Chapitre 2 - Au bal pas masqué

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Le roi Piémont XVI avait été si heureux de retrouver sa fille la princesse Périgourdine qu'il avait décidé d'organiser un immense bal auquel tout le royaume était convié. Par tout le royaume, il entendait bien évidemment tous ceux qui avaient les moyens de se payer une tenue d'apparat digne de ce nom et un voyage en carrosse à huit chevaux jusqu'au château ; la mention tenue correcte exigée affichée devants les grilles du domaine royal n'avait pas qu'une vocation décorative.

Sitael avait fait cirer ses bottes pour l'occasion et revêtu sa plus belle cape ; il était un invité d'honneur après tout. A l'entrée du château, il confia la bride de sa monture au voiturier qui lui opposa une grimace dépitée ; l'employé aurait préféré pouvoir conduire le dernier modèle de carrosse éclectique Teste-la ou bien même une classique Fer-Harry mais dans son métier il fallait savoir composer avec une large gamme de clients inégalement répartis sur l'échelle sociale.

Sitael s'engagea sur les marches qui menaient à l'entrée majestueuse du château. Devant les portes l'attendait un pupitre d'apparence ridiculement petit rapporté à la taille de l'énorme orc en smoking qui se tenait derrière.

— Vot' nom, exigea le videur avec austérité, les crocs luisants.

— Je croyais que tout le royaume était invité ?

— Tout le royaume... qui est sur la liste, précisa-t-il. Alors, vot' nom ?

— Sitael D'Elergoth.

L'orc se pencha sur sa liste d'invités et se lécha le bout de l'index pour tourner délicatement une page. Une goutte de bave tomba sur le pupitre avec un petit psssh et un nuage de fumée quand la surface se corroda.

— Z'êtes pas sur ma liste, statua-t-il d'un air inflexible.

— Mais si, je suis un invité d'honneur, c'est moi qui ai sauvé la princesse !

— Z'êtes pas sur ma liste, répéta l'orc impassible tout en faisant un signe de tête à deux jolies demoiselles en robe meringue pour les autoriser à passer.

— Regardez encore, y'a peut-être une faute d'orthographe. Vous avez bien cherché à D ? Et à S ?

Le gros orc soupira de lassitude puis chaussa une paire de fines lunettes dorées avant de se replonger dans l'étude de sa liste.

— S... S... S... fouilla-t-il avec concentration. J'ai un dénommé Sauveur De La Princesse, ça vous dit quelque chose ?

— Mais oui c'est moi, c'est ça ! Le roi a dû oublier mon nom, rit Sitael avec embarras.

— Très bien, tu connais le mot de passe alors ?

Une goutte de sueur coula dans la nuque du mercenaire.

— La blanquette est bonne ? tenta-t-il avec un sourire figé.

L'orc se pencha vers le petit humain fébrile, plantant son regard acéré dans le sien, menaçant. Une goutte de bave acide tomba sur le bout de la botte de Sitael, psssh. Le mercenaire déglutit bruyamment.

Tout à coup, un rire tonitruant estimé à au moins 7 sur l'échelle de Riche-Terre secoua la volumineuse cage thoracique du videur et renversa les pots de géranium posés sur les rebords des fenêtres du château. S'en suivit un bruit de cornemuse qui éclate et un carambolage de carrosses bloqua momentanément l'allée devant les grilles du domaine.

— Ah ah ah ! s'esclaffa l'orc en gratifiant Sitael d'une tape dans le dos si forte que le mur contre lequel il se heurta en perdit son crépi. J'rigole ! Y'a pas de mot de passe ! Ah ah !

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