Wrong Number

Partie 1 - Une vie de coq

Miami - 21h.

- Bonsoir ! Je voulais juste vous prendre une pizza pour ce soir. Je suis seul.

- Je pense que vous vous êtes trompé de numéro. Répondit une profonde et caverneuse voix. Mais ce n'est pas un problème... votre pizza vous sera livrée bientôt. Prenez soin d'elle.

- Que... ?

CLIC!

Tommy n'eut pas le temps de finir sa phrase que son étrange interlocuteur avait raccroché. Pensant qu'il était juste dans une mauvaise passe, il alla prendre sa douche avant de s'affaler sur le canapé, comme tous les vendredis soir.

C'était son programme favori : une course de Supercars commentée en direct.

Les moteurs chauffés sur l'asphalte lui montaient à la tête. Il se sentait vibrer comme au volant d'une de ces capricieuses machines.

DRING ! DRING !

- J'arrive ! s'écria Tommy en se levant péniblement de son fauteuil.

Il ouvrit la porte et fut surpris en découvrant ses deux jolies filles. Elles avaient bonne mine et portaient la même robe bleue. Elles étaient soignées jusqu'au bout de leurs doigts boudinés, qui étaient serrés avec fermeté par leur mère.

Elle regardait Tommy d'un air sévère, comme si elle attendait une réaction quelconque. Le pauvre homme fut maladroit, comme à son habitude lorsqu'il tombe sur un bec, et la salua d'un air faussement décontracté.

- Euh... salut Hanna. Je vous attendais justement.

- Tu as encore oublié, Tommy. Souffla-t-elle en lui tendant la boîte à pizza qu'il avait commandé. J'espère que tu as de quoi les nourrir.

- Oui... hum, les filles, vous aimez le poulet, n'est-ce pas?

Elles entrèrent sans répondre dans l'étroit appartement.

- Prends soin d'elles, Tommy. Dit finalement Hanna en se tournant vers l'ascenseur.

Il ferma la porte et alla chercher un paquet de chips qui traînait dans la cuisine.

- Il n'y a pas de poulet pour nous ? demanda l'une des deux filles.

- J'irai vous en acheter demain. Ce soir, je suis vraiment fatigué.

Puis, il leur demanda de le laisser seul. Ce soir-là, elles le passèrent dans la chambre de Tommy, se partageant leur pauvre repas.

Depuis que leurs parents étaient séparés, les filles ne posaient plus de questions.

Derrière chaque demande, chaque supposition, se cachait un ordre fatal auquel il fallait obéir. Elles le sentaient, Tommy était malheureux.

Allongé de tout son long au fond du canapé, il passait ses doigts boudinés le long de la boîte à pizza. C'était un moment presque magique, un rendez-vous sacré.

Il fut irrité en découvrant qu'il n'y avait rien dans la boîte, et se trouva comme une poule qui a trouvé un couteau.

Un masque trônait à la place de la pizza. Un terrifiant masque de poulet.

Quelle farce ! se dit-il en fronçant les sourcils.

En face, la télévision était dérangée, l'image se fixa, puis commença à grésiller.

Ce n'était décidemment pas son jour de chance. Il n'eut pas même le courage de se lever, trop fatigué pour ordonner à ses jambes un dernier sacrifice.

En fait, il était comme hypnotisé par cet étrange masque. Il sentait comme l'envie pressante de l'essayer. Il l'avait juste enfilé que l'odeur d'un sang frais et onctueux se profila à son esprit. Seul le résonnement nerveux du téléphone le tira de ses songes.

Il décrocha et entendit à nouveau cette profonde et étrange voix.

- Etes-vous satisfait de la pizza ?

- Hum... je suis occupé, désolé mais je dois raccrocher. Répondit Tommy, mal à l'aise.

- Arrêtez de mentir aux gens comme cela Tommy, c'est assez désobligeant.

- Qui êtes-vous ?

- Vous êtes lassé de cette vie. Obligé de s'occuper de ces tristes petites filles les week-end, de vivre dans cet appartement miteux, et de se gaver de ces mauvais films d'action en mangeant des pizzas.

Ce n'est pas une vie pour vous, Tommy.

- Qu'est-ce que vous voulez ? finit par s'impatienter le jeune divorcé.

- Vivez. Ne faîtes pas juste de la figuration ou je ne sais quoi. Ne regardez pas juste de la violence, faîtes la violence. Vivre vaut la mort d'une vie. Vis et tue.

- Je... je ne veux pas être violent... Juste passer du bon temps.

- Que connais-tu de la violence ? Tu parles de films ? Ou de ce plaisir qui emplira ton esprit quand tu videras leur petite tête innocente. Oui, je parle de passer du bon temps, aussi. D'une autre façon.

CLIC !

Cette fois, Tommy raccrocha le premier.

Puis, il hurla dans un rire à déplumer un coq.

- Les filles ! Vous aimez le poulet ?