Je ne pense pas à ses microbes

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TW : Mention d'alcool (Je ne suis pas sûr•e, je ne l'ai pas relu. Mais il n'y a rien d'extrême), TOC + microbes

Evelyn me regarde me laver les mains pendant environ une minute avant de fermer le robinet brutalement et de me dire d'une voix ferme :
- Arrêtes-toi là, je n'ai pas envie que ta peau parte.
Je la fusille du regard et dit :
- Tu préfère que les microbes de ton ex s'infiltrent sous ma peau, dans mon sang, et me tuent ?
Elle écarquille les yeux.
- Mon ex ? Celui que j'ai quitté il y a deux minutes ?
Je hoche la tête.
- Il s'avère qu'il essayait de me draguer juste avant que tu n'arrives, et qu'il a pris ma main dans sa main poisseuse et pleine de transpiration qui a probablement traîné dans tout un tas d'endroit dégoutants avant.
Elle hausse un sourcil, pas du tout décontenancée par mon explication tarée de mon lavage de mains intensifs.
- Pourquoi est-ce qu'à chaque fois que je sors avec un mec, il veut me tromper avec toi ?
- Parce que... Je suis mignonne ?

Elle lève les yeux au ciel.
- Non, ils sont juste stupides.
- Oh...
Je me sèche les mains en silence. Evelyn ne parle pas non plus. Je finis par me tourner vers elle avec un petit sourire :
- Tu es stupide aussi ?
- Quoi...?
- Tu les as tous trompés avec moi.
Elle hausse un sourcil.
- Non, c'est juste toi qui est beaucoup trop mignonne.
J'ai un petit rire. Et on sort de la salle de bain de sa maison de vacances. Ses parents ne sont pas là. Evelyn a invité beaucoup de gens. Et je reste fixée sur l'idée que ces beaucoup de gens constituent surtout beaucoup de microbes. Et beaucoup de parasites qui m'empêchent de passer du temps avec Evelyn. Un garçon blond passe en courant et me bouscule, il se retourne, déstabilisé :
- Oh, désolé Violet. Je... cherchais quelqu'un. Ça va ? Tu as l'air tendue.
Gabriel. Vu son air préoccupé, cette personne peut être a) Thomas b) Frances c) N'importe qui qui ait un lien avec Thomas ou Frances.
- Je ne suis pas tendue. Je pense aux microbes. J'ai mangé de la quiche tout à l'heure. J'ai peur que mes mains n'aient pas été propre, ou l'assiette de la quiche. Ou les mains de l'ex à Evelyn.
Il tend un bras dans l'optique de poser sa main sur mon épaule pour me rassurer, avant de reprendre son bras, se souvenant probablement que j'aurais peur de ses microbes, ou qu'il n'a eu de contact physique volontaire avec personne depuis plusieurs mois.
- Ça va aller, dit-il. Ça finit toujours par aller.
Puis il repart en courant. Je crois qu'il refoule sa dépression. Mais peut-être qu'il est juste heureux. Ou peut-être que c'est la même chose. Evelyn me prend la main.

C'est agréable. Je ne pense pas aux microbes d'Evelyn. Je n'y pense jamais. Je me sens en sécurité avec elle. Elle recommence à marcher et m'entraîne avec elle.
- On va où ?
- À l'étage.
- Dans ta chambre ?
- Sur mon balcon, précisément, tu as besoin d'air.
- Comment tu sais ça ?
- Quand je te vois expliquer tes tocs à Gabriel. Personne n'explique rien à Gabriel. Il est stupide.
- Je l'aime bien. On est amis.
- On est amis aussi. Mais il est quand même stupide. 
- Il a 18,4 de moyenne générale.
- Il est sorti avec la personne qu'il aimait. On ne fait pas ça à quinze ans. C'est le meilleur moyen de la perdre.
- Est-ce que tu m'aimes ?
Elle se tourne vers moi avec des yeux écarquillés. Son mascara a un peu coulé. Probablement lorsqu'elle a fait semblant de pleurer en larguant le débile aux mains poisseuses de tout à l'heure.
- Pourquoi...?
- Tu ne veux pas sortir avec moi.
- Tu ne m'as jamais demandé.
- Je ne voulais pas te perdre.
On se regarde en silence. Puis elle souffle :
- Moi non plus, je ne veux pas te perdre.

