Calendrier de l'Avent 2022 [Terminé]

9🎄L'esprit de Noël

-Si, confirma l'adolescent, et je ne vais d'ailleurs pas m'attarder, mais je tenais à vous apporter ceci.

D'un geste indécis, ce dernier lui tendit le paquet emballé dans du papier cadeau blanc constellé de rennes rouges. Un emballage recyclé que Jeremy avait soigneusement plié, scellé et autour duquel il avait noué des rubans rouges et dorés. Aimant confectionner des choses de ses propres mains, l'exercice lui avait particulièrement plu et le résultat l'avait satisfait autant qu'il pouvait l'être de lui-même. Arnold esquissa un mince sourire, simple et minuscule mimique qui reflétait pourtant une cascade d'émotions : d'abord de la surprise, puis de la tendresse et de la joie, de la douceur et de la mélancolie, et enfin, un bouleversement témoignant de sa sensibilité.

-Mon garçon, voyons... souffla-t-il en secouant la tête pour reprendre contenance. Je ne peux pas accepter ça.

-Bien sûr que si, vous pouvez, monsieur Arnold, protesta délicatement Jeremy. Il suffit de l'attraper, et ce sera chose faite.

-Ah, ne fais pas l'idiot, s'agaça faussement le vieil homme. Tu as bien compris ce que je voulais dire. Je n'ai rien fait pour mériter ce cadeau, tu devrais le garder.

L'adolescent glissa son regard sur le visage de son interlocuteur. Il n'était que peu marqué par les années, arborant à peine quelques rides qui se multipliaient aux coins de ses yeux et de ses lèvres. Sa démarche boiteuse, même assurée par sa canne, révélait son âge avancé avec plus d'éloquence que son apparence, mais la malice et l'amusement contenus dans ses prunelles effaçaient tout le reste. En réalité, lorsqu'il avait commencé à discuter avec lui, Jeremy n'avait réalisé qu'il parlait à une personne âgée qu'en additionnant les détails qu'Arnold mentionnaient au fil de la conversation : ses petits-enfants, sa pension, son arthrose, le décès de sa femme et de ses amis...

La révélation l'avait imprégné d'une étrange sensation, un étourdissement face à sa confusion, un trouble face à son ignorance. Comme s'il était supposé savoir... et qu'il s'était volontairement voilé le regard. Bien que... ça ne changeait rien, au fond, songea-t-il. On disait souvent que l'amour n'avait pas d'âge ; on oubliait simplement de préciser que l'adage était encore plus vrai lorsqu'il s'agissait d'amitié. Il s'était senti en confiance dès les premières paroles prononcées par le vieil homme. Une bouffée d'affection et de réconfort s'était élevée en lui pour se disperser dans tout son être, abattant ses faibles défenses pour succomber au besoin de se confier à quelqu'un. Et il devrait s'empêcher d'en profiter à cause de leurs soixante ans d'écarts ? Ce serait vraiment ridicule.

Calmement, Jeremy tira la chaise vide vers lui et prit place en face du vieil homme en déposant le paquet sur la table. Il ôta son bonnet et ses gants, plus pour s'offrir le temps de trouver les mots justes que par réelle nécessité, et se lança finalement :

-Écoutez, monsieur Arnold, vous n'avez peut-être pas l'impression d'avoir fait quelque chose pour mériter un cadeau de ma part, mais de mon point de vue, c'est tout le contraire.

-Que veux-tu dire ? demanda l'intéressé d'un air à la fois impatient et concerné.

-Eh bien... quand j'ai eu besoin d'aide, c'est vous qui m'avez trouvé, expliqua l'adolescent. Vous étiez là pour me parler, me changer les idées, me conseiller. Et vous pouvez me croire quand je vous dis que votre soutien, votre compagnie, votre présence... tout ça, ça m'a été tellement bénéfique. J'étais perdu, je ne savais plus qui j'étais ni ce que je voulais ; et peut-être que je ne le sais pas encore, mais vous m'avez montré la voie. Celle qui prouve que ces choses-là, on les apprend un peu tous les jours, on n'a pas besoin de décider de tout d'un coup. La vie et les rencontres qu'on fait nous apprennent peu à peu la personne que l'on veut être, que l'on veut devenir. Vous ne pouvez pas imaginer à quel point ça a été important pour moi, monsieur Arnold. Et ça, ajouta-t-il en pointant le cadeau du bout de son doigt rougi par le froid, c'est une bien maigre forme de reconnaissance.