𝐋𝐄𝐒 𝐋𝐔𝐌𝐈𝐄𝐑𝐄𝐒 𝐂𝐎𝐋𝐎𝐑𝐄𝐄𝐒 𝐃𝐄 𝐂𝐇𝐈𝐍𝐀𝐓𝐎𝐖𝐍 s’infiltrent par les vitres embuées de la voiture. Nous quittons à peine le parking de l’école, non sans mécontentement de se voir confier une mission par Maître Lin en ce samedi soir s’annonçant pourtant tranquille. Assise côté passager, je relève mes cheveux en gardant un élastique coincé entre mes dents, demandant d’une voix sifflante au conducteur :
« Je croyais qu’il était trop tard pour les inscriptions, ce type est quelqu’un d’important ?
— C’est le gars qui a cramé cet orphelinat pour garçon. Un peu que ce malade doit être important. »
Willie me répond sans détourner le regard de la route, jouant avec le ridicule cure-dent qu’il garde en permanence dans la bouche. Une fois mes cheveux attachés, je croise les bras contre ma poitrine.
« Pourquoi c’est pas Chico qu’on a envoyé à ma place ? C’est pas comme si ça manquait de rats dans cette mission. Merde quoi, un samedi… »
Ma plainte arrache un sourire amusé à l’afro-américain, qui se contente de rétorquer :
« T’es pas un rat, Brock. T’es une héritière, c’est pas une question de quota.
— Je suis un rat, le contredis-je, Oncle Karl n’est ni mon père, ni mon oncle.
— On s’en fiche, non ? Arrête de la ramener avec ça, il vaut mieux pour toi qu’on te considère comme une héritière plutôt qu’un rat. »
Je lève les yeux au ciel, agacée. Cette hiérarchie ridicule séparant les héritiers des rats, ceux qui n’ont aucune affiliation à un ancien élève, me fait grincer des dents depuis mon arrivée, il y a un mois. En fait, intégrer King’s Dominion m’a sauvé la vie au sens physique uniquement. Certes, la bande de tueurs à gages qui tente de me tuer ne peut m’atteindre entre les murs de l’école ; mais la vie là-bas est une véritable mort spirituelle et morale.
« T’en fais pas va, y’a une justice dans ce monde. Chico ne travaille pas ce soir, mais il ne peut pas non plus profiter de ta petite protégée, raille Willie.
— Ha-ha, je réponds sans le moindre sourire. S’il y avait une justice dans ce monde, je ne serais pas obligée de te coller aux basques pour récupérer mes trois putain de dollars.
— Hé, dit-il en me pointant du doigt d’un air faussement sérieux, le Dernier Ordre Mondial paye toujours ses dettes, tôt ou tard.
