6 : Courir pour fuir, fuir pour mourir

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Chucky me tend le couteau, je le prends et je regarde mes parents. Ma mère crie, elle me supplie de lâcher l'arme entre mes mains. Chucky s'approche de son visage.

- Elle va arrêter de crier celle-là ?! s'exclame-t-il, agacé.

Il enfonce un peu plus le tissu dans la bouche de ma mère jusqu'à lui couper presque la respiration. Il me lance un regard joueur, il me teste, il m'incite, il me nargue. Je m'approche du bord du lit en tenant fermement le couteau entre mes doigts. Je transpire. Je ne sais pas quoi faire. Tout se précipite dans ma tête. Je perds le contrôle. Je ne vais tout de même pas tuer mes parents. Qu'est ce que je ferai après ?

Je laisse tomber le couteau à mes pieds. Chucky veut faire de moi ce que je tente de refouler depuis quelques années. Et c'est hors de question. On ne naît pas tueur, on le devient. Je n'ai pas envie de devenir un des fléaux de l'humanité.

Je redescends les escaliers en vitesse, j'espère que Chucky ne me rattrapera pas. J'arrive au rez-de-chaussée et soulève la trappe de la cave. Après quelques secondes d'hésitations, je décide d'y entrer. Un éclair tonne dans le ciel et illumine le couloir, je sursaute et glisse dans les escaliers. La trappe se referme sur mes doigts, je ne crie pas. Malgré la douleur intense que je ressens et le sang visqueux qui s'étale sur ma main, je ne fais aucun bruit. Je libère mes doigts, me réfugie dans le fin fond de la cave. Il fait très sombre, je ne vois rien mais mes yeux s'habituent. Je me cache entre deux barils après avoir traversé une toile d'araignée qui s'est emmêlée dans mes cheveux.

J'entends la trappe s'ouvrir, une lumière envahit la cave, je mets une main sur ma bouche et me tapie dans l'ombre. Je ne veux pas que Chucky me trouve. Croiser son regard m'hypnotiserait et me conduirait tout droit jusqu'à la chambre de mes parents, le couteau de nouveau dans la main, prête à en découdre. Et je ne veux pas.

Une odeur nauséabonde m'arrive jusqu'aux narines. La dernière fois, je m'étais plainte également de cette odeur fétide qui imprègne les murs de la cave. J'évite de respirer trop fort.

J'entends les petits pieds de Chucky descendre les escaliers. L'orage tonne et fait trembler les barils autour de moi. La petite poupée descend les escaliers, les éclairs l'illuminent et lui créent une ombre gigantesque au bas des escaliers. Il semble imposant mais une fois au milieu de la cave, sa petitesse le rend vulnérable. Plus petit que les barils qui l'entourent, on pourrait l'écraser par inadvertance.

- Ana.. Prononce t-il.

Sa voix est glaciale, accusatrice. J'ai l'impression d'avoir fait une connerie. Je veux fuir. M'en aller loin, très loin. Mais je sais que tôt ou tard, mes démons me rattraperont.

L'odeur est de plus en plus nauséabonde. Un petit trou est formé dans les barils, je regarde au travers, je ne vois rien. Pourtant, j'ai l'impression que l'odeur provient de ces barils, j'en suis quasiment sûre.

Chucky apparaît devant moi, il ne me voit pas mais je le vois. Je suis cachée comme un prédateur, prête à lui sauter dessus. Je cherche à tâtons dans le noir de quoi l'assommer ou bien l'attraper, c'est alors que ma main touche les hanses d'un cabas. Je referme mes doigts autour et me jette sur ma poupée, l'emprisonnant à l'intérieur.

Chucky se débat férocement, le sac bouge dans tous les sens et risque de céder à tout moment. Fatigué de donner des coups dans le sac inutilement, il s'immobilise. Le cabas s'abaisse et se redresse au rythme de la respiration du jouet.

Je soulève le cabas, Chucky est allongé sur le sol, il me toise du regard.

- Dites moi que je rêve ! Je te facilite la tâche, ils sont à ta merci.. Et toi, tu m'enfermes dans un cabas !

- Je ne tuerai pas mes parents, rétorqué-je sur un ton ferme.

Chucky rigole, je reste de marbre. C'est alors que j'entends une sirène de police au loin. Je me fige, mes parents ont réussi à se libérer et ont appelé les secours.

- Merde ! s'écrie Chucky.

Je prends ma poupée par le bras, je remonte les escaliers lentement et soulève discrètement la trappe de la cave. Chucky entoure mon cou de ses bras et regarde également par l'ouverture de la trappe. Les pieds de mon père habillés de pantoufles passent devant notre nez. J'entends la voix de plusieurs hommes.

- Elle est dans la maison ! s'exclame mon père.

Les policiers fouillent la maison, par chance, ils commencent par l'étage.

- Qu'est ce qu'on fait, Chucky ?

- On se taille ! Tu vois, tes parents n'ont pas hésité une seule seconde à te dénoncer aux flics.

- La ferme !

J'entends mon père sortir dehors, plus personne n'est dans les parages et c'est le moment de s'enfuir. Je prends mes jambes à mon cou et je sors de ma cachette avant de me précipiter vers la véranda. J'ouvre la porte coulissante en verre et je m'enfuis dans le jardin. Je cours en direction de la forêt quand j'entends les policiers crier. L'un d'eux commence à me tirer dessus depuis l'une des fenêtres de l'étage.

- Putain de merde ! m'écrié-je.

Les balles s'enfoncent dans le gazon, creusant des trous. Je me fais asperger de terre, mais je préfère ça que de me faire trouer la peau. Je m'engage dans un sentier, c'est le petit matin, il y a de la brume et la terre est très molle, je m'enfonce presque dedans. Je cours sans pour autant savoir où je vais, je n'ai pas destination, je cours seulement. Je cours vers l'inconnu, je cours pour fuir, je fuis mes démons en même temps que je fuis les conséquences de mon acte.

Pourquoi a-t-il fallu que je rencontre cette poupée démoniaque ? Elle a changé ma vie de la pire des façons. Il y a une semaine à peine, j'étais encore sur Paris, je me hâtais pour faire mes bagages, et là, je suis en train d'échapper aux balles de la police après avoir voulu tuer mes parents.

Je débouche sur une route déserte, c'est alors qu'une voiture manque de m'écraser. Je me fais klaxonner puis engueuler. Je continue mon chemin sur cette route de béton, mon pyjama et mes converses sont recouverts de boue. Je marche, je marche. Je tiens ma poupée par le bras.

J'entends au loin une voiture arriver.

- Fais du stop ! m'ordonne Chucky, discrètement.

Je lève le pouce, la voiture freine et s'arrête à quelques mètres de moi. La conductrice porte des lunettes en forme de papillon, ses yeux sont verts et ses cheveux sont blonds et bouclés. Elle me sourit puis regarde dans ma main.

- Dis donc, ta poupée fait flipper.. constate t-elle.

Je vois dans ses yeux qu'elle regrette de s'être arrêtée mais je tente de la rassurer en prenant un air innocent et une voix mielleuse.

- Pouvez-vous nous.. hum.. me conduire en ville ? Lui demandé-je.

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⏰ Last updated: Mar 12, 2023 ⏰

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Ma poupée Chucky ( Fan Fiction )Where stories live. Discover now