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   — « Fais pas la tête soeurette, c'est juste une soirée, la dernière de l'année à laquelle je te convie, maugréa Mai Zenin, une écharpe de fourrure décorant la carrure de ses épaules, et un paquet de Marlboro blondes dans les mains. »

— « C'est pas parce que tu m'y as convié que ça ne me fait pas chier, toisa Maki d'un regard sombre, replaçant avec son majeur, le monocle en or sur son œil droit. »


 Mai était vêtue d'une élégante tenue, un tissu d'origine lointaine, au-delà des frontières continentales situées aux larges de l'Amérique et de l'Europe. Elle avait migré depuis maintenant six ans dans le territoire bruyant et métissé de la Nouvelle-Orléans où les cultures cohabitaient et les influences se retrouvaient. Les concerts de rue résonnaient à longueur de journée, du matin jusqu'au soir. La fanfare claironnait dans un tapage délirant provoqués par les saxophonistes, des joueurs de clavier, des maîtres de l'harmonica, des danseurs fous et des jazz-band. Le delta blues battait son plein et s'étendait jusqu'aux toits des habitats. Les immeubles miteux et bon marché se succédaient, des escaliers amovibles en ferrailles entre les étages aux locaux publics. Il suffisait de passer la tête par la fenêtre pour être enivré par le son grandiose et les doigts virtuoses des mélomanes. Une note, et le corps se mettait à vibrer, le pied à taper, et les mains à bouger. Le rythme était une drogue pour tous les locataires, il passait d'une oreille à une autre et s'infiltrait puissamment dans les veines. L'énergie se transmettait à la manière d'une pilule d'ecstasy. Les pas de danse sont esquissés et simultanés avec les vibrations de l'orchestre. L'ombre des légendes se défilaient sous les nuées astrales. Le boucan des casinos dépravés rejoignaient celui des bars arrosés. C'était la ville de la nuit où circulait l'essence de la vie. Les douze coups de minuit frappaient toutes les heures. Tout le monde profitait de la liberté musicale, des joies instrumentales et des battements orchestraux. Mai s'enlisa dans les ruelles décorées de néons. Les enseignes brillaient dans la pénombre. Sa cigarette avait un goût sec, une odeur amère comme celle du gingembre et de l'orge dans la tequila. Elle repoussa les mégots tombés au sol d'un coup de talon, les piétina avec ses chaussures. Lorsque la pluie tomba, les deux sœurs déployèrent la toile de leur parapluie noire au-dessus de leur tête. Les gouttes se répercutèrent avec violence sur le tissu imperméable. Elles ruisselèrent le long des piques métalliques puis s'écroulèrent dans les flaques. 






  L'asphalte s'assombrit dans l'averse. Le ciel grondait, traversé par les orages et les éclairs. La musique continuait d'être jouée par les plus téméraires. Elles arrivèrent à un magnifique établissement de la beauté d'un hôtel sur les célèbres avenues de Beverly Hills, où un tapis rouge était déroulé sous le perron de réception. Deux hommes placés dans l'entrée, vêtus de costumes sombres, de gants blancs, de chaussures italiennes, de coiffures disciplinées, de dispositifs à l'oreille et de lunettes noires s'avancèrent et otèrent les manteaux des deux femmes. La cérémonie d'accueil se fit dans le silence impérial de la sécurité qui ne pipait mots. Leurs lèvres restaient cousues comme bouchés avec des points de sutures. Ils suivaient les instructions des supérieurs. Ils étaient conditionnés à un froid glacial et des mouvements formels. Mai sortit un étui et enfila des lunettes à faibles montures mais enveloppés de strass. Les portes s'ouvrirent et le propriétaire arriva dans un élégant costard, une canne au poignet, un chapeau melon sur la tête, un sourire synthétique, une mâchoire carrée, des chevalières au doigt et une moustache taillée. Il procéda à une poignée de main des plus courtoises, présenta les lieux. Un pianiste jouait dans le couloir, les mains enchaînées à son clavier, une symphonie claironnante. Les notes claires et harmoniques évoquaient les balades d'anciens compositeurs. La ballade ressemblait à celle de Lacrimosa. Les murs étaient égayés par des photos d'artistes, des rencontres planétaires, des souvenirs des années folles, les clichés célébraient la gloire passés des grandes légendes de la scène. Un escalier menait à un étage supérieur, le bar-restaurant étant agencé sur plusieurs surfaces. Maki traînait du pied parce qu'elle n'en avait que faire du blues, des oiseaux dorés aux ailes nacrées et à la voix rêvée mais elle devait reconnaître que l'endroit rayonnait. La lumière tamisée renvoyait une ambiance chaleureuse. 




SHE WAS PERFECT LIKE A WOMAN, 𝙅𝙐𝙅𝙐𝙏𝙎𝙐 𝙆𝘼𝙄𝙎𝙀𝙉Where stories live. Discover now