« Qu'est-ce qu'il s'est passé ? demande-t-elle alors que le jeune homme semble étonné qu'elle ait deviné ce qu'il a pu se produire.

- Cléo est tombée et elle s'est entaillée le bras avec l'aileron de sa planche. Les secours l'emmènent à l'hôpital. Tu veux peut-être y aller ? Et prévenir vos parents ?

- Envoie-moi l'adresse. J'arrive, souffle-t-elle. »

Et elle raccroche sans attendre la moindre réponse. Elle pénètre dans la maison et monte en vitesse dans sa chambre pour se changer. Elle attrape son téléphone pour commander un taxi mais ses mains tremblent. Elle remarque que sa respiration s'accélère. Son pouls pulse et elle peut l'entendre s'affoler à travers ses veines. Une nouvelle crise. Elle pensait que c'était fini. Mais la perspective de devoir sortir, combinée à celle de se retrouver à nouveau dans l'une de ces chambres aux murs blancs dont l'odeur aseptisée lui soulève le cœur la projette tout droit dans ce qu'elle redoute le plus.

Ses jambes flageolent mais elle parvient à se laisser tomber sur son lit. Asha essaye de reprendre le dessus. En vain. Et ses sanglots viennent se mêler à sa détresse. Et la culpabilité de craquer alors qu'elle ne peut se le permettre s'abat sur elle, l'entraînant un peu plus dans sa chute.

Elle perd pied. Incapable de respirer. Son souffle est court. Ses joues inondées de larmes. Et elle se retrouve comme trop souvent seule face à ses démons. Si elle veut se sortir de cette nouvelle crise, elle sait qu'elle ne peut compter que sur elle-même.

Alors dans un bref instant de lucidité, la brune se redresse et fixe un point le plus loin possible devant elle. Sa main jusque là positionnée autour de sa gorge comme si elle pouvait lui permettre d'ouvrir un peu plus sa trachée glisse à plat jusqu'au bas de son ventre, sous son nombril. L'autre s'agite. Elle ferme les yeux et touche chacun de ses doigts de son pouce.

Et elle compte.

« Un. Deux. J'inspire.
Un. Deux. Je garde.
Un. Deux. Je souffle.
Un. Deux. Trois. J'inspire.
Un. Deux. Trois. Je garde.
Un. Deux. Trois. Je souffle. »

Elle répète ce schéma en augmentant le temps de ses respirations et en s'aidant de ses mains pour maintenir un rythme. Ses doigts posés au bas de son torse finissent par palper un gonflement caractéristique d'un souffle plus calme.

Elle prend le temps de se relever et termine la commande de son taxi avant de se diriger vers la salle de bain pour asperger son visage d'eau bien fraîche. La jeune femme pose ses deux mains sur la vasque du lavabo pour se remettre de ses émotions. Elle a encore craqué. Et alors qu'elle lève les yeux vers le reflet que lui renvoie le miroir, Asha se mord la lèvre en constatant l'impact de ses crises sur son physique. Ses cheveux noirs sont en pagaille. Ses yeux d'ordinaire d'un bleu clair sont rouges. Elle semble encore plus pâle qu'à l'accoutumée, ce qui accentue ses joues creusées.

Elle détourne le regard. Elle a honte de son reflet. Elle a honte d'être aussi faible. Mais cela confirme ce qu'elle savait déjà.
Jamais elle n'arrivera à sortir de sa routine.
Jamais elle n'arrivera à sortir de chez elle.
Jamais elle n'arrivera à sortir de cette peur qui l'habite et que l'on a cultivée en elle.

Une vibration de son téléphone interrompt le fil de ses pensées. Son taxi l'attend devant la porte. Elle attrape ses affaires et s'engouffre dans le véhicule en essayant d'ignorer ses muscles qui se crispent. Elle n'est pas à l'aise en dehors de ce qu'elle connaît. Et elle en veut terriblement à soeur de lui imposer de quitter sa bulle.

Le paysage défile sous ses yeux, et pendant un court instant, elle s'autorise à contempler la beauté de la côte basque.
Le ciel d'un bleu profond qui semble, au loin, se confondre avec l'océan.
Le soleil qui scintille de mille feux en se reflétant sur l'eau en mouvement.
Les touches de verdure offertes par les nombreux pins qui bordent les routes et les plages.

REMÈDE - PIERRE GASLYWhere stories live. Discover now