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—  C'est étrange

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—  C'est étrange. La mer, je veux dire.

—  Mechamaru ?

—  Appelle-moi Muta, ou bien alors Kokichi, ria-t-il.



          Miwa observa avec stupéfaction les yeux de celui qu'elle avait perdu, de celui qu'elle avait tellement voulu sauver, de celui pour qui elle avait versé tant de larmes et maudit l'univers. Devant elle s'édifiait l'image qu'elle n'avait jamais eu de son camarade, elle voyait l'être humain qu'il était vraiment, des battements de cœur au sang de ses veines, de ses mains, de son cou, de sa peau guérie par la temps, de ses iris imprégnées à jamais sur sa rétine. La mécanique avait été remplacée par le doux visage de son ami fait de chair et de sang. Il ne pleurait pas, mais elle l'imaginait bien refouler sa tristesse pour lui offrir le premier sourire qu'il ne lui avait jamais offert de son vivant. Il avait l'océan dans les yeux et le cœur au bord des lèvres. Mais devant elle, celle pour qui il aurait dérobé le cosmos pour voir ne serait-ce qu'un maigre sourire naître sur sa bouche, celle qui avait plus de valeur que sa propre liberté, il refusait de montrer ses peines. Parce que Miwa était bien plus que cela, elle était la pièce maîtresse de sa défunte existence, l'unique raison de ses pulsations, elle était celle qu'il aurait le plus aimé rencontrer. Miwa était spéciale, et la seule personne pour qui son cœur s'affolait.




—  C'est tellement étrange de voir la mer, et de pouvoir marcher sur le sable aussi. J'ai raté tellement de choses que j'ai l'impression d'être un enfant. C'est agréable.

—  Je suis désolée Muta, souffla-t-elle alors que des larmes dévalaient ses joues avec violence, je suis tellement désolée.

—  Pourquoi ? Ne pleure pas, ce n'est pas de ta faute, mais celle de l'univers.

—  J'aurais aimé te rencontrer plus tôt, et dans d'autres circonstances.

—  Je suis si heureux que tu penses ça. Moi aussi j'aurais voulu marcher à vos côtés, à tes côtés, mais le destin en a décidé autrement.

—  Ce n'est pas juste.

—  Rien n'est juste.

—  J'ai eu espoir, pourtant, souffla-t-elle.

—  L'espoir est la pire chose que l'univers ait crée. Qui le donne condamne à échouer pour l'éternité, qui l'enlève condamne à maudire l'éternité. C'est assez ironique.

—  Il ne fait pas forcément échouer.

—  L'humain n'est jamais satisfait de ce qu'il a. Pour moi, c'est synonyme d'éternel échec.




          Pouvoir bouger son corps comme bon lui semblait était complètement différent de ce qu'il avait pu imaginer autrefois. De ses propres yeux il voyait ce petit monde de satiété, de la couleur du ciel qui ne se ternissait jamais, au turquoise de la mer qui reflétait les volatiles qui la survolaient, ou bien alors de la teinte or évaporée du sable. Il possédait une mobilité sans limites, et n'hésitait pas à longer les bords de l'océan jusqu'aux frontières de galets pour profiter de cette liberté nouvelle. Il était radieux de pouvoir se présenter à elle avec cette enveloppe charnelle. Mais même après s'être débarrassé de ses démons, il n'avait jamais pu oublier l'image de son amie, et ne l'avait jamais voulu. Cette chevelure bleue singulière lui rappelait tant les vagues qui s'échouaient sur ce rivage, et ses yeux accueillaient en leur sein une bienveillance que seule Miwa possédait. Cette même bienveillance qui l'avait frappé lorsqu'elle avait débarqué dans sa vie. Il la trouvait jolie.




—  Ta mort m'a anéanti de chagrin, elle reprit sa respiration et cacha d'un revers les abysses sous ses yeux, si tu savais comme tu m'as manqué.

—  Pardonne-moi, je ne voulais pas.

—  Tu n'es pas à blâmer, personne ne l'est.

—  Tu es trop gentille.

—  Sûrement. Mais tu le mérites, Kokichi.




        Muta sourit à nouveau. Elle avait toujours eu le don de faire flotter son cœur et de bercer ses mauvaises pensées. Il essuya avec douceur les écumes de sa douleur présentes sur ses joues, et entreprit timidement d'enlacer leurs doigts. Il captura sa paume et en traça les lignes de vie, caressant cette peau usées par les maléfices et les armes, observant ces jointures se plier avec délicatesse. Les cicatrices d'une existence passée à combattre l'imbattable, à la poursuite de quelque chose qui n'existait pas, étaient gravées sur son corps. Un châtiment injuste pour une âme si généreuse.



          Il s'allongea sur le sable fin de la plage, laissant son corps choir tel un ange. Ici, les oiseaux chantaient des idylles à en faire jalouser les poètes, des contes d'autrefois, des récits qui clamaient la présence d'un monde meilleur, loin de tout ce qu'ils avaient connus. Miwa s'allongea aux côtés de son camarade et ferma les yeux, reposant ses orbes fatigués. Ce qu'il se produisait était irréel. Mais même si ce moment était une chimère que son esprit avait crée pour apaiser sa tourmente, elle continuait de croire que tout était vrai, que l'univers avait été clément. L'espoir était tout ce qui lui restait.




—  Le soleil va se coucher, remarqua-t-elle.

—  Oh, déjà.

—  Qu'est-ce qu'il y a ?

—  J'aurais aimé rester un peu plus longtemps avec toi. Mais je suis si heureux de t'avoir revu.

—  Ne dis pas ça.





          Elle refusait de refermer les yeux, et de voir le visage de son ami disparaître à jamais de sa mémoire. Kokichi se leva, l'entraînant à contrecœur avec lui, et se dirigea vers les flots. Seuls les voyageurs égarés et les âmes meurtries se retrouvaient sur cette terre de plénitude, ce petit oasis où rien de mal pouvait arriver, mais Miwa était en vie. Elle n'avait pas encore sa place ici.





—  Mon seul regret est que tu ne m'ait jamais vu sous cette forme lorsque j'étais encore en vie. J'aurais aimé que tu puisses voir mon visage, et que tu puisses sentir mon cœur battre comme un être humain normal.

—  On est pas obligés de partir, je ne veux pas que tout ceci ne soit qu'un rêve.

—  Peu importe que ce soit un rêve ou non, le plus important est que nous ayons été réunis. Et je t'attendrais le temps qu'il faudra Kasumi, j'ai toute l'éternité devant moi. D'ici-là, ne m'oublie pas, finit-il par murmurer.

LE SPLEEN DES MACCHABÉES, jujutsu kaisen.Where stories live. Discover now