On recommence à marcher. Son ex passe à côté de nous et me lance un regard mauvais avant de me souffler une insulte que je n'entends pas. Je n'en ai rien à foutre. J'ai Evelyn, et il n'a que sa honte. On monte un escalier et j'ai l'impression que les marches bougent, à cause de mes problèmes de vue, de la fatigue, et de mes talons de 10 cm. Je finis par les enlever et marcher en chaussettes. On arrive à la chambre d'Evelyn. Elle verrouille la porte et je marche jusqu'au balcon pour me laisser tomber sur le sol froid. De l'air. Ça fait tellement de bien. Je m'appuie contre la balustrade et observe les gens dehors. Il y en a qui sont bourrés, d'autres qui discutent, une fille bizarre qui danse toute seule en tenant la main d'un garçon qui semble essayer de suivre son mouvement, un Gabriel en train de pleurer, une Frances en train de regarder Gabriel en se demandant si elle devrait aller le réconforter. Elle ne devrait pas. Ce serait mal de lui faire croire qu'il reste quelque chose de bon en ce monde.
- Ça va ? Me demande Evelyn en s'asseyant à côté de moi. Je laisse ma tête tomber sur son épaule.
- Je veux... Comment on dit "to get drunk" en français ? Enfin bref, je veux faire ce qu'il faut pour être ivre.
Elle me lance un regard intrigué et souffle :
- Tu as peur de l'alcool.
Je l'ignore.
- Ensuite, je veux t'embrasser.
-...
- Et te dire que c'est parce que je suis bourrée. Même si c'est parce que tu es belle.

Elle reste silencieuse. Je continue mon monologue :
- Et que tes lèvres sont magnifiques. Un peu moins que tes épaules et tes cheveux, mais quand même. En y réfléchissant, je devrais carrément embrasser tes épaules...
Elle a un petit rire.
- Tu as bu ou quoi ?
- Non.
- Sans blague ?
- C'est le coup de fatigue de... Il est quelle heure ?
- Minuit trois.
- Le coup de fatigue de minuit trois. Je dis tout ce que je pense.
- Tu le pense ?
- Moui.
- Tu sais...
- Quoi ?
Elle hésite un peu avant de me murmurer à l'oreille :
- On n'a pas besoin d'être saoules pour s'embrasser.
- C'est vrai ?
Elle hoche la tête, et ça fait bouger mes cheveux. Puis elle vient en face de moi et se penche un peu.
- On pourrait nous voir. Dis-je. Je n'ai pas envie qu'on nous voie.
Elle se lève et me tend sa main pour m'aider à me relever. Je la suis à l'intérieur de sa chambre, et une fois qu'elle a fermé la porte-fenêtre, je me rapproche un peu d'elle pour l'embrasser sur la joue. Puis recule. Elle me fixe. Et sa voix me demande :
- Tu n'as pas peur de mes microbes ?
Je baisse les yeux.
- Ça dépend du moment. Je vais probablement avoir peur de mourir tout à l'heure.
- Il ne vaudrait pas mieux qu'on arrête, alors ?
- Je n'en ai pas envie. Je t'aime beaucoup, tu sais. J'en ai assez de me retenir de faire des choses parce que j'ai peur d'avoir peur.
- Mais je ne veux pas que tu te sentes mal tout à l'heure.
- Je me sens toujours mal. Les saletés sont partout. Et pas juste les saletés.
Les mots se coincent dans ma gorge et je n'ai pas envie qu'Evelyn me voie comme ça. Qu'elle comprenne que quelque chose ne va pas chez moi. Qu'il y aura des jours où elle ne peut pas m'approcher du tout si on tombe amoureuses. Et je ne sais même pas si je suis le genre de personne qui tombe amoureuse. Je recule un peu. Et je m'excuse. Et je crois qu'elle ne comprend pas. Et je remets mes chaussures. Et on se sourit. Elle me fait signe de venir et me dit que je peux rester dormir ici, si je veux. Je lui dit que je vais voir. Elle me dit qu'elle va juste vérifier que personne n'a vomi sur des trucs en velours, et qu'elle reviendra me voir tout à l'heure. Je m'assois sur un fauteuil. Elle sort.

J'attends quelques secondes. Puis je m'échappe par la fenêtre.

Hai finito le parti pubblicate.

⏰ Ultimo aggiornamento: Oct 16, 2022 ⏰

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