Episode 4

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Vint décembre.

Et, le 20 décembre, à quelques mètres de là, dans un autre Atelier - celui de la Mode - les Chardon-Savard recevaient, à l'occasion de leur annuel cocktail de Noël, non pas tout Paris mais plutôt celui qui compte vraiment et au nombre duquel m'ajouta, en tant qu'accompagnateur, Mme de Talleyrand-Périgord sur qui tout le monde comptait toujours pour décorer de sa présence telle ou telle réception mais qui s'amusait à faire de son absence quasi systématique les mécomptes de bien de party-givers et autres hôtesses plus ou moins snob et en mal de comtes, vicomtes et autres contes qu'elles se racontaient à elles-mêmes ....

Nous dûmes presque , en descendant de voiture, jouer des coudes parmi toutes ces fashionistas qui, elles, jouaient de leurs longues gambettes dans cette courte rue Gambey, mais quand, la reconnaissant, l'Œil de Vogue se posa sur, puis se mit à mitrailler, l'apparition d'Oriana, étourdissante dans une robe de cocktail Alaïa bleu marine, une vague " d'œil de mode " se mit à son tour à la dévorer vivante, brillante, rayonnante, souriante, en un mot : alaïante, voire Atalante puisque, dans la course au nec plus ultra de la planète Mode , elle était indubitablement imbattable, elle qui sans effort aucun abattait une à une toute prétendante tendant de près, ou de loin, à la surpasser dans sa trajectoire stellaire.

Autour de nous, les conversations allaient bon train, telles des bribes d'étoiles clignotantes chères à Prigent Loïc, mais l'une d'elles retint particulièrement mon attention quand j'y entendis un prénom cher à moi-même - et à la rue Saint Maur :

" Comment, vous ne connaissez pas Veronica Chaddesley-Corbett ?! " s'étonnait l'un, quasi indigné.

" Non mais je connais mieux : Veronica Visconti ! " répondait l'autre en se rengorgeant.

" Vous voulez parler de la muse de M. Armani et qui tient maintenant une fabuleuse enseigne de traiteur à deux pas d'ici ? " s'enquit un troisième qui semblait plus renseigné que tout le monde.

" Veronica, NOTRE Veronica, une Visconti ? Et depuis quand ? " me questionna Oriana, qui avait tout entendu également, sur un ton de procureur de la République venant d'apprendre un nouvel élément de dossier à contre-temps, elle qui, née Colonna souvenez-vous , se targuait de connaître le Nobiliaire d'Italie sur le bout de ses jolis doigts. * Pourquoi me cachiez-vous cela ? " m'accusa-t-elle encore du haut de son soudain prétoire et comme si j'étais censé tout savoir du pedigree des gens que nous avions en commun.

Avant même que je pusse formuler une réponse plausible, et apaisante, elle se lança tête baissée dans un long laïus à base d'hypothèses mi-généalogiques mi-cinématographiques d'où je réussis à extraire, mais à grand peine, que la parenté de Veronica avec les Visconti expliquait la présence récurrente de l'ex-comtesse Serpieri au 45 de la rue Saint Maur.

J'allais timidement objecter qu'il ne fallait pas hâtivement mêler fiction et réalité, mais ma propre tendance à le faire m'en empêcha dans un premier temps puis la scène suivante dans un second (alors qu' Oriana avait déjà décidé de partir d'ici pour apparaître, toujours en ma compagnie, là où on ne l'attendait pas ni plus : chez sa cousine la nouvelle princesse de Guermantes, " puisque cousine il y a ", ajouta-t-elle en souriant d'un seul coin de lèvres, ce qui me fit craindre pour la soirée de ladite princesse ...), la scène suivante disais-je :

Une harpie pseudo-Chanel houspillant tous, toutes et tout dans l'encadrement de la porte que nous franchissions pour sortir, Mme de Talleyrand-Périgord, à qui rien n'echappait et partant du postulat que quelqu'un de désagréable est souvent traité de chameau, prit le temps de lui jeter au passage non seulement un regard micro-panoramico-stéthoscopique, mais aussi une mini-bombe qui éclata en rires alentour :

" Faux Chanel mais vraie chamelle ? " 

Per molti ma non per tuttiWhere stories live. Discover now