Chapitre 35 | Ava

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Chez Juliann
Lundi 26 Juin
04 : 04


— Ava ! Ava, réveille-toi !

            Tellement de sang... Sur mes mains, mon visage, dans ma bouche. Entre mes jambes. Je suis désolée, Juliann, j'ai perdu le bébé. J'ai perdu le bébé, on ne pourra jamais fonder notre famille.

— Mon ange, s'il te plaît, ce n'est qu'un rêve.

            Je sens deux mains fermes me secouer pour me faire revenir à la réalité. Il me faut quelques secondes d'adaptation pour me souvenir de l'endroit où je suis, pour me rappeler que ce n'est qu'un cauchemar, que tout cela est derrière nous.

— Ça va, je suis là, ok ?

            Je hoche la tête et me redresse pour qu'il me prenne dans ses bras. Là, je me sens mieux. À ma place.

— Ça fait cinq ans jour pour jour aujourd'hui, soufflé-je.
— Je sais. Je n'ai pas réussi à dormir.

            Ça m'énerve que même dans les moments les plus heureux, ce qu'on a vécu vienne nous hanter. Juliann se lève du lit et me porte pour m'emmener sur le balcon. Il me fait m'asseoir sur la chaise, puis vient se placer à côté de moi.

— Chaque soir à cette date, je ne trouve pas le sommeil. Ça devient plus facile au fil des ans mais...
— C'est pareil pour moi, Juliann.

            J'entrelace nos doigts et pose la tête sur son épaule.

— Tu sais... Au début, je m'en voulais énormément de l'avoir tué. Je pouvais à peine me regarder dans le miroir et son regard éteint me hantait jour et nuit.
— J'aurais dû t'en empêcher.
— Non. Tu m'as laissé faire mon propre choix, et... Bien sûr que si j'en avais eu l'occasion, j'aurais fait les choses autrement. Mais Luka méritait ce qui lui est arrivé. J'ai laissé la haine prendre le dessus une fois, c'est vrai, mais j'ai compris que je n'étais pas une mauvaise personne. Et surtout, je sais que la police aurait certainement fini par le relâcher tôt ou tard. Je n'aurais jamais été en paix, et il aurait fini par agresser d'autres filles. Des fois je me demande si de là où il est, il peut me voir en vie et heureuse. S'il a pu revoir Jenna et si elle a pu lui rendre la monnaie de sa pièce.
— Moi, je suis sûre que oui. Je suis sûre qu'il y a un monde juste qui nous attend après notre mort.
— Moi aussi. Ça m'a pris du temps, mais j'ai réussi à me pardonner.
— Moi aussi. L'année dernière, je suis allée voir Anaëlle en prison.
— Quoi ?
— Ouais... J'avais besoin de l'affronter, de lui parler.
— T'as eu les réponses que tu cherchais ?
— Non. Elle est vraiment machiavélique. Elle ne cherche qu'à se venger et... Elle réclame de voir sa fille. Elle ne peut pas la voir à moins que j'accepte, mais ça m'a énervé ! Elle n'a aucun remords, elle ne s'est même pas excusée.
— Je suis désolée, Juliann.

            Il hausse les épaules, l'air de dire que ce n'est pas grave, mais je sais que c'est faux.

— Et Anna ? Comment elle va ?
— Ça a été dur pour elle, mais cette histoire lui a permis de reprendre sa vie en main. Elle s'est séparée de Johann et a emménagé avec son fils à Paris.
— Johann et Cara ?
— J'ai encore la nausée rien qu'en pensant à eux.
— Attends, ils sont encore ensemble ?
— Ouais... Cara est même enceinte.
— Berk !

            Nous rions en nous blottissant un peu plus l'un contre l'autre.

— Comment ça va avec ta mère ?
— Bien. On a une très bonne relation, maintenant. Avec Hena aussi, d'ailleurs. J'ai laissé tomber ma rancoeur et je leur ai pardonné. Ça ne sert à rien de s'accrocher au passé.
— Je suis fière de toi mon ange. Et... tu crois que ton père dira quoi quand il sera au courant pour nous deux ?
— Il sera content. Tu sais, plus j'y pense, et plus je me dis que tout ça était un coup monté.
— Comment ça ?
— C'est Hena qui m'a trouvé ce travail. Elle a tellement insisté pour que je vienne m'installer à Nice ! Ensuite, ça a été au tour de João et Aïna. Ils m'ont quasiment forcé la main. Et puis Aïna a refusé de m'héberger chez elle quand il y a eu la fuite. Elle m'a dit d'aller chez toi.
— C'est vrai que c'est bizarre... J'étais censé aller chez mes parents ce mois-ci. Ce n'est sûrement pas très bien, mais j'accepte toujours que ma fille arrête d'aller à l'école deux à trois semaines avant les vacances d'été pour qu'elle puisse en profiter plus longtemps, et surtout parce qu'elle adore les colo qui sont organisés par la ville tous les mois de juin. Cette fois, j'avais décidé qu'on pourrait aller camper ensemble en Bretagne, mais ma mère a tout fait pour me dissuader d'y aller.
— Tu penses qu'elle savait ?
— En fait j'en suis sûr. Je sais que ma famille et la tienne sont en contact. Ma mère et la tienne s'entendent très bien. Nos pères sont devenus les meilleurs amis, et Hena et Jade aussi.
— Jade ? Vraiment ? Je n'ai jamais rencontré ta petite sœur.
— Ne t'en fais pas, tu en auras l'occasion.

TEACHME [PUBLIÉ SUR KINDLE ET AMAZON LES 14 & 21 JUIN]Where stories live. Discover now