Partie 12

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Thomas Colville et Juliana Bedain retournèrent au village dans la nuit. Ils trouvèrent le Père Salomon en train de prier à l'église. Les deux jeunes gens lui racontèrent le choix qu'avait fait le jeune homme. Le Père Salomon en fut affreusement triste : « Prions, mes enfants. Prions pour le salut de son âme », et ils prièrent tout le reste de la nuit. Il ne fut pas évident d'expliquer cela aux villageois. Un mélange de tristesse et de gaité se lisait sur leur visage : la tristesse d'avoir perdu le jeune Caleb et celle de s'être enfin libérés des Nuits de la Terreur. Thomas fut jugé devant le Conseil de Tintecloche et après un long débat, la cour décréta que le jeune homme n'était pas responsable de ses actes, qu'il s'était défendus face à son père et qu'il n'était pas maitre de ses actions. Cette histoire bouleversa la tranquillité, en apparence, de Tinteclcohe car personne ne se doutait que Monsieur Colville avait battu sa femme à mort et battait régulièrement son fils, si dévoué à lui. Pour prouver sa bonne foi, Thomas montra son dos au juge, couvert de cicatrices en tous genres.

La vie repris normalement au village. L'automne laissa place à l'hiver et à son manteau neigeux ; le moulin de Monsieur Boncœur fut bloqué par la glace et chacun attendait le retour des beaux jours. En cette saison dure à vivre pour tout le monde, nous aimions nous retrouver, les soirs de grand froid, tous ensembles chez tel ou tel personne pour partager une bonne soupe autour d'un feu de cheminée.

Un soir où il neigeait particulièrement fort, Thomas embrasa la maison de son père. Il ne fut pas évident sur le coup de comprendre son geste mais il expliqua par la suite qu'il ne voulait garder aucun souvenir de cet homme. Demeurer entre les murs de cette maison où sa mère était morte et où il s'était fait battre pendant dix-huit ans le rendait malade. Le jeune bucheron passa le reste de l'hiver chez les Bedain et au retour des beaux jours, entreprit de bâtir un chez lui. Tout le village se mobilisa pour l'aider et mi-Mars, une nouvelle habitation se dressait à l'est, mais cette fois-ci, plus proche des autres.

Depuis la disparition de Caleb, Juliana s'était inexorablement renfermée sur elle-même, meurtrie au plus profond de son être. Sa famille faisait tout pour lui redonner la joie de vivre, mais rien n'y faisait. Les seules fois où la jeune fille sortait de son enfermement, c'était quand elle était en compagnie de Thomas. Depuis son plus jeune âge, le jeune homme avait toujours été là pour elle. D'une manière différente de Caleb, certes, mais toujours présent pour elle et cela ne changeait pas. Thomas comprenait le mal être de son amie ; lui-même était très affecté par les derniers événements et cherchait à tout prix à oublier tout cela. En vain. Certains soirs, il arrivait que le jeune bucheron se mette à frapper les murs de sa maison en hurlant tout ce qu'il avait sur le cœur avant de se laisser choir au sol. Seule Juliana pouvait le calmer en se glissant entre ses bras dans ces moments là.

Les mois avaient passé et le retour de l'automne mettait tous les habitants de Tinteclcohe dans un certain stress : et si Ils revenaient ? La dernière nuit d'Octobre, ni tenant plus, Juliana sella une des fines juments de chasse des Nevil et s'élança au galop à travers les bois. Elle galopa, tête dans la crinière, sans vraiment savoir ce qu'elle cherchait. Mais elle le trouverait. Elle crut rêver, devenir folle, mais il était bien là, face à elle aux portes des tombeaux : Caleb Salomon, tout aussi spectral que les créatures de l'enfer qui avaient hanté Tintecloche. Juliana n'avait pas hésité une seconde et avait sauté à terre avant de se jeter dans les bras de celui qu'elle aimait plus que tout. Caleb la serra contre lui, comme autrefois, quand il était vivant : « J'ai le droit de sortir des catacombes une fois par an : la dernière nuit d'Octobre » expliqua-t-il. Et pendant des années, sans relâche, Juliana revint aux portes des tombeaux la dernière nuit d'Octobre pour profiter de ce bref moment qu'elle pouvait partager avec celui qu'elle aimait.

Fin.

Tintecloche, le village maudit (histoire courte 12205 mots)Where stories live. Discover now