/ 🪒/ Épilation expéditive

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Cela fait quelques jours que j'ai eu cette révélation avec Charly. La nuit de vendredi, chaque fois qu'il n'y avait aucun client dans la bibliothèque, on a essayé de s'approcher du fond. Ensemble. J'aurai bien dit main dans la main, mais c'est compliqué avec un guépard. Elle se contentait d'enrouler sa queue autour de ma jambe comme pour me dire « Je suis là. »

Je ne crois pas qu'elle réalise pleinement ce que l'on peut découvrir. À vrai dire, moi non plus. Ce sont les secrets de la ville, de toute évidence, mais quels secrets ? Pourquoi il y a des démons dans la forêt ? Pourquoi les habitants se transforment en animaux ? Pourquoi Charly est-elle aussi insupportable ? Tant de questions qui restent sans réponse.

On a tout de même fait de gros progrès. À côté de ça, j'ai fini le livre sur les Arcs-En-Ciel et j'en ai commencé un autre, avec le témoignage d'un survivant de goulag. Vraiment une super ambiance dans mes lectures, mais je n'ai pas le choix si je veux affronter cette peur irrationnelle et peut-être même surnaturelle.

Je ne pensais pas employer un jour un mot aussi lourd de sens aussi facilement. Mais honnêtement, je réalise que le surnaturel n'est rien d'autre que le naturel que nous ne connaissons pas encore. Et c'est sûrement ça qui effraie mon inconscient, cette peur de l'inconnu ancestrale.

La nuit de samedi, on a encore persévéré. A un moment j'ai même cru réussir à toucher la poignée. Mais j'ai dû courir en arrière pour vomir tant les nausées étaient fortes. Charly semble moins affecté, pour une raison que je ne saurai expliquer. J'imagine que les enjeux lui sont moins importants. Elle fait tout ça pour moi en même temps. D'elle-même, je doute qu'elle se serait lancée dans un tel guêpier par simple amour du mystère.

On est dimanche soir. Je me suis réveillé il n'y a pas si longtemps, plutôt fière de régler petit à petit mon horloge interne pour devenir une habitante lambda. Mais je reste tout de même dans mon lit pour lire. Rien ne presse après tout.

J'ai vraiment eu du mal à m'endormir ce matin. Probablement à cause des hurlements mécaniques et des coups de feu des gardiens dans la forêt. J'ai l'impression de vivre dans une zone de guerre parfois...

J'ai prévu de fermer le dimanche et le lundi, si bien que c'est techniquement mon jour de repos. Je ne sais pas vraiment quelle heure il est, mais j'ai tout de même ouvert les volets. Et à en juger par les couleurs orangées qu'on prit les murs de ma chambre, il doit faire bientôt nuit. Alors que l'obscurité envahie petit à petit la pièce, je penche la tête et–

repeint le sol de mon repas du matin.

Ma tête tourne, c'est un enfer ! C'est arrivé si vite. Le plafond gigotte dans tous les sens et mon lit surfe sur l'océan. Mon estomac se tord de douleur lui aussi. Je le griffe comme pour en extraire le mal qui l'habite avant de hurler à la mort et de lever la tête en sursaut pour allumer la lumière.

Je pisse le sang. Mes mains sont normales pourtant. Mais ce n'est pas des ongles que j'ai au bout des doigts, mais des putains de griffes, aiguisées comme des lames de rasoir ! Sur mon ventre ce n'est pas des petites griffures, mais quatre entailles d'un côté et quatre de l'autre du nombril, bien précises et sanguinolentes.

Je ne panique pas à cause de la blessure.

Mais parce que je me transforme.

Je me lève à toute allure et cours dans la salle de bain. Je plonge presque dans la baignoire et mets l'eau la plus froide possible avant de m'assoir. Mes poils s'hérissent d'un seul coup alors que je hurle, mélangeant douleur et terreur.

« JE VEUX PAS JE VEUX PAS JE VEUX PAS JE VEUX PAS JE VEUX PAS »

Je répète ça en boucle et en boucle. J'aperçois mes jambes. Elles sont couvertes de poils. Pas les miens. Une véritable fourrure.

Là où le diable se terreWhere stories live. Discover now