𝘅𝗶

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juliet.

l'idée du temps qui s'écoulait
comme une épée de damoclès
au dessus de ma tête
m'apparaissait insupportable.

alors j'essayais de faire
le vide dans ma tête,
de me concentrer sur toi
et sur ces réponses
que je me devais de collecter.

— tu te vois où dans 5 ans ?

je vis ton regard se teinter de confusion
mais le mien resta bienveillant et confiant.

j'avais espoir que l'air chargé de confessions qui planaient dans la nuit
camoufle l'étrangeté de cette question arrivée comme un cheveu
au milieu de la soupe,
et que tu ne cherches pas forcément
à comprendre pourquoi.

heureusement pour moi,
tu semblais laisser de côté tes doutes
et pris la parole pour la première fois
depuis trop longtemps.

ta voix déclencha un frisson
le long de mon dos.

— dans cinq ans ?
c'est une sacrée question ça, juliet.
je ne sais pas, j'imagine que je travaillerai. j'aurais sûrement fini mes études en tout cas.
je ne sais pas trop en fait.
et toi ?

aïe. tu pouvais faire
mieux que ça, ash.

je savais que tu avais survolé la question,
que les mots que j'avais prononcé
avaient flotté jusqu'à tes oreilles
et qu'ils t'étaient apparus
comme un murmure insignifiant.

mais moi j'y avais placé
tous mes espoirs.
j'avais chargé ces mots
de te quémander la vérité,
de me la rapporter entière,
puissante et pleine de promesses.

je croyais en toi, ash.
je t'imaginais un futur grandiose,
lumineux et heureux.

et tu te devais de te donner
les moyens pour y parvenir.
pour moi.

oui je m'autorisai cet égoïsme là.
parce que, où que je soi,
je garderai toujours un œil sur toi.
et je compte bien te voir
épanouie et heureuse.
c'est ma seule requête.

alors, espérant te donner la confiance nécessaire pour y croire toi aussi,
je me permis de faire quelques ajustements.

— c'est facile, moi je te vois ailleurs,
loin d'ici !
tu vagabonderais de pays en pays à la recherche de moments à capturer avec ton caméscope.
tu as toujours su voir le beau partout
et tout ce que tu filmes se transforme immédiatement en œuvre d'art.
c'est ça, en fait je te vois artiste.
réalisatrice.
créatrice de souvenirs.
les gens paieront pour que
ton simple regard les embellisse.
ton talent sera reconnu
dans le monde entier et toi tu en riras.
parce que tu te fous
d'être complimentée ou félicitée.
tout ce que tu voudras
c'est vagabonder de pays en pays
à la recherche de moments à capturer.
et tu seras heureuse.
alors là oui ash, promets moi
que tu seras heureuse !
parce que je ne souhaite à personne de connaître un monde
où ton sourire ne rayonne pas.

mon cœur battait à tout rompre
dans ma poitrine.
le souffle saccadé, je me rendais
peu à peu compte que
je me tenais désormais debout
au milieu de l'asphalte,
tes yeux me scrutant depuis le trottoir.

dans ma tête c'était l'effervescence.
je sentais que la tempête grondait en moi alors que les larmes me montaient aux yeux.

je ne parvenais plus à penser clairement,
et c'est ton rire qui vint finalement
chasser la brume de mon esprit.

je souris de tout mon cœur.
c'est fou comme je me sentais vivante.

j'étais sûre que mes mots
avaient trouver leur place au fond de toi,
je t'avais vu les absorber, les enlacer,
à mesure que je te les offrais.

sur le moment, je n'avais pas compris
que j'avais fait une erreur.

mais doucement, ton sourire s'effaça
peu à peu pour ne devenir qu'un fantôme
flottant dans l'air.

tu brisas finalement le silence
de ces mots qui résonnent
encore douloureusement en moi.

— juliet, je voulais dire toi,
tu te vois où dans 5 ans ?

et à nouveau, la chute.

the art of falling.Where stories live. Discover now