je me disais... Que ça te dérangerais pas. Tu ferais demain et après demain ?

Avec Tania on a nos petits trucs. Le dîner c'est chacun son tour, la vaisselle est pour celui qui n'a pas cuisiné. L'aspirateur c'est ma corvée, elle s'occupe des vitres. Tous les dimanches c'est la journée ménage, on met la musique à fond et on récure tout. J'ai jamais eu de problèmes avec ça, c'est même souvent assez amusant. Certains soirs, quand on se brosse les dents, on s'amuse à faire rire l'autre pour qu'il s'en mette partout. C'est une sorte de torture je peux l'avouer, mais putain c'est hilarant. Depuis le temps, une vraie complicité s'est développée entre nous, même si la routine s'est installée, elle prend pas tant de place que ça. Je l'aime même plutôt bien cette routine. C'est comme une couverture pour s'envelopper devant un film sur le canapé. Elle est rassurante et confortable.

— D'accord, si tu veux. Mais y'a une raison à ça ?
— Nan, juste envie de tester la recette de ta mère.
— Tu devrais être honorée qu'elle te l'ai donné.

C'est terriblement cliché, mais ma mère est la typique mère parfaite qui donne ses recettes de poulets à sa belle fille. C'est difficile pour elle, même si je l'aime plus que tout ma petite maman, elle a très peu de hobbys. Elle aime cuisiner, décorer la maison, danser avec mon père et lire. Je la vois rarement faire quelque chose d'autre. Si ce n'est pleurer, mais je doute qu'elle apprécie ces moments.

— Je le suis ! C'est pour ça que je te vole ton jour de cuisine. T'as fini ton article ?

Ouais, j'ai un putain d'article a rédigé. J'avais imaginé le journalisme plus pertinent... Je dois rédiger un papier sur le nouveau réseau social : Facebook. Ça pourrait techniquement être intéressant, on m'a confié la tâche car je suis le plus jeune de la boîte. Mais être jeune ne rime pas avec grand connaisseur des prouesses d'internet. Surtout qu'ils ignorent que j'ai passé la plus part de mon temps la tête dans la moquette. J'ai essayé de rattraper ma culture générale mais c'est vrai que c'est compliqué. J'ai à peine connu MySpace ; à vrai dire, j'y suis resté que quelques heures car je comprenais pas l'intérêt. Facebook a l'air vraiment identique si ce n'est que c'est la création d'un ancien élève d'Harvard.

— Nan. Zuckerberg est trop prise de tête.
— Attends ?! T'as interviewé le gars de Harvard ?

Si seulement. Ça aurait au moins pu être intéressant.

— Absolument pas. J'ai fais des recherches sur internet, je copie les articles des autres journaux.

Tania ricane et me rejoint sur le canapé.

— Ça c'est du journalisme.
— T'imagines pas comme ça me déprime.

Sa main se glisse dans mes cheveux, c'est vrai que c'est agréable, ça détend.

Patch & Radiohead (TOME 2)Where stories live. Discover now