CHAPITRE 02 #LEO

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Cette fille était une teigne.

Une putain de teigne. Une tique que j'allais me trimballer dans le dos, qui allait me sucer mon temps et mon argent sans que je ne puisse lui retirer la tête. Le pire, dans tout ça, c'était qu'elle était dans son bon droit. Ne pas l'embaucher sous prétexte qu'elle était une femme, alors que j'avais validé l'entretien d'embauche par e-mail... Comment j'ai pu être aussi con ? Non. Comment des connards de parents ont eu l'idée d'appeler leur connasse de fille avec un prénom de mec ?!

— Je te sens tendu, trésor.

— A peine.

Viktor était là, accoudé sur le bar. Il avait certainement le cul relevé, les jambes en arrière, pour ne pas changer. J'ignorai si j'étais assez en colère contre elle ou contre moi, mais je l'étais assez pour avoir envie de lui agrandir l'espace qu'il avait entre les incisives. Juste parce que j'en avais envie.

— Je sais ce qui te ferait du bien.

— Un verre de whisky ?

— J'allais dire une pipe mais c'est toi le chef...

J'essuyai son air faussement déçu du regard tandis qu'il prenait son équilibre sur le marche-pied pour attraper ma bouteille favorite et un grand verre.

— Elle ne va pas rester, de toute manière.

— Qu'est-ce que tu dis ?

— Rien. Journée de merde.

— L'entretien de ce matin était si pourri que ça ? T'es encore tombé sur un minet ?

Si tu savais...

— Elijah Neumann est une putain de gonzesse.

— Nan ?! Franchement, choqué.

— C'est ça, fous-toi de ma gueule, râlé-je en attrapant le verre qui m'était destiné.

— Tu l'as quand même embauchée ?

— J'avais pas le choix... Je serai passé pour quoi si j'avais refusé ?

— Pour le macho sans cœur que t'es, mon trésor. Le déni, ça donne des rides.

La liqueur qu'il m'avait servi me brûlait à peine la gorge. Pas plus que la cigarette sur laquelle je tirai avec énervement. Les cendres s'échappaient du cendrier et se répandaient sur ma manche, quand elles ne me tombaient pas dessus directement.

— Je lui ai donné un mois, précisé-je en époussetant ma chemise, Elle ne tiendra pas.

— De toi à moi, je préférai qu'elle tienne. J'en ai marre de me taper toutes les heures supp'.

— Lesquelles ? Celles que je te demande ou celles que tu fais toi-même, à genoux sous le comptoir ?

Viktor m'offrit un cri digne d'une perdrix en fin de vie avant d'essayer de m'atteindre avec son torchon humide. J'aimais ce type. Pas gêné, honnête, parfois un peu bête. Il pointait son index dans ma direction.

— Plus jamais.

— Je croyais que t'aimais la franchise ?

— Pas quand elle sort de tes lèvres, Léo Carter, gronde-t-il, Non mais tu t'es entendu ? « sous le comptoir », je vais t'en faire un, de comptoir...

Je le laissais râler. C'était gentil. Je ne l'avais pas vraiment vexé. Si c'était le cas, il se serait arrêté de parler et franchement, ça m'aurait fait des vacances.

— T'en as pas marre de te coller l'étiquette du gay qui supporte pas la gente féminine ?

— Et toi ? T'en as pas marre d'incarner le cliché de la grande folle ? Sérieux, soufflé-je.

Casey NightclubWhere stories live. Discover now