17. La pure vérité.

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Je reçois une pincette sur le nez et cligne des yeux, pendant qu'elle se moque de mon expression perdue.

- Non, mais tu as une question à laquelle il faut que je réponde, non ?

Elle va me répondre maintenant ? Mes pensées salaces s'évaporent quelque peu pour laisser la place à de l'anticipation. SaeHee se passe une langue nerveuse sur les lèvres et j'oublie ma propre anxiété pour frôler sa colonne vertébrale et lui apporter mon soutien.

- Je t'écoute, je l'encourage.

- Mon amie Hyo..., commence la rouquin

Elle s'arrête, hésite, et je plante un léger baiser sur ses lèvres pour lui donner du courage.

- Son nom est Park HyoSonn, dit finalement la cadreuse.

Mes doigts cessent leurs caresses tandis que je percute le nom de famille de la jeune femme. Je me remémore les lunettes rondes remontées sur un nez en trompette et les longs cheveux aux couleurs de l'arc en ciel. Une idée sotte se forme dans mon esprit.

- Je n'ai jamais eu d'enfants, je déclare.

- Mais tu as eu un frère, avance la rouquine.

- Oui, JungWan, je réponds bêtement sans aligner deux et deux.

- Et JungWan..., commence la cadreuse, et elle s'arrête pour me laisser le temps de comprendre cette vérité.

J'ai une descendante. Une descendante qui est venue nettoyer mon tumuli accompagnée de son amie. Son amie avec un caractère de cochon mais très mignonne quand elle sourit et très séduisante 24 heures sur 24.

On pensait à HyoSonn, Kwan.

Elle ne manquait pas de style, et son air triste à l'évocation de ma mort m'indique que SaeHee ne ment pas.

- JungWan a eu des enfants, je formule à voix haute, me sentant comme le pire des débiles de ne pas avoir envisagé cette éventualité.

SaeHee hoche la tête et repasse une main dans ma nuque pour y caresser gentiment les mèches rebelles. Je reste perdu dans mes pensées, et elle embrasse ma moue pour me ramener vers elle.

- HyoSonn n'a jamais connu ses parents, elle a grandi dans un orphelinat, et elle a voulu faire son arbre généalogique pour en apprendre plus sur ses origines, m'explique l'étudiante. Elle travaille à la bibliothèque municipale et a accès aux archives de la ville...

- Elle est tombée sur l'article retraçant ma mort, je comprends.

Nouveau hochement de tête. A l'époque, mon meurtre avait fait jaser, et ma tombe soi-disant profanée encore plus. Je réalise alors où SaeHee avait vu ma photo et comment elle m'avait reconnu.

J'ai une famille.

Cette idée si simple qu'il puisse rester des gens sur cette Terre liés à une créature aussi vieille que moi me laisse sans voix. Ça me semblait tellement absurde, tellement éloigné du chemin que je suivais, que ça ne m'avait jamais traversé l'esprit. JungWan a fait sa vie, il a trouvé une femme, eu des enfants. 

J'imagine l'existence qu'il a pu mener, les chansons traditionnelles qu'il a pu enseigner à ses enfants, ma recette du kimchi qu'il leur a peut-être partagée. Je suis profondément soulagé de savoir qu'il a pu connaître ce bonheur.

- HyoSonn est seule, elle aussi, reprend SaeHee.

Je me focalise à nouveau sur la rouquine. Son expression inquiète signifie qu'elle n'est pas certaine d'interpréter convenablement ma réaction. Mes doigts reprennent d'eux-mêmes une douce caresse contre son échine pour la rassurer et elle soupire de contentement. Tout s'assemble comme un puzzle. Le regard inquiet et protecteur de SaeHee quand j'avais mentionné son amie, ma descendante, donc. 

Le contrat d'un mois destiné à voir si j'étais capable de progrès, si je pouvais ressentir de la compassion. Elle a dû se fracasser le crâne à peser le pour et le contre jusqu'au bout. Elle a tout fait pour être certaine que me faire part de cette information cruciale était la bonne chose à faire. HyoSonn est toute seule, orpheline, comme je le suis depuis 169 longues années.

- Est-ce... est-ce que tu veux la rencontrer ? me demande SaeHee d'une toute petite voix.

Oui. Sans hésiter. Mille fois oui.

- Evidemment, je souris.

Le visage de la rouquine s'illumine.

- Mais qu'est-ce que je vais porter ? je lui demande, anxieux car je veux faire bonne impression.

SaeHee glousse et se rapproche dangereusement jusqu'à n'être plus qu'à quelques centimètres.

- J'ai ma petite idée, me susurre-t-elle tout contre mes lèvres avant de m'embrasser, coupant court à mes inquiétudes.

Je le savais, elle m'a piégé. Je me suis fait avoir par la promesse de bisous et de coquineries, et voilà où on en est. J'adresse un œil perplexe à la tenue ridicule qu'elle m'a forcé à porter, avant de regarder mon humaine de haut.

- C'est quoi ça ? je lui demande en articulant bien chaque syllabe, avec une tête qui montre à quel point je ne suis pas content.

- Ton déguisement pour ce soir, répond SaeHee en liant les lacets de son costume de Catwoman.

Que j'aimerais lui enlever au plus vite, parce qu'elle est vraiment trop séduisante comme ça. Mais les lacets doivent prendre un bon bout de temps à desserrer, puis si je déchire tout, je vais me faire tuer.

- C'est une plaisanterie ? je dis plutôt, et je fais un effort surhumain pour garder les yeux plantés sur le visage de SaeHee.

Et j'y arrive, car je suis bien plus qu'un simple homme.

- Ben quoi ? C'est adorable ! sourit l'étudiante.

Soyons d'accord. Ça n'est pas parce je me prosterne aux pieds de cette fille que ça n'est pas une peste. Doublée d'une menteuse.

- Je croyais qu'on avait les mêmes références, je grommelle. T'aurais pas pu m'acheter une longue cape en cuir ? Qu'est-ce que c'est que ce truc ?

J'agite la cape ridicule attachée autour de mon cou, dont l'intérieur rouge me fait penser qu'il s'agit plutôt d'un rideau. Le col relevé me gratte la nuque et j'ai l'air d'un vampire de pacotille sorti tout droit d'un conte pour enfants. SaeHee s'approche de moi et coiffe mes cheveux en arrière.

- Fais-moi confiance, c'est parce que tu ne vois pas la tenue au complet, mais ça donne bien, argumente la jeune femme.

- Je ne te crois pas.

Elle plante un baiser sur mes lèvres et observe mon visage fermé. Elle essaie encore. Je tente de garder mon expression bougonne mais me laisse guider quand elle m'embrasse langoureusement.

Je ne peux décemment pas dire non à ça.

- T'es très beau, sourit-elle quand l'échange prend fin.

Je n'arrive pas à savoir si elle se paie encore ma tronche ou si elle est honnête. J'essaye de l'embrasser à mon tour pour être certain de ses dires mais elle s'éloigne.

- Dépêche, Dracula. JinKyong a hâte de pouvoir se foutre de toi.

- Quoi ?!

J'essaie de la suivre alors qu'elle franchit le pas de la porte d'entrée, mais je me prends les pieds dans cette cape de malheur et me cogne le nez contre la moquette. 

La failleWhere stories live. Discover now