La faille

14. Job étudiant.

- Donc tu n'as aucune carte d'identité ? se renseigne SaeHee.

J'essaie de me concentrer sur autre chose que ses cheveux trempés qu'elle sèche doucement à la serviette.

- Jamais eu besoin, je réponds.

- Et tu faisais comment pour trouver un logement, avec les propriétaires ?

- Quels propriétaires ?

Un regard et elle comprend à mon expression angélique pourquoi je n'ai en effet jamais eu besoin de papiers.

- J'avais oublié ton régime alimentaire, grimace-t-elle.

- Bah quoi ? Quand on peut être logé et nourri, pourquoi se priver ?

- J'en déduis que t'es pas loin de me confondre avec un steak frites...

Elle lâche sa serviette, ses cheveux encore un peu humides laissent des légères traînées contre ses joues.

- Na, t'as pas à t'en faire, je la rassure avec un demi-sourire.

- Parce que j'ai trop mauvais goût ? plaisante SaeHee.

- Entre autres.

Elle me tire la langue et mon sourire s'étend. Je peux toujours distinguer l'étincelle lointaine dans ses yeux, qui m'indique qu'une partie d'elle est encore attachée aux événements de la veille. 

J'aimerais trouver ce SangHoon et m'occuper de son cas, mais comme m'a appris Buffy, c'est toujours une mauvaise idée de foncer dans le tas sans réfléchir. Pas que je sois un as de l'art de la patience, mais ça me laisse le temps de planifier son meurtre.

- Tu pourrais me prêter ton télégraphe ? je demande soudain.

- Pour la 150e fois, Kwan, c'est un téléphone.

- Peu importe, je peux l'avoir ?

- Qu'est-ce que tu vas faire ? Admirer l'écran ?

- Appeler de l'aide. SangOok m'a expliqué l'autre jour qu'il faisait des montages photo.

- Et tu as compris ce qu'il t'a raconté, dit la rouquine, perplexe.

- Oui, parce qu'il explique lentement, et avec gentillesse. Lui.

- Tu veux dire qu'il te parle comme si t'avais trois ans.

- En attendant, c'est pas une si mauvaise idée, si ?

SaeHee inspecte son téléphone avant de hocher la tête. Je souris à nouveau, tout content qu'elle ait validé mon idée de génie, et l'étudiante passe la demi-heure suivante à me montrer comment utiliser son télétruc. 

Comme je l'avais prédit, SangOok est notre homme, et dès le lendemain, j'ai une carte étudiante fin prête à être utilisée (oui, parce que SaeHee a insisté pour qu'on n'aille pas jusqu'à la carte d'identité, afin de ne pas lui mettre les flics sur le dos). Malheureusement pour moi, la cadreuse sait déjà exactement où je dois postuler, et elle m'emmène à ce bar de malheur tenu par un patron mal aimable avec de mauvais goûts télévisuels.

- Vraiment ? j'interroge SaeHee, blasé.

- Tu veux toujours ta réponse ?

- Hmpf.

Je m'approche du barman chancelant. Il me jette un regard antipathique. Ça commence bien.

- Qu'est-ce tu veux ? grommelle-t-il.