𝐉𝐔𝐒𝐐𝐔'𝐀 𝐂𝐄 𝐉𝐎𝐔𝐑, je n’avais aucune idée de ce que pouvait être une journée normale à King’s Dominion. La plupart des autres élèves n’arrivent pas à l’école avant la rentrée, si bien que les couloirs des dortoirs demeuraient vides.
Quoi qu’il en soit, ma rentrée scolaire est marquée par mon silence ; je dois me tenir tranquille, loin des problèmes. Premièrement, il me faut m’habituer à cet environnement hostile avant de commencer à m’aventurer au-delà des frontières de ce qui m’est connu. Deuxièmement, il me faut évaluer la force de Chico : si je venais à le contrarier, je ne suis pas certaine que Maître Lin puisse quoi que ce soit pour moi.
Dans les couloirs bondés, j’observe attentivement les clans plus ou moins marqués qui se dessinent entre les casiers. Les rats, je les avais déjà repérés, étant parmis les rares élèves que j’ai déjà croisé aux dortoirs. Willie, à la tête du Dernier Ordre Mondial, ne m’adresse pas un seul regard - à prévoir, je ne suis pas vexée. Les Yakuzas, les gothiques, les geeks, le Cartel, la mafia Dixie, les gosses de riches. Ca, c’est fait. Chaque groupe semble contraster avec le vieux bâtiment sinistre, où rôdent des moines faisant office de surveillants.
Contrairement aux rats, je ne reçois aucune boîte contenant des ossements avec mon emploi du temps. Ceux qui en ont reçu, perplexes pour la plupart, sont gratifiés de regards obliques et lourds de mauvaises intentions. Willie a raison, me dis-je, c’est un avantage de ne pas être considérée comme un rat. Bien que ça soit injuste.
« Hé, Brock ! Viens par ici ! »
Je grince des dents chaque fois que l’insupportable voix de Chico m’interpelle. Cette fois, c’est dans la cour centrale de l’école. Tandis que chacun attend que son prochain cours ne commence, les élèves s’y rassemblent après de leurs clans respectifs. J’ai l’air d’un véritable agneau perdu, errant sur les dalles de pierres irrégulières et couvertes d’une mousse verte et glissante. C’était déjà le cas en cours de Magie Noire Appliquée, lorsque Lin nous a confié le devoir d’assassiner quelqu’un qui le mérite (pour lundi prochain, généreux délai d’une semaine). C’est pourquoi j’obéis à contrecœur, me dirigeant vers son groupe d’amis - non, de sous-fifres - qui me dévorent des yeux. Ils sont assis au bord d’une fontaine asséchée, représentant une grande femme brandissant un immense sabre de pierre - celui-ci me semblant tout aussi aiguisé qu’un vrai.
« Assieds-toi, me fait signe Chico, assis sur le bord de la fontaine. Tu t’es fait des copains ?
— Pas encore, rétorque-je entre mes dents, prenant soin de garder une certaine distance du chef de gang.